Ouahbi et Darmanin saluent la dynamique de coopération judiciaire entre le Maroc et la France    Tomates marocaines en France : Rabat et Paris visent un nouveau pacte gagnant-gagnant    Le leadership féminin face aux défis économiques : un levier de transformation    Bassin de Bouregreg-Chaouia : un taux de remplissage de 42,33% au 10 mars    Tennis : À l'occasion du 8 mars, la CAT a rendu hommage à ses dames dont la Marocaine Dalale Lachkar !    Eliminatoires Mondial 2026 : Walid Regragui dévoilera la liste des joueurs convoqués ce vendredi    Avec Brahim Diaz, Orange Maroc donne le coup d'envoi de "Orange Koora Talents"    Bulletin d'alerte : Fortes pluies parfois orageuses mardi dans plusieurs provinces du Royaume    Les dernières précipitations compensent un hiver indigent    Taza : Mobilisation continue pour la réouverture des routes coupées suite aux intempéries    Trafic de psychotropes : Une personne aux antécédents judiciaires et un médecin arrêtés à Berkane    Iftar Ramadan 2025 : La Garde Royale distribue 5.000 repas quotidiennement    Le coach de l'Olympiakos fixe la date du retour d'El Kaabi après sa blessure    Ouverture du procès de l'équipe médicale de Maradona : entre quête de vérité et polémique    Critical Mineral Resources mise sur le Maroc avec un financement stratégique de 2,5 M£    Espagne : plus de 60 % des Marocains en situation régulière non affiliés à la sécurité sociale    Le Maroc commémore le 66e anniversaire de la disparition de Feu Mohammed V    Ricardo Sánchez Serra considère le Maroc comme la clé de la paix et du progrès en Afrique du Nord    11 % des importations d'armes marocaines proviennent d'Israël    Béni Mellal: La prison locale dément les allégations suite au décès d'un prisonnier    Cybersécurité : la CNDP veille à l'intégrité de son site après une intrusion malveillante    Maroc-France : accompagnement de neuf start-up marocaines du jeu vidéo    Les Marocains appelés à privilégier les intérêts de leur pays face aux campagnes malveillantes    Royaume-Uni : Londres veut revoir son système de protection sociale qui "coûte trop cher"    Entretien. Dr Saïd Guemra : "Noor III ne représente pas plus de 1,36% de notre production électrique"    « Visit East Africa » : La CAE veut booster le tourisme    Immobilier: L'indice des prix des actifs se stabilise, les ventes augmentent    Tourisme: 2,7 millions d'arrivées à fin février, en hausse de 24%    39ème édition du grand prix Hassan II : l'atp 250 de Marrakech de retour du 31 mars au 6 avril    Dubaï : Les designers Hicham Lahlou et Cheick Diallo signent une œuvre d'exception    Dubaï : Les athlètes marocains dominent la course sur route au 12e Tournoi sportif « Nad Al Sheba »    Partenariat : Tibu Africa et Aix-Marseille s'allient pour innover par le sport    Canada : Mark Carney succède à Trudeau à la tête du Parti libéral    Amman: réunion des représentants de la Syrie et des pays voisins pour discuter des questions de sécurité    Pyongyang tire plusieurs missiles balistiques    Edito. Vers les rails du futur    Revue de presse de ce lundi 10 mars 2025    Un Israélien d'origine marocaine nommé porte-parole de l'armée israélienne    Salon des élus francophones : A Paris, le Maroc aborde la diplomatie des territoires    Les liens fraternels et stratégiques entre le Maroc et la Côte d'Ivoire mis en relief à Abidjan    Défense : Le Maroc et la France organisent un exercice pour l'élite des parachutiste    Neo Motors entrega sus primeros vehículos a las Fuerzas Armadas Reales    Casablanca : Les « Nocturnes du Patrimoine » de retour du 13 au 15 mars    Enfin, nos ftours sans caméras cachées    Brahim Díaz, Jugador Cinco Estrellas Mahou del mes de febrero    MAGAZINE : Villa Carl Ficke, un musée pour la mémoire    La mort de Naïma Samih «est une perte pour la scène artistique nationale», dit le souverain chérifien    Naïma Samih... Une icône de la chanson marocaine s'en va, mais sa voix reste gravée dans la mémoire des générations    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Tunisie : le jeu des 7 familles
Publié dans Le temps le 08 - 02 - 2011


Document
La désormais ex-première dame de Tunisie était bien plus que l'épouse du président Ben Ali qui a régné, pendant vingt-trois ans, d'une main de fer.
Extraits édifiants de La régente de Carthage.
