A l'occasion de la XVe édition du Festival Jazz au Chellah organisée par l'Union européenne en partenariat avec le ministère de la Culture, la Wilaya de Rabat-Salé-Zemmour-Zaër et la Fondation CDG, le musicien-poète gnaoui Majid Bekkas a réussi à créer et transmettre une musique issue de multiples brassages à l'image du monde dans lequel nous vivons. En toute simplicité et fraternité. Un groupe finlandais (Ilmiliekki Quartet), dont le nom des membres est imprononçable, se lance en ouverture sur des reprises de Tom Waits, de Bjorg et sur des ballades bien inspirées. Puis, une fois que le ciel a sorti ses étoiles, arrive le maître Majid Bekkas entouré de poètes du jazz, Sclavis et sa clarinette basse dont il sortira des sons uniques, Aly Keita et son balaphon qu'il parcourt d'un bout à l'autre en s'assurant de n'oublier aucune note et deux géants au sens propre du terme qui enfourchent leurs percussions comme des vélos trop petits, derrière les somptueux gnaouas de Salé. La fête commence au premier signe du maître de cérémonies et le public s'enflamme. En voyant Minino Garay, on s'étonne de la délicatesse de ses sons et de sa poésie, quant à Ramon Lopez, il fait subir à sa batterie un rythme endiablé qui trouve un écho à la mesure de l'événement. Les notes pleuvent, le rythme tantôt lancinant, tantôt galopant fait perdre la notion des instruments. On se surprend à se demander si telle note provient du guenbri ou du balaphon, des percus ou du oud. Les artistes nous offrent un feu d'artifices pour les oreilles et on rêve à ces instruments qu'on aurait aimé maîtriser pour pouvoir reproduire la magie de ce moment. Sclavis semble surpris par un Superman aux cheveux rouges en forme de crête, drapé d'une cape représentant le drapeau marocain, qui traverse la scène sous les applaudissements et les rires de toute l'assistance. Un groupe occupe le devant de la scène en se déhanchant avec vigueur. L'un d'eux, secoue ses cheveux à l'image d'une barbe-à-papa géante en apesanteur et arbore un t-shirt qui résume sa vision du monde : «be freaky, be happy». Tout un programme que semble partager le reste des joyeux drilles qui l'entourent. Magic Bekkas, à qui on ne la raconte pas, regarde tout son monde de l'œil serein du gnaoui, troquant son hajhouj pour un oud et ses mélodies langoureuses. A ce melting pot musical, les spectateurs répondent par des acclamations et tout le monde est pris dans ce rythme qui ferait danser même le plus coincé d'entre nous. Il faut dire que l'énergie dégagée par ces compères ferait fondre la banquise. A l'invitation de Bekkas, le concert se termine par le rappel sur scène des artistes marocains ayant participé à cette quinzième édition dans une espèce de boeuf de folie, n'ayons pas peur des mots, qui donnera à toute l'assistance une pêche du tonnerre loin de se dissiper avec le clap de fin. Un pur moment de partage et de bonheur qui nous donne envie d'être déjà à la prochaine édition du festival. Merci.