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Les Américains et nous
Publié dans Le temps le 28 - 06 - 2011

La débâcle du monde arabe a-t-elle porté les Américains à croire au «Moroccan dream» ? Analyse.
La boutade a fait le tour du monde. «Je vais admettre que je suis né au Maroc», avait osé, fin 2010, l'actuel président américain. Cette envolée lyrique aurait pu passer pour une simple plaisanterie si elle n'avait pas été relevée dans la bouche du président du plus puissant pays au monde. Barak Obama, puisque c'est de lui qu'il s'agit, aurait-il troqué ses vraies origines kényanes pour de prétendues racines marocaines ? On n'oublie jamais la terre des ancêtres. Seulement voilà. En admettant être «né au Maroc», le président américain, au-delà de l'estime que les Américains vouent au «premier pays à avoir reconnu l'indépendance» de leur pays, avait exprimé une «admiration» pour «un modèle» au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Souvenez-vous bien : au lendemain de l'investiture du président Obama, lors de son premier discours majeur de politique étrangère, le Maroc avait été élu aux côtés de l'Egypte et de la Turquie pour accueillir cet événement. Le choix était certes tombé sur l'Egypte, mais le Maroc avait occupé une place privilégiée dans ce premier discours adressé au monde arabo-musulman. Depuis, et au gré des occasions, le président démocrate et sa secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, Hillary Clinton, multiplient les marques d'admiration et les appels à prendre exemple sur le Royaume. «Je partage avec le roi du Maroc des principes communs de justice, de tolérance et de dignité pour tous les êtres humains», faisait valoir le président Obama. L'engagement «personnel» de SM le roi en faveur de la paix au Proche-Orient, particulièrement entre Israël et la Palestine, est salué; son action régionale, notamment pour un Maghreb arabe stable, également. Et ce n'est pas tout … Le président américain dit également «apprécier l'engagement personnel du roi du Maroc en faveur du dialogue entre les religions et les cultures», espérant «avoir l'occasion de discuter de toutes ces questions avec le souverain marocain».
La révolution tranquille
Mais bien plus qu'une communauté d'idées et d'idéaux, il y a une exception qui n'a pas laissé indifférent le président Obama. Dans un monde arabe où le parti unique (et inique) fait fureur, où l'économie de rente continue de tisser sa toile, et où les fossés sociaux se creusent dangereusement, le Maroc a fait route à part et s'est érigé en alternative viable. Et ce n'est pas le Département d'Etat américain qui nous contredira. A l'occasion d'un discours donné, récemment par le président Obama, consacré à la nouvelle approche des Etats-Unis vis-à-vis du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (région MENA), Hillary Clinton a parlé à juste titre d'«exception marocaine». «Le royaume du Maroc a déjà mis en œuvre des réformes significatives, notamment la promotion des droits de la femme et des jeunes, ainsi que l'accès universel à l'éducation», avait indiqué Hillary. Les 11 ans de règne de Mohammed VI ont, en effet, été ponctués de réalisations pionnières à l'échelle non seulement d'Afrique, du monde arabe, mais de tout le pourtour méditerranéen. Disons-le haut et fort : le Maroc a été le premier pays en Méditerranée à avoir tourné la sombre page des années de plomb en installant, au début du règne de MohammedVI, l'Instance Equité et Réconciliation (IER). La presse américaine avait, faut-il le rappeler, fait ses titres de gloire sur ce pas fondateur que même des pays européens, l'Espagne entre autres, n'ont pu franchir. D'autres initiatives «révolutionnaires» allaient suivre : réforme du Code de la famille, levée de la discrimination envers les femmes, octroi de la nationalité marocaine à des enfants nés de mères marocaines et de pères étrangers, renforcement de la participation politique des femmes, libération des détenus d'opinion, réhabilitation matérielle et morale des victimes des années de braise, criminalisation de la torture …
Voyez-vous, on pourrait allonger la liste des acquis mais abrégeons : le discours royal du 9 mars dernier a marqué un nouveau virage prometteur dans le processus de réformes au Maroc. Ce jour, le souverain a donné satisfaction à une revendication politique majeure, appelée des vœux et des hautes luttes des citoyens : la réforme constitutionnelle. «Le Roi Mohammed VI a annoncé des réformes globales qui visent à garantir des élections parlementaires libres, un système judiciaire indépendant et à assurer le respect des droits de l'Homme pour tous», s'est félicité le Département d'Etat. Et pas vraiment à tort. Le souverain a donné son plein contenu au principe de séparation des pouvoirs (Exécutif, Législatif et Judiciaire). Exécutif : un Premier ministre qui se dégagera des urnes, avec des attributions de véritable chef de gouvernement : Législatif : un Parlement, avec de véritables élus capables de légiférer et d'accomplir leur tâche dans le contrôle de l'appareil exécutif. Judiciaire : Une justice à l'abri de toute interférence de l'Exécutif et respectant le principe de l'égalité de tous devant la loi. Que faut-il encore demander ?