Extraits
Dans les années qui suivent l'accession au pouvoir de Ben Ali, ses proches font des affaires juteuses. Mais personne ne prétend au monopole sur l'ensemble des transactions et des commissions : les clans familiaux se taillent de belles parts d'un gâteau qu'ils se divisent entre eux.
Pour les trois frères Eltaief, issus comme Ben Ali d'une famille de Hammam Sousse, le 7 novembre 1987 est un jour béni. Kamel Eltaief joue dès lors le rôle de «président bis», recevant chaque matin, dans les bureaux de la rue de Beyrouth au cœur de Tunis, les principaux ministres du gouvernement. Dans son sillage, ses deux frères font des affaires. La famille Ben Ali bénéficie également de quelques prébendes. Pas un frère, pas une sœur du nouveau président qui ne reçoivent une petite gâterie. Moncef, le frère préféré, se lance dans le trafic de drogue et laissera, dit-on, 4 millions de dinars de dettes auprès des banques. Kaïs Ben Ali, le fils du frère aîné, s'octroie le monopole des alcools à Sousse et fait main basse sur le free-shop de Monastir. Les trois filles issues du premier mariage de Ben Ali avec Naïma Kefi ne sont pas oubliées. L'aînée, Dorsaf, épouse Slim Chiboub. L'avènement de son beau-père au palais de Carthage est pour lui pain bénit : fils d'un simple greffier, «Monsieur gendre» jouit d'un traitement de faveur. Ainsi bénéficie-t-il de gros marchés pharmaceutiques et de terrains – qui lui seront repris plus tard. Slim Chiboub est connu pour ses appétits démesurés. Les patrons de la chaîne de grandes surfaces Auchan vont ainsi reculer devant ses exigences et renoncer à s'installer en Tunisie. En revanche, l'homme réussira en 2001 à installer un hypermarché Carrefour sur un terrain que les domaines de l'Etat lui ont rétrocédé à un prix symbolique. De 1989 à 2004, le gendre du président présidera également aux destinées de L'Esperance sportive de Tunis. La dernière fille, Cyrine, épouse en 1996 Marouane Mabrouk. Lui hérite de la concession Mercedes Tunis, alors qu'elle prend la haute main sur le Net en Tunisie. Et Dieu sait si le secteur, totalement fliqué, est sensible ! Les Mabrouk se voient également attribuer le logement de fonction traditionnellement attribué au directeur de la Sûreté nationale, une splendide villa du quartier chic du Belvédère. La troisième fille, Ghazoua, mariée à Slim Zarrouk, bénéficiera également de quelques faveurs, notamment à l'occasion de la privatisation de certaines entreprises publiques (comme la Société nationale d'élevage de poulets, acquise à bon compte à la fin des années 1990 par Slim Zarrouk, puis revendue au prix fort).
Un «gâteau» à partager
Dans un libellé qui circule en 1997-1998 sous le manteau à Tunis, il est question des «sept familles qui pillent la Tunisie». Ce document fort bien informé décrit le fonctionnement des clans familiaux autour de Ben Ali qui se partagent entre amis les terrains, les contrats et les usines. Cette garde rapprochée du président s'oppose aussi à l'arrivée de tout nouvel intrus. Au début des années 1990, Kamel Eltaief et Slim Chiboub sont ainsi résolument contre les projets d'union de Ben Ali avec Leila Trabelsi.
Hélas pour eux, les noces ont lieu en 1992. Peu après, Kamel Eltaief a voulu braver la nouvelle présidente et faire de la circoncision de son fils un événement mondain – car Ben Ali et Leila n'avaient pas encore de progéniture mâle. Résultat, les hommes publics qui avaient commis l'erreur d'accepter l'invitation ont été immédiatement limogés : le ministre de la Santé, le directeur du Tourisme et le président de Tunis Air se retrouvèrent au chômage. Le règne de Leila au palais de Carthage débutait. En 1996, les locaux de Kamel Eltaief, dans la zone industrielle de La Soukra, furent incendiés par une vingtaine d'individus masqués. Le pouvoir le soupçonnait d'y entreposer des dossiers compromettants sur les turpitudes de Leila. Officiellement, l'enquête de police n'a pas permis de connaître l'origine de l'incendie. Depuis, Kamel Eltaief n'a plus jamais été reçu au palais de Carthage. Seuls ses liens anciens avec les Américains le protègent d'un mauvais coup.
