Une île à accoster : celle de la liberté amoureuse -et de la liberté tout court- avec «La Preuve par le miel», (Robert Laffont, 2008 ) roman érotique de la poétesse syrienne Salwa Al Neimi. Le roman érotique est un exercice rarement pratiqué dans la littérature arabe contemporaine alors que les traités anciens sont souvent savoureux. Les relire, c'est donner au corps et au cœur un parfum d'éternité et un jour, ou une nuit. La poétesse syrienne Salwa Al Neimi relève de défi avec la «Preuve par le miel». Alors que tel romancier franco-marocain de notre connaissance écrivait : «L'amour est le loto des crânes», Salwa Al Neimi qui est visiblement plus délicate se plonge et nous plonge dans les livres érotiques arabes anciens au prétexte que son héroïne doit les évoquer durant un colloque. S'il s'agit du roman que nous lisons, c'est tout ce qu'il y a de plus communicatif. Ce petit livre endiablé rayonne comme un corps radieux. Si on lit bien «La Preuve par le miel» , le sexe est un prétexte aux anges, un prétexte qui exulte, mais un prétexte tout de même. Au fond du lit, changé en île de la liberté amoureuse, c'est la liberté tout court qui s'enracine et réclame toujours plus. Le ton de la narratrice est on ne peut plus libre. Mais elle prévient qu'al-Jahez, au IXe siècle, a fait plus fort encore, dénonçant l'hypocrisie de la façon suivante : «Lorsqu'il est question de ‘'…'', de ‘'…'' et de ‘'…'', ceux qui se prétendent ascètes et abstinents font mine d'être dégoûtés et se renfrognent. La plupart sont aussi pauvres en savoir, générosité, noblesse d'âme et dignité qu'ils sont riches en fausseté et fourberie. Ces mots ont été inventés pour être employés. C'est un non-sens que de les inventer pour ne pas les utiliser». Le tour de force de Salwa Al Neimi nous menant du hammam dans un pays arabe à la drague dans le métro parisien, c'est d'allier le naturel le plus cru à la psychologie la moins gnan gnan. Ce qui est insipide dans les relations sociales, c'est le mensonge. «La Preuve par le miel» est un conte qui se dit à haute et intelligible voix, sans le secours du pléonasme. On y entend le désir et le plaisir dans une plénitude qui joue, certes, mais ne se joue pas de nous. L'aimance ? A d'autres ! Et l'on notera bien la recette égyptienne dite «Viagra des pauvres : un mélange de bigorneaux et d'arches, auquel on ajoute un émietté de gambas, un peu de poisson bouilli et beaucoup de piment à bouquet rouge et d'épices». Autre débutant dans le roman, Lahoucine Karim pratique le «roman par facettes» dans «Un rêve plus grand que son âge», (La chambre d'échos, 2008) qui dit des exils. Après des études de langue et littérature fançaise à Beni Mellal, Lahoucine Karim vit à Paris depuis 2002. Il lui arrive de rappeler un célèbre conte relatant comment «dans un village lointain, un beau jour, on découvrit des milliers de tombes de jeunes amoureux et parmi tous ces morts, des rêveurs encore vivants». Il y a des vies d'enfants raflées par la mer dans «Un rêve plus grand son âge». Il y a l'idée que «Rien n'est rentable dans ce bled, sauf le vol !» Et le rappel que le «pritch», cette chambre louée, qui sert à des rencontres entre amoureux, doit être occupée par des partenaires qui n'oublient pas de se préserver. Lahoucine Karim raconte des histoires simples qui sont aussi naturellement compliquées que la vie. Et cruelles. On entend dans «Un rêve plus grand que son âge» la voix de quelques naufragés de l'existence. On entend vraiment chaque voix ; on en vient à mettre un visage sur presque chaque groupe de mots, ou bien des paysages, des images… A moins que, soudain, une oasis…