Après avoir manqué les trois dernières éditions de la CAN, les Pharaons d'Egypte sont de retour. Cette participation à la CAN est symbolique puisqu'elle signifie que les tumultes qui ont secoué et transformé le football égyptien sont désormais de lointains mauvais souvenirs. « Je ne peux pas vous garantir où nous nous arrêterons à la CAN », concédait Hector Cuper, au sortir d'une nouvelle victoire laborieuse des siens « à la Tunisienne », devant les Aigles de Carthage (1-0). L'unique match de préparation des Pharaons avant de voyager au Gabon pour disputer la biennale africaine. La déclaration du sélectionneur argentin ne relève pas d'un manque d'ambition pour une équipe qui a déjà remporté le trophée à sept reprises, record en Afrique. Ou d'une communication sur mesure. Elle reflète tout simplement la méconnaissance par Hector Cuper des limites de son équipe qui n'a pour l'instant pas encore été réellement mise à rude épreuve. De surcroît, le technicien, tout comme 19 de ses joueurs, découvrira la CAN au Gabon. L'Argentin espère bien évidemment connaitre un épilogue identique à l'édition 2010, année où l'Egypte remportait la compétition pour la troisième fois de suite. Une année qui sera le prélude à une traversée du désert aussi longue que le Nil, qui va bouleverser le football égyptien. LA MORT FRAPPE DANS LES STADES La révolution du 25 janvier 2011, qui dépose le raïs Hosny Mubarak après trois décennies au pouvoir, marque le début des turbulences en Egypte et fait basculer le football égyptien dans ses heures les plus sombres. Le chômage technique frappe une première fois les joueurs avec l'annulation de la saison de championnat. Suivi d'une seconde annulation. La saison 2012-2013 est en effet interrompue définitivement suite au drame de Port-Saïd en février 2012 quand à la fin du match opposant l'équipe locale Al-Masry à Al-Ahly, 74 supporters des Diables Rouges trouvent la mort suite à un envahissement de terrain. Depuis cette tragédie, tous les matches du championnat se jouent à huis clos, de préférence dans des stades militaires, sous la protection conjointe de la police et de l'armée. En février 2015, alors que les autorités avaient enfin décidé de lever le huis clos qui pèse sur les stades égyptiens en championnat,19 supporters du Zamalek trouvent la mort devant le stade militaire du 30 juin. Toutefois pour les matches continentaux et ceux de l'équipe nationale, les autorités accordent parfois des dérogations et autorisent au compte-goutte la présence de supporters dans les gradins, histoire de raviver le sentiment patriotique. Ce fut le cas par exemple en Novembre dernier avec 80.000 supporters au stade de Borg Al Arab, pour encourager l'Egypte face au Ghana pour le compte des éliminatoires de la Coupe du Monde. Du jamais-vu en six ans. LA TRANSFORMATION DES PHARAONS Même si le manque de rythme dû à l'absence du championnat n'a pas affecté Al-Ahly (vainqueur de la Ligue des Champions en 2012 et 2013, et de la Coupe de la Confédération en 2014) sur le plan continental, le football égyptien a été largement bouleversé par l'instabilité politique du pays depuis 2011. Face à l'assèchement des recettes publicitaires et celle des entrées aux stades dû aux huis clos, la plupart des clubs sont dans le rouge. Des clubs historiques comme Ittihad d'Alexandrie ou Ismaïly (club de Hosny Abd Rabou désigné meilleur joueur de la CAN 2008, Mohamed Barakat, Ahmed Hassan, etc.) sont incapables d'assumer les salaires de leurs joueurs. Seuls les formations détenues par un magnat (Smouha, Wadi Degla où évolue Essam Al Hadary) ou par une société étatique (Arab Contractors) s'en sortent grâce à leur centre de formation et la vente de leur talent à l'étranger. Ainsi Mohammed Salah et Mohammed Elneny, formés par Arab Contractors sont passé par Bâle avant de réussir en Europe. Pour les autres Egyptiens l'exode se fera souvent dans les pays du Golfe, en Libye, au Portugal ou en Suisse. Face à la dure réalité du football égyptien, Bob Bradley le sélectionneur des pharaons d'Egypte ouvre les portes aux jeunes à son arrivée en 2011 et casse la tradition selon laquelle seuls les titulaires à Al-Ahly ou au Zamalek peuvent prétendre rentrer en équipe nationale. La relève est en marche. Les Mohamed Salah et Elneny deviennent les piliers pendant que les Ahmed Hassan, Wael Gomaa et Mohamed Abou Treika prendront par la suite leur retraite. Sans championnat, l'américain doit parfois organiser des camps d'un mois avec une quarantaine de joueurs pour permettre à son groupe de maintenir le rythme. Pas suffisant toutefois pour qualifier les pharaons à la CAN de 2012 et 2013, ainsi qu' au mondial 2014. Shawqi Gharib son successeur ne fera guère mieux alors que l'Egypte retrouve enfin de la stabilité politique et que le championnat reprend de plus belle. Les Pharaons manquent une nouvelle fois la CAN. L'EGYPTE REVIENT AU PREMIER PLAN Arrivée en mars 2015 au chevet des pharaons d'Egypte, Hector Cuper reprend les fondations du travail de Bob Bradley. L'équipe s'appuie sur des jeunes et les expatriés qui forment désormais la moitié de l'équipe. Une première dans l'histoire de l'Egypte. L'argentin insuffle sa rigueur défensive et mise sur les contres menés par ses flèches offensives (Ramadan Sobhi, Mahmoud Abd El Moneim « Kahraba », Mahmoud « Trezeguet ») et la vitesse du romain Mohammed Salah devenu depuis un joueur de classe mondiale. Son équipe pratique un jeu laborieux mais terriblement efficace. En 8 matches officiels, l'Egypte n'a perdu qu'une seule fois. C'était devant le Tchad il y'a deux ans. Les Pharaons sont bien partis pour se qualifier pour le mondial 2018. Ce qui confère pour l'instant à Hector Cuper un statut d'intouchable. Surtout qu'avec la crise économique qui frappe de plein fouet l'Egypte, les Pharaons arrivent à fédérer le peuple. POINT FORT A la CAN, les Pharaons pourront se reposer sur leur forteresse derrière. En 8 matches officiels, ils n'ont concédé que 3 buts. Même si son style de jeu est décrié, il permet à l'Egypte de faire déjouer ses adversaires, avec un Mohamed Salah capable de porter l'estocade sur une action. POINT FAIBLE Pour la première fois de son histoire, l'Egypte disputera la CAN avec une équipe inexpérimentée. 19 joueurs seulement parmi les 23 découvriront la compétition. Seul le portier Essam Al Hadary (Wadi Degla) 43 ans, quatre CAN à son actif, qui deviendra le joueur le plus âgé disputant cette CAN, Ahmed Fathi (Al-Ahly), Ahmed Al Mohammady (Hull City) et Mohamed Abdelshafy (Ahly Jeddah) ont déjà participé à cette compétition. LE CALENDRIER 17 janvier : Mali – Egypte, 20h Port-Gentil. 21 janvier : Egypte – Ouganda, 20h à Port-Gentil. 25 janvier : Egypte – Ghana, 20h à Port-Gentil