Vous êtes ici : Actualités / featured / La grâce royale décryptée Les fêtes nationales et religieuses sont marquées par l'annonce de grâces aux prisonniers. Cette année, à l'occasion de la fête du trône, 1 044 prisonniers ont été graciés par le roi, en plus des 48 ressortissants espagnols, dont Daniel Galvan Fina condamné à 30 ans de prison pour pédophilie. De part le monde, le droit de grâce est un droit accordé aux chefs d'Etat. Au Maroc, le droit de grâce est exercé par le roi en vertu de l'article 58 de la constitution, tandis que la procédure d'octroi des grâces est réglementée par le Dahir n°1-57-387 du 16 rajeb 1377 (6 février 1958) relatif aux grâces. Selon ce dahir, l'octroi des grâces, individuelles ou collectives, se fait suite à une demande formulée par le prisonnier, son entourage ou l'administration. Les dossiers sont alors examinés par la commission des grâces qui émet un avis et le soumet au Cabinet royal. La loi, dans sa version actuelle, ne détermine pas les délits et crimes exclus du droit de grâce, mais selon un communiqué du Cabinet royal rendu public samedi (lire encadré), le ministre de la justice est appelé à «proposer des mesures de nature à verrouiller les conditions d'octroi de la grâce à ses différentes étapes». La commission des grâces est présidée par le ministre de la justice ou son délégué. Elle est composée du directeur du cabinet royal, du premier président de la Cour suprême, du procureur général près la Cour suprême, du directeur des affaires criminelles et des grâces, et du directeur de l'administration pénitentiaire. La commission se réunit aux dates fixées par le ministre de la justice et à l'occasion des fêtes religieuses (Aïd Al Fitr, Aid Al Adha, Aid Al Mawlid) et de la fête du trône et d'autre fêtes nationalles. Passage obligé par le ministère? Le Ministère de la Justice n'a pas contribué à «l'élaboration de liste des prisonniers espagnols» graciés par le roi, indique un communiqué rendu public vendredi. Le dahir relatif aux grâces ne prévoit pas de cas d'exceptions dans lesquels les dossiers des demandeurs de grâce ne seraient pas traités au préalable par la commission. «Une lecture stricte de la loi consisterait à déduire que les dossiers doivent nécessairement être traités par la commission des grâces. Selon la loi, c'est le ministère de la justice qui chapeaute le processus et l'on pourrait interpréter cela comme une nécessité pour un bon cheminement de la procédure», explique Tarik Zouhair, avocat et chercheur universitaire. «Mais une autre lecture du texte de loi, une lecture cherchant à qualifier le pouvoir royal entre les lignes, peut donner lieu à une autre interprétation. Selon l'article 12 du dahir, la commission ne donne qu'un avis après avoir examiné les dossiers, mais c'est le cabinet royal qui statue sur les décisions d'octroi de grâces», poursuit-il. En effet, selon cet article, «la commission examine les requêtes ou propositions qui lui sont transmises en s'entourant de tous renseignements utiles; elle émet un avis qui est adressé au cabinet royal pour être statué ce qu'il appartiendra par Notre Majesté Chérifienne». Ainsi, «selon cette lecture, ne pas recourir au ministère de la justice ne serait pas un manquement à la loi», conclut Tarik Zouhair. Grâce et faveurs politiques La grâce accordée aux 48 prisonniers espagnols s'est faite suite à la demande du roi Juan Carlos Ier, lors de sa récente visite au Maroc. La grâce comme faveur politique n'est pas une première et ne concerne pas uniquement le Maroc. En 2012, une grâce royale a été accordée par Mohammed VI à onze prisonniers tunisiens condamnés par différents tribunaux marocains, suite à la visite effectuée par le président tunisien Moncef Marzouki. Dans une déclaration au Soir échos,le ministre de la justice, Mustapha Ramid rappelle que « la grâce est un droit absolu accordé au souverain. De plus, dans ce cas particulier, il s'agit d'une demande faite par le roi espagnol, dans le cadre de courtoisie et de la réalisation d'intérêts supérieurs», ajoutant que « l'administration ne fait qu'exécuter une décision royale ».