Pris en tenailles entre une Lydec hésitante et un Conseil de la ville belliqueux, M. Sajid tente l'esquive. Les répercussions de 178 millimètres de pluie en 48 heures à Casablanca ne cessent de défrayer la chronique, mettant en exergue la supposée gestion catastrophique du cataclysme par le maire de la ville : Mohamed Sajid. Deux griefs essentiels le visent. D'abord, un manque de préparation patent face aux pluies diluviennes qui ont décimé les infrastructures et coûté la vie, par ricochet, à onze personnes, victimes d'une noyade de bus ; ensuite, une mise en accusation «mollassone» de la Lydec, jugée coresponsable des dégâts causés par les intempéries. Devant le tir de barrage auquel il fait face, M. Sajid demeure impassible. Dans sa distanciation par rapport aux dysfonctionnements patents qui grèvent son management de la ville, certains voient de la froideur ; d'autres une incapacité à agir, à refléter un quelconque dynamisme en temps de crise. Sous le feu des critiques depuis plus d'un mois, le maire de Casablanca, voit se répandre la fronde jusque dans le Conseil de la ville. Ainsi, lors d'une session extraordinaire du conseil, tenue le 4 janvier, les passions se sont déchaînées. Dès lors qu'il devenait clair que le directeur général de Lydec n'y serait pas présent, une frénésie s'est emparée de la salle de conférence. Politique de la chaise vide Le conseiller istiqlalien Mountassar El Idrissi s'est rué vers le pupitre pour arracher les micros devant la mine ahurie de M. Sajid, lequel a aussitôt suspendu la séance. La colère des conseillers est fondée sur deux critères principaux. En premier lieu, le manque de clarté autour des programmes d'investissement devant prémunir Casablanca contre un nouvel épisode pluvieux. Alors qu'un montant a été avancé (4.2 MdDh sur quatre ans), que deux priorités ont été identifiées (l'assainissement liquide sur M'Brouka et Lahraouiyine) et la fortification du super-collecteur de Bouskoura, les origines des fonds devant servir à consolider les infrastructures de dégagement, demeurent en suspens. Se basant sur le rapport du SPC (Service permanent de contrôle), les conseillers de l'opposition istiqlalienne à la mairie, exigent que le gestionnaire délégué prenne en charge la majorité de l'investissement préventif et voient en l'absence de Jean-Pierre Ermeneault, DG de Lydec, un camouflet pour la politique communale de M. Sajid. Attaque frontale Le conseiller istiqlalien Bouchta Jamai n'y va pas avec le dos de la cuillère. Prenant pour cible le maire, il accuse : «Nous prenons acte de votre mauvaise gestion des inondations qu'a connues la ville, et vous tenons pour unique responsable de l'absence du DG de Lydec à cette séance extraordinaire du Conseil. Nous avons jusqu'ici prôné une opposition constructive, désormais, nous n'avons d'autre choix que de pointer la faiblesse de votre vision stratégique et la supercherie que constitue la gouvernance de votre majorité sur la ville». Pouvant paraître un tantinet exacerbé, l'ire de l'opposition est néanmoins étayée par le rapport accablant que dresse le SPE à l'enseigne de Lydec. En effet, selon le diagnostic dudit service, le gestionnaire délégué a pris du retard dans l'annonce de l'alerte. Alors que la norme prévue pour le déclenchement des mesures de crise s'établit à 40 mm, il a fallu que, dans la nuit du 29 au 30 novembre, 88 mm de pluie s'abattent sur la ville, pour que la Lyonnaise active un réseau vieillissant d'hydrocureuse et ouvre les vannes du portail de l'Oued Bouskoura. Résultat : inondation totale de l'office des Changes, du siège de l'OCP et de l'école Hassania. Pris en tenailles entre une Lydec peu collaborative et un conseil chauffé à blanc, M.Sajid tentera, dans les semaines à venir, de trouver des compromissions. Un défi loin d'être gagné. Réda Dalil