Le boycott de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), l'une des trois grandes fédérations de mosquées de France, ainsi que les mosquées indépendantes telles que la Grande Mosquée Mohammed VI de Saint-Etienne et la Grande Mosquée de Lyon n'aura rien changé au calendrier électoral du CFCM (Conseil français du culte musulman). Le renouvellement des instances dirigeantes du CFCM et de ses antennes régionales (CRCM) s'est tenu comme prévu le 8 juin dernier, sur fond de crise. Ce premier tour de scrutin suite à ces élections mouvementées ont mobilisé 3 460 délégués, eux même désignés par 901 mosquées affiliées aux différentes composantes du CFCM. Selon un communiqué du CFCM, « ces élections ont enregistré un taux de participation de 77 % soit 2 664 votants. Une mobilisation qui a permis d'élire les élus au Conseil d'administration du CFCM ainsi que les instances des Conseils régionaux du culte musulman ». Le deuxième tour de ce scrutin aura lieu le 23 juin prochain. Les membres du Conseil d'administration éliront le bureau exécutif et le président du CFCM pour le mandat 2013-2019. La Grande Mosquée Mohammed VI dénonce « Ces élections sont une mascarade », lance Larbi Marchiche, recteur de La Grande Mosquée Mohammed VI de Saint-Etienne, qui dénonce dans un communