Copier, s'inspirer, emprunter, imiter, singer. Bienvenue dans le monde des influences croisées. Le Maroc, pays émergent situé à l'extrémité nord de l'Afrique, est au confluent d'au moins trois cultures : oriental, occidentale et amazighe. Trois sources de savoir, d'inspirations, d'idées. Un rêve éveillé pour quiconque placerait la créativité au sommet de ses priorités. Or, il apparaît que le creuset culturel qu'est notre pays, ne nous prédispose guère, hélas, à l'innovation. En effet, nous copions, et nous le faisons tellement sérieusement qu'en somme, nous copions la même personne : Najat Atabou. Il ne se passe plus une année sans que cette artiste se fasse piquer un air, un bout de chanson, des fragments de paroles. De fait, son répertoire regorgeant de perles, comment ne pas être tenté ? J'en ai marre J'en ai marre : un trésor national appelé à se transmettre de génération en génération, vient de subir la sentence de la copie. Oui, Asmae Lemnouar a, semble-t-il, cédé. Ajoutant le plagiat à l'amnésie, elle aurait affirmé avoir composé J'en ai marre. Après les Chemical brothers et «La vache qui rit», c'est donc une autre mouche qui explose au contact du néon Atabou. Inclinons-nous devant la toute-puissance créative de Atabou. Sa musique fédère Anglais, starlettes et fromages. Le génie marocain a de beaux jours devant lui. Las, le phénomène ne se limite pas à notre pays. PPDA aurait grossièrement plagié 100 pages d'un auteur américain (Peter Griffin), pour concocter une bio d'Hemingway. Cent pages à peine paraphrasées. L'auteur de ce rapt intellectuel hurle au coup bas de l'éditeur. Il se serait agi d'une erreur de version. Celle proposée à la presse ne constituerait qu'une ébauche, une série de notes censées être retravaillées ultérieurement. La parade est presque aussi ridicule que l'acte lui-même. History-mania Plus éloignée du plagiat mais non moins révélateur d'une sécheresse d'idées, la fièvre historique qui s'est emparée de nos éditorialistes. Un mois haut en archives. D'abord Raymond Sasia. Une publication lui consacre sa couv' et c'est le déluge. Le bodyguard monarchico-gaulliste se répand d'éclairages croustillants à propos de la vie dans le sérail. Intéressant certes, mais tellement «naphtaliné». Et puisque l'Histoire fait recette, on ressort Dlimi. Un neveu parle, multiplie les pointages de doigt et plouf, la boule de neige. Dlimi instigateur d'un attentat avorté. L'ex-homme fort du royaume revient, trente ans après sa mort, hanter les esprits et les couvertures. La Dlimi-mania ou quand un uniforme et une moustache s'arrachent. Ah,la belle époque ! Les plagiats s'emballent. En Tunisie, Ben Ali emprunte aux stratégies de fuite de Karadzic et du Shah d'Iran en prenant soin d'éviter celle de Ceausescu. Bref, de la copie sélective. Vient Marrakech ou, s'imitant les uns les autres, une brochette de bling-blingers se sont doré la pilule, la Rolex au poignet et les UV sur le derme. La jet-set, pour tout l'argent qu'elle brasse, est une tribu moutonnière. Qu'importe, tant que Marrakech empoche les miettes de deux trois fonds souverains. C'est un monde de recyclage, d'énergies renouvelables, de biomasses standards et de copies… carbone. Un monde où les médias français se donnent le mot pour angler sur la, ô combien inévitable, contagion révolutionnaire au Maghreb. Patatras, re-plagiat. L'idée se ramifie, on lance les paris. Ben Ali s'exile à Jeddah, Libération lui tire une croix sur le portrait et se demande qui de Bouteflika, Kadhafi, Bachar El Assad tombera en premier ? On suppute, suppute, suppute, et on fait du pauvre Mustapha Bouazizi le Che Guevara du troisième millénaire et on s'en émeut si bien qu'en Egypte et même en France, une autre contagion s'opère, plus brûlante celle-ci. Conséquence : de jeunes «Feu-shion victims» s'immolent par les flammes. Eux aussi auront copié…Hélas ! Réda Dalil