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Les off d'un mariage princier
Publié dans Le temps le 02 - 11 - 2009

La cérémonie a tout d'une fête de famille normale. À un détail près : la présence de Moulay Hicham...
Une première : un prince introduit une européenne à la cour. Les noces de Moulay Ismaïl, comme si vous y étiez.
Ce samedi 26 septembre, la résidence de feu Moulay Abdallah connaît une agitation toute particulière. Les membres de la famille royale s'apprêtent à célébrer le mariage du prince Moulay Ismaïl, benjamin du frère de Hassan II et de Lamia Solh, fille de Riad Bey Solh, Premier ministre libanais assassiné en Jordanie en 1951. Le jeune prince a décidé de s'unir à Anissa Lehmkuhl, ressortissante allemande de confession musulmane, rencontrée sur les bancs de l'université. L'heureuse élue est la fille d'un couple de coopérants allemands convertis à l'islam : Amina Lehmkuhl et Omar Lehmkuhl, qui a occupé pendant des années le poste d'attaché militaire à l'ambassade d'Allemagne de Rabat. Par précaution, le ministère de la Maison royale, du Protocole et de la Chancellerie a veillé à diffuser un communiqué officiel, pour souligner que la conversion de la famille Lehmkuhl est «antérieure» à la rencontre d'Anissa avec le prince. Celle-ci devient donc la première Européenne à intégrer le cercle fermé des Alaouites.
L'acte de mariage avait été conclu la veille, vendredi 25 septembre, au palais royal, en présence du roi Mohammed VI et de quelques membres de la famille. A la résidence privée de feu le prince Moulay Abdallah, jouxtant la Faculté de droit de Rabat, le mariage est célébré dans la pure tradition de Dar El Makhzen. La valse des princesses en caftan ponctue les festivités, somme toute allégées, comme l'a souhaité le couple princier. La traditionnelle cérémonie du henné et le rituel du hammam ont été également réaménagé à la requête de la jeune mariée. Coiffure et maquillage sobre rompent avec les fastueux apparats des princesses du temps de Hassan II. La mariée a même dansé sur les rythmes de l'orchestre de Hajja Hlima qui a animé la soirée en compagnie d'autres artistes nationaux et orientaux. Cela dit, le jeune couple n'a pas dérogé au rituel du Te'chaq, youyous et incantations des femmes de la cour à l'arrivée de la mariée. Les invités, plus de 1.500 personnalités du monde politique (ministres, hauts fonctionnaires, gradés…) et des affaires (comme le banquier Othman Benjelloun ou encore l'homme d'affaires Miloud Chaabi) ont pu déguster pastillas, méchoui, salaisons, gâteaux et thé à la menthe, le tout concocté et servi sous la supervision des cuisiniers du palais et du traiteur Lenôtre, géré par Fadel Beniyich, ami d'enfance de Mohammed VI. Les convives ont pu remarquer la présence insolite de Cécilia Ciganer-Albéniz, l'ex-Première dame de France, mariée depuis son divorce avec Nicolas Sarkozy à Richard Attias -gourou de la com' d'origine meknassie, et bien en cour au Maroc depuis qu'il avait rencontré Hassan II dans les années 90- ou celle du prince saoudien Walid Ibn Talal, cousin du marié et proche de Moulay Hicham. La cérémonie a tout d'une fête de famille normale. À un détail près : la gêne occasionnée par la présence de Moulay Hicham, que la famille royale avait «oublié» d'inviter dans les formes. Dans la maison de son père, le frère aîné du marié a croisé le roi. Un échange courtois se serait déroulé entre eux, selon les sources présentes sur place, mais Moulay Hicham n'a, pour autant, pas eu le droit de trôner en bonne place près de son cadet sur la photo de famille. Le message est clair : le roi affirme son rôle de chef de famille, même lorsqu'il s'agit d'un événement aussi festif qu'un mariage.
Dans le giron de Hassan II
«Isma», comme l'appelaient ses amis de la capitale, est bien différent de son frère aîné. Le jeune homme n'a en fait quasiment pas connu son père. Agé de 2 ans seulement lorsque Moulay Abdallah est décédé (alors que Moulay Hicham et Lalla Zineb étaient âgés respectivement de 18 et 12 ans), il a grandi sous la houlette de Hassan II et dans le sillage de ses cousins Sidi Mohammed et Moulay Rachid. Les Marocains retiennent de lui l'image du jeune homme discret qui accompagnait son oncle à la prière du vendredi dans la mosquée du Méchouar. Ses amis les plus proches, quant à eux, le décrivent comme un prince d'une grande gentillesse, calme et sans frasques. Il a passé son enfance entre le Collège royal, la maison de sa mère à Rabat et le palais d'été légué par son père sur la route de Skhirat, près de la plage de Sidi El Abed à Témara. Comme pour toute la jeunesse dorée de Rabat, son adolescence est partagée entre études, sports, voyages à l'étranger, notamment en Angleterre, et soirées privées et sorties avec ses amis.
