Comment faire du boulot qui vous dégoûte un job de rêves. Quelque chose ne tourne pas rond au Maroc. Une vague de tristesse, un relâchement d'optimisme. Dans la rue, un léger filet de résignation étend son emprise sur les visages des passants. Allez Maroc, ce n'est pas le moment de se laisser submerger par l'angoisse. Oui, le monde est en proie aux soulèvements, à la révolte, au chaos social. Et alors ? Tant qu'on pourra boire une bonne Heineken après le boulot avant de s'abrutir devant la dernière saison de «How I met you Mother», l'espoir n'est pas mort. Mais reprenez-vous bon sang, on dirait qu'on vit en temps de guerre. C'est le froid qui vous rend si amorphes, si inexpressifs ? Si vous avez besoin d'une bonne dose d'optimisme, connectez-vous sur le site du HCP. Là-bas, vous découvrirez des choses qui vous rendront le sourire. Les statistiques de Ahmed Lahlimi ont un effet revigorant sur les esprits dépressifs. Chômage en baisse, investissement en hausse, nombre de nuitées touristiques mirobolantes. Utilisez ce portail comme anxiolytique, vous verrez, l'effet est garanti. Et puis, de grâce, arrêtez de travailler autant. Il est prouvé scientifiquement que boulot et stress vont de pair. On vous paie pour pointer à huit heures et partir à six heures et demie, si votre employeur souhaite que vous abattiez du taf dans l'intervalle, c'est son problème. La procrastination est une discipline relevant de la santé publique. Résistez à la tentation Peu de choses sont porteuses d'autant de satisfaction qu'une journée de labeur délicieusement gâchée. Mais attention, la tâche n'est pas aisée. Il faut résister à la tentation de répondre à quelques Outlook avant la pause-déjeuner. Petit conseil : toujours profiter de la question d'un collègue pour étirer la conversation, l'étaler sur des sujets extra-professionnels. A ce titre, l'actualité ne manque pas de matière. Scandalisez-vous de l'auto-immolation rampante dans les pays arabes, tapez du poing sur la table en évoquant les 70 milliards de fortune personnelle de Moubarak ; et si vous êtes vraiment en manque d'inspiration, ressortez le dossier obsolète des inondations casaouies. Parlez d'infrastructures défectueuses, de trous dans la chaussée, d'amis affectés par les intempéries. Meublez ! Deux conversations de ce type et vous avez grillé une matinée d'heures ouvrables rémunérées. Les après-midi sont une autre paire de manche. Vous venez de vous ravitailler en lipides au KFC, alors, tout le monde s'attend à ce que vous flirtiez avec votre pic de productivité. C'est le moment d'explorer les millions d'applications ludiques sur Facebook. Employez votre excédent d'énergie calorique à tenter de coincer Akinator sur le nom d'un footballeur du Barça. Le jeu est à ce point droguant qu'il vous accompagnera dans votre oisiveté jusqu'en début de soirée. Coup de boule Vers cinq heures, mettez le cap sur la kitchenette pour vous préparer un lipton camomille. Avec un peu de bol, vous y retrouverez un collaborateur de votre tempérament, un joyeux luron proche de la retraite. Avec lui, plaignez-vous des effets de la technologie sur la qualité de vie. Il vous emboîtera le pas et se lâchera sur un temps que les moins de cinquante ans ne peuvent pas connaître. Entre invectives bien senties à l'endroit d'Excel et nostalgie d'un monde sans PC, il est capable de plomber une heure et quart de temps de bureau. Certes, l'ennui qu'il vous causera est apte à installer en vous l'envie irrépressible de lui asséner un coup de boule, consolez-vous néanmoins d'avoir grugé vos supérieurs sur deux ou trois réunions infertiles et dites-vous qu'il y a pire dans la vie comme rédiger puis envoyer un devis au client potentiel qui vous harcèle depuis deux mois. Le soir venu, traquez vos collègues jusqu'au pub du coin. Immiscez-vous dans la conversation et toussez, toussez sans arrêt. Cela les préparera mentalement au certificat médical factice que vous enverrez le lendemain. Et, au moment où Morphée vous tend les bras, une douce quiétude vous enveloppera le corps. Vous serez heureux d'avoir fait du travail qui vous dégoûte, le job de vos rêves. Réda Dalil