C'est un curieux parcours qui a mené Mehdi Benatia, le capitaine de la sélection nationale, jusqu'à la Coupe du Monde en Russie, une succession de très hauts et de très bas, entre la Juventus Turin et les Lions de l'Atlas. Le point de départ de ces montagnes russes, le point bas, c'est un communiqué publié sur Facebook en mars 2017. Benatia joue peu avec la Juventus et estime qu'il ne peut plus, dans ces conditions, tenir sa place dans la défense du Maroc. « Vous connaissez l'attachement que j'ai pour mon pays, c'est donc avec beaucoup d'émotion que j'ai décidé de renoncer au prochain rassemblement de l'équipe nationale et ce jusqu'à ce que ma situation en club évolue (…) Il faut se rendre à l'évidence, je ne suis pas titulaire dans mon club. Il m'est donc compliqué d'être aussi compétitif que je le souhaiterais en sélection« , écrit alors l'ancien joueur de l'AS Rome et du Bayern Munich. Huit mois plus tard à Abidjan, brassard de capitaine au bras, Benatia inscrit le deuxième but des Lions de l'Atlas face à la Côte d'Ivoire (2-0) et envoie son pays en Coupe du Monde, une première depuis 1998. « Dans ma carrière, c'est le moment inoubliable, la plus grande fierté« , a-t-il expliqué dans une récente interview à France 24. A ce moment-là, en novembre, Benatia était donc redevenu le capitaine des Lions, mais aussi un élément important de la Juventus, où il a réussi à s'imposer comme un titulaire, le plus utilisé des défenseurs avec l'incontournable Chiellini. Auteur d'une saison très solide, le Marocain a remplacé sans trembler Bonucci – parti à Milan -, dans un style différent, plus brutal, plus dur. Titulaire à la Juventus, c'est l'aboutissement d'une carrière en club bâtie essentiellement en Italie (Udinese puis Roma) avant deux saisons mitigées au Bayern. C'est aussi un beau couronnement pour le natif de Courcouronnes, en région parisienne, qui, en France, n'a jamais eu sa chance en Ligue 1, ni à Marseille ni à Lorient, devant se contenter du deuxième échelon à Tours puis Clermont. Mais alors qu'il était au plus haut, performant en club, leader en sélection, Benatia a trébuché et dégringolé. La chute, brutale, s'est jouée en deux épisodes. Dans le premier, le Marocain a eu le mauvais rôle en Ligue des Champions. Celui d'un défenseur qui par une intervention trop engagée brise le rêve turinois d'une incroyable remontée sur le terrain du Real Madrid. Le penalty a été sifflé et transformé, le Real s'est qualifié (3-0 ; 1-3) et Benatia s'est exprimé maladroitement, parlant de la décision arbitrale comme d'un « viol » avant une discussion houleuse avec un humoriste italien, qualifié sur Instragram d' »imbécile » et de « tête de con« . Le deuxième épisode a eu lieu en championnat, lors d'un Juventus-Naples aux faux airs de finale de la Serie A. La Juve tenait un 0-0 qui lui allait parfaitement quand, à la 89e minute, Koulibaly a échappé au marquage du Marocain pour inscrire le seul but d'une victoire napolitaine qui aurait pu renverser l'issue du championnat.Qui aurait pu seulement. Car la Juventus s'est relevée, comme l'a fait Benatia après deux matchs où il est resté sur le banc, marqué plutôt que puni. Sa réponse, il l'a donnée en finale de Coupe d'Italie avec un doublé face à l'AC Milan (4-0), célébration mitraillette à la clé. « Après l'erreur contre Naples, toute l'Italie a pensé que j'étais nul. Je ne suis pas devenu bon aujourd'hui mais je voulais donner une réponse au groupe. J'ai été mal pendant 10 jours après ce but de Koulibaly, mais heureusement mes coéquipiers ont fait ce qu'il fallait« , expliquait alors le défenseur-buteur dans les sous-sols du Stade Olympique, là où il avait vécu une belle saison à la Roma avec Rudi Garcia. La suite de sa carrière en Italie n'est d'ailleurs pas garantie et son avenir sera l'un des axes du mercato turinois. Mais en attendant, Benatia doit guider le Maroc au Mondial, dans un groupe très relevé, avec Iran, Portugal et Espagne. « C'est ce genre de match que tu veux jouer, des matchs que tout le monde va regarder », a-t-il lancé. De vrais sommets.