A peine sa majorité atteinte, il perd son deuxième père, Hassan II. Le bac en poche, il s'envole en Angleterre pour intégrer une école militaire, avant de renoncer à sa formation à l'étranger et de revenir au Maroc pour s'inscrire à l'université Al Akhawayn. Ceux qui ont connu sa période estudiantine se souviennent de ses parties de tennis torse nu dans le court central de l'université et de son penchant pour les belles voitures. C'est là qu'il rencontrera Anissa, une Allemande de confession musulmane, qui deviendra sa femme quelques années plus tard. Converti dans les affaires après son diplôme, Moulay Ismaïl est également amateur et collectionneur d'art. La presse avait révélé qu'il était le mystérieux acquéreur aux enchères d'un pouce monumental du sculpteur français César en 2007, pour la coquette somme de 1,2 milion d'euros. L'œuvre de 6 mètres de haut et pesant 6 tonnes devrait trôner sur la pelouse de la célèbre villa camembert, également acquise la même année. Construite par l'architecte allemand Wolfgang Ewert, la demeure située sur la colline d'Anfa, le quartier le plus select de Casablanca, a été achetée en association avec l'homme d'affaires et patron de presse Fadel Iraki, également collectionneur d'art. Le lieu était censé devenir un espace d'exposition début 2009, mais le projet n'a (pour le moment ?) pas abouti.
Valse à deux temps
Dans le cadre de la communication officielle, la MAP diffusera deux photos du mariage : une première où Mohammed VI est au milieu des jeunes tourtereaux, entourés d'autres membres de la famille royale, et une seconde, plus intime, montrant les proches du marié en comité restreint. Les époux y sont entourés de Moulay Hicham, tout sourire en costume de ville et de son épouse Malika El Ghzaoui, ainsi que de la tante et des cousines maternelles du marié. Pour rappel, le couple Moulay Hicham-Malika avait fêté son mariage loin du sérail, en présence d'une quarantaine de personnes, sans les fastes de la cour. Hassan II avait fini par accepter le choix de son neveu, même si des proches rapportent qu'il avait été contrit de voir un Alaouite se marier dans une simplicité presque roturière.
Mais depuis la disparition de Hassan II, bien des choses ont changé à la cour. En effet, même Lalla Soukaïna, pupille de son grand-père, n'était pas présente au mariage. Lalla Malika, tante paternelle du roi et ses enfants Moulay Mehdi, Moulay Slimane, Lalla Rabia et Moulay Omar, l'un des cousins les plus proches de Mohammed VI, étaient également absent de la photo de famille. Cela dit, d'autres membres de la famille semblent se rapprocher du cercle familial étroit. Ainsi, derrière Lalla Amina, tante paternelle du roi, apparaît pour la première fois sur une photo officielle, Moulay Idriss, surnommé prince de Meknès, fils de Lalla Amina, sœur de Mohammed V, et de Moulay El Hassan. Moulay Idriss bénéficie exceptionnellement du titre de prince, qui lui a été octroyé par un dahir de Mohammed V, en guise de gratitude pour l'avoir accompagné en exil et pris position contre Mohammed Ben Arafa. La place qu'il occupait jusqu'à présent dans le protocole royal se limitait à sa présence aux causeries hassaniennes. Les Marocains découvrent aussi, pour la première fois, les deux filles de Moulay Hicham, Lalla Fayza et Lalla Hajar, et celles de Lalla Zineb, sœur aînée du marié et épouse de Mohammed Benslimane, fils de Taoufik Benslimane, un proche du fameux général.
«Herr Kaiser» Mohammed VI
L'alliance entre la famille royale et les Lehmkuhl n'a pas manqué d'anecdotes. La grand-mère de la mariée, venue d'Allemagne pour assister à la cérémonie, ne voulait rien entendre lorsque les tenants du protocole lui suggéraient d'utiliser Sidna pour s'adresser à Mohammed VI, et continuait à l'appeler «Herr Kaiser», titre que les Allemands n'ont plus utilisé depuis la fin des empires prussiens et austro-hongrois. Par ailleurs, les «éminences grises» de la communication royale, souhaitant informer les médias allemands de la cérémonie, ont insisté pour que le marié donne une conférence de presse à un comité de journalistes allemands triés sur le volet.
N'ayant pas l'habitude de s'adresser aux médias, Moulay Ismaïl a néanmoins accepté de se plier à l'exercice. Il a répondu à des questions préparées au préalable par le Palais, entouré du conseiller royal André Azoulay et de Fayçal Laaraïchi, le patron de la télévision publique et… rédacteur germanophone des questions. Le service de communication du Palais n'aura pas la même attention envers les journalistes marocains. Pendant que les jeunes mariés s'envolaient en direction des Îles Maldives pour y passer leur lune de miel, la police judiciaire de Casablanca mettait sous scellés le local du quotidien Akhbar Al Yaoum, pour publication d'une caricature jugée offensante du prince sur la ammaria. Un incident qui ajoutera à la forte médiatisation d'une union pas comme les autres.
Mounira Jaïdi


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