Tout bien considéré, le Maroc, qui a pu décrocher un «statut privilégié» auprès de l'Union européenne, ajoute à son arc cette autre corde de «partenaire stratégique» des Etats-Unis. «Le Royaume du Maroc est à même de démontrer son leadership régional en allant de l'avant dans l'approfondissement des réformes démocratiques», exhorte le Département d'Etat. Leadership vu également d'un œil admiratif par le SG des Nations unies, Ban Ki-Moon, et les dirigeants des grandes puissances mondiales.
Lutte antiterroriste
Le récent attentat terroriste ayant secoué le Café Argana, à Marrakech, a suscité une véritable levée de boucliers chez les leaders américains et européens. Les uns et les autres étaient conscients que cet acte barbare visait, au fond, le patient et courageux processus de réformes entrepris par le Maroc. En perpétrant cet acte immonde, les «fous illuminés» avaient dans le viseur cette magnifique «exception» incarnée par un Royaume ayant mis à ses côtés toutes les chances et tous les atouts pour édifier un Etat moderne, démocratique et progressiste.
Cet attentat a également été l'occasion de rappeler le rôle efficace joué par le Royaume dans la lutte antiterroriste. Un rôle salué par nos partenaires européens mais aussi et surtout par les Etats-Unis, qui ne tarissent pas d'éloges sur les succès du Maroc dans l'endiguement du danger depuis les sinistres attentats terroristes du 16 mai 2003. Parallèlement à cette lutte, le Royaume avait pris de braves initiatives destinées à asseoir un Etat de droit, sur la base du respect des libertés, publiques et individuelles, l'égalité des chances, l'équité entre hommes et femmes …
C'est ce même choix que l'Occident, les Etats-Unis en particulier, veulent aussi défendre contre tout danger externe guettant le royaume, que ce danger s'appelle terrorisme ou séparatisme.
Séparatisme
Depuis 2007, qui marque le lancement des négociations de Manhasset autour du Sahara marocain, les Etats-Unis ont joué un rôle clé dans la défense du principe d'autonomie pour les provinces sahariennes. Remarquez que ce rôle était déjà joué par l'administration du président républicain George W Bush. Mais avec le président démocrate, Barak Obama, le Maroc compte sur un appui de poids. La solution d'autonomie correspond, d'ailleurs, parfaitement à la vocation démocrate de Barack Obama, d'autant plus que le plan marocain prévoit l'octroi de larges prérogatives d'autogestion à la population des provinces sahariennes. La dernière résolution onusienne, fin avril 2011, en a rajouté une couche au Polisario en le mettant devant ses responsabilités. Le Conseil de sécurité lui a retiré la seule «carte» qui lui restait entre les mains, en refusant d'élargir le mandat de la Minurso au contrôle des droits de l'Homme. Les pays influents, avec à leur tête les Etats-Unis, savent que l'Algérie, autant que sa créature le Polisario, sont des bourreaux des droits humains. Ils leur ont intimé d'autoriser le recensement de la population sahraouie séquestrée à Tindouf, donnant ainsi suite à l'une des revendications clés du royaume. Une belle consécration donc des efforts déployés par le Maroc pour tourner la page d'un faux conflit plus que trentenaire et, par ricochet, un cinglant camouflet à la position contreproductive d'une Algérie qui persiste à jouer avec le feu terroriste et séparatiste en abritant sur son sol à la fois l'antenne maghrébine d'Al Qaïda, Organisation Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), et un mouvement indépendantiste qui s'est dangereusement converti à des trafics de toutes sortes (armes, drogue, êtres humains, etc.).
L'exception marocaine
Alors que la première étincelle de la révolte arabe a jailli en Tunisie, des voix malveillantes s'étaient élevées pour dire que le Maroc n'en était pas à l'abri. Cinq mois plus tard, tout un chacun se rend compte que le Royaume a formidablement dérogé à la règle. Miracle ? Que non. Le Royaume a entamé sa «révolution» il y a déjà une décennie, en jetant les bases de son Etat de droit. Une révolution «tranquille» qui lui a valu de la part de l'administration Obama le qualificatif enviable de «pays leader» dans la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. En politique, le Maroc a favorisé le pluralisme au point qu'il dispose actuellement d'une quarantaine de partis. En économie, le Royaume est l'un des rares pays émergents à avoir résisté à la crise financière et économique internationale. Quand à cela, il faut ajouter les retombées sociales de l'Initiative nationale pour le développement humain (INDH), on peut facilement imaginer comment et pourquoi le Maroc fait aujourd'hui figure d'exception.