Un boulevard pour les Trabelsi
Pendant les quatre années qui ont suivi le mariage de Leila avec Ben Ali, le clan Trabelsi s'est fait relativement discret. Mais à partir de 1996, leurs appétits se manifestent de manière plus ostensible et vont progressivement sonner le glas des ambitions des Eltaief, Mabrouk ou Chiboub. Cette année-la, le frère aîné et bien-aimé de Leila, Belhassen, met la main sur la compagnie d'aviation qui va devenir Karthago Airlines. C'est lui qui devient le pivot des affaires financières de la famille (…). Le verrouillage commence, car les Trabelsi ne sont pas partageurs. Pas un secteur qui leur échappe ; pas une transaction avec un groupe étranger dont ils ne sont partie prenante ; pas un beau terrain, ou presque, sur lequel ils n'ont des vues. Et personne, dans le clan, n'est oublié ! Après Belhassen, Moncef. Cet ancien photographe de rue a connu une belle carrière. Dans le passé, la Société tunisienne de banque lui a consenti un crédit pour devenir agriculteur. Son premier fils, Houssem, a crée une association, la Jeunesse musicale de Carthage, qui a la réputation de ne pas honorer ses contrats.
Le deuxième, Moez, et le troisième, Imed - le neveu préféré de Leila -, ont eu à partir de 2008 de sérieux ennuis avec la justice française dans la fameuse affaire des yachts volés. À Tunis, Imed fait la loi. D'un coup de fil, il peut faire embastiller un adversaire ou au contraire libérer un trafiquant. Personne ne se risquerait à s'opposer frontalement à ce protégé du palais. Une des sœurs, Djalila, est devenue la reine des buvettes, qu'il s'agisse de celle de l'école HEC à Carthage ou de celle de l'Ecole nationale d'architecture. Son époux, El Hadj, qui possédait un kiosque à essence, est devenu entrepreneur dans l'immobilier. Un de ses immeubles est loué au ministère des Transports, qui a été contraint de lui signer un bail avantageux. Beaucoup de ces coups tordus se font sans l'aval
du président. En 2002 encore, Ben Ali tentait de maintenir un semblant d'ordre. Ainsi, cette année-la, réunissait-il les principaux membres de la famille Trabelsi: «Si vous voulez de l'argent, soyez au moins discrets. Trouvez des hommes de paille et des sociétés écrans». En d'autres termes, professionnalisez-vous !
Un conseil qui ne semble guère avoir été suivi (…). Arbitre impuissant, le président tente parfois de taper du poing sur la table. Ainsi, en 2006, des industriels se plaignent des produits de contrefaçon importés de Chine avec la bénédiction des Trabelsi. Lors d'un conseil des ministres, le président interpelle le ministre du Commerce et de l'Artisanat, Mondher Znaidi: «Alors, Monsieur le ministre, j'entends dire que des containers de contrebande arrivent de Chine ? - C'est-à-dire, lui répond l'autre, je ne suis pas au courant, les douanes dépendent du ministère des Finances». Pas question de prendre le risque de contrarier Madame la présidente… Le parcours de Foued Cheman, fils d'un grand industriel du textile et multimillionnaire, est exemplaire de ce gâchis. Voici une des grandes figures du monde patronal obligée, en 2004, de prendre le chemin de l'exil forcé vers les Etats-Unis, avec son épouse et ses deux enfants. Dès l'arrivée de Ben Ali, Slim Chiboub, un des gendres, convoite le secteur de la friperie que les Cheman dominaient jusque-là. Tout va être fait pour décourager l'héritier de cette vieille famille: corruption d'un de ses associés, convocations répétées, garde-à-vue, parodies de procès… Foued Cheman se retire dans la somptueuse villa qu'il s'est fait construire sur la corniche de Sidi Bou Saïd. Après l'assaut des Chiboub, les attaques des Trabelsi. Très vite, Leila a des vues sur la belle demeure des Cheman, où elle installerait volontiers sa fille Nesrine. Des envoyés du palais viennent lui demander de vendre son bien à une «amie de la présidente». Pas question, répond l'industriel. Mal lui en prend. Le fisc le condamne à payer une amende record de 2 millions d'euros. Foued Cheman décide alors de s'exiler aux Etats-Unis, non sans avoir loué sa maison à l'ambassadeur d'Irak, avec la bénédiction de l'ambassade américaine. Sa capacité de nuisance est réelle. Il est le gendre de Mustapha Zaanouni, ancien ambassadeur et ancien ministre, toujours conseiller auprès de l'ONU. Depuis Washington, il menace de lancer des campagnes contre le régime si ses ennuis ne cessent pas. Résultat : les poursuites vont s'arrêter et les amendes fiscales se perdre dans les sables. Certains notables tunisiens, qui voient se rétrécir de jour en jour leur marge de manœuvre, sont en tout cas en train de passer de l'exaspération à la résistance. Ce qui fait dire à un diplomate français, qui a vécu longtemps en Tunisie, et qui connait parfaitement le sérail local : «Dans la succession de Ben Ali qui s'annonce, la bourgeoisie de Tunis ne veut pas d'une solution familiale». Et donc pas d'une régente nommée Leila…


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.