Malgré les provocations infinies de l'Algérie, son acharnement à refuser toute réouverture des frontières, son rejet de toute forme de coopération économique, le Maroc continue de voir dans la redynamisation de l'Union du Maghreb Arabe un «choix stratégique». A la politique de la porte close signée Algérie, le Royaume a préféré la politique de la main tendue, ce qui dénote une lucidité bouleversante quant à la nécessité de préserver, sur le plan des relations bilatérales, un rapport de bon voisinage, et à l'échelle régionale, les chances de redonner vie à un bloc maghrébin économiquement complémentaire, socialement prospère et culturellement homogène, face à une Europe puissante en quête de partenaire crédible et fiable. L'octroi au Maroc d'un «statut privilégié» auprès de l'Europe et la signature d'un accord de libre-échange avec les Etats-Unis atteste de l'importance que revêt le Royaume dans l'édification d'une région stable, démocratique et viable. M'Hamed Hamrouch
Barack Obama «La dignité humaine est notre combat commun»
«Je partage avec le roi du Maroc des principes communs de justice, de tolérance et de dignité pour tous les êtres humains», se félicite le président démocrate américain, Barack Obama, soulignant notamment «l'engagement personnel du Souverain en faveur du dialogue des religions et des cultures».
Hillary Clinton «Les réformes au Maroc sont significatives»
«Les réformes constitutionnelles annoncées par SM le roi Mohammed VI dans son discours du 9 mars viennent consolider d'autres réformes significatives déjà mises en œuvre dans le Royaume, notamment la promotion des droits de la femme et des jeunes, ainsi que l'accès universel à l'éducation».
John McCain «Le Maroc est un exemple positif»
Au lendemain de l'annonce des réformes constitutionnelles par le Souverain, le sénateur républicain John McCain avait félicité le roi Mohammed VI pour son «impressionnant discours», affirmant que le Maroc «continue d'être un exemple positif» pour les pays de la région du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord (MENA). «Ce nouvel agenda de réformes s'inscrit en droite ligne de "l'engagement de longue date" pris par le Souverain en vue de bâtir un «avenir fait de réforme et de modernisation», a-t-il relevé.
Joe Lieberman «Un partenariat riche et historique»
«Les Etats-Unis demeurent disposés, en tant qu'amis et partenaires du Maroc, à contribuer à la réussite de la mise en œuvre des réformes dans le royaume, un pays avec lequel Washington entretient un partenariat riche et historique depuis plus de deux siècles», a récemment affirmé le sénateur américain Joe Lieberman, ancien candidat démocrate à la vice-présidence des Etats-Unis en 2000.
CCG, l'appel du coeur
La nouvelle a été pour le moins surprenante. Lors de la dernière réunion du Conseil de coopération du Golfe (CCG), une invitation a été adressée au royaume du Maroc afin d'y adhérer. La surprise a été d'autant plus forte que le Maroc est, géographiquement, très loin des pays du Golfe. Mais c'était compter sans l'importance stratégique que représente le Royaume à l'échelle de toute la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. Première réaction en chaîne, celle de l'administration Obama qui a vu dans cette initiative une chance de «contamination démocratique » de cette région riche du Moyen-Orient. Pionnier en matière de réformes politiques, économiques et sociales, le Maroc fait figure de «très bon exemple», comme l'a si bien dit le responsable républicain américain John MacCain. Il serait donc judicieux, aux yeux des Etats-Unis, de faire profiter les pays du CCG de l'expérience marocaine. Et puis, face à l'échec des «républiques» arabes, qui s'écroulent l'une après l'autre sous le coup de semonce de la colère populaire, les monarchies ont su tenir bon. Et pour cause. Ces monarchies se révèlent être un garant de stabilité, un vecteur de rassemblement et un symbole de prospérité, correspondant mieux à une mentalité arabe très complexe. L'invitation du Royaume du Maroc à se joindre aux monarchies du Golfe n'est ainsi pas le fruit du hasard. De tout cela, il ressort que le royaume du Maroc est aujourd'hui un «bon modèle» à suivre par le monde arabe. L'appui franc et sincère que l'administration Obama apporte au Maroc est, en effet, le résultat d'une action patiente menée en profondeur par SM le roi depuis son accession au Trône et qui a déjà commencé à porter ses fruits. La boutade du président américain n'est donc pas fortuite, elle dénote une fierté d'appartenance à un pays qui, malgré un entourage sous-développé, des mentalités rétives au changement, peu enclines aux principes démocratiques, a réussi à avancer pour se ménager une place de choix au sein des pays civilisés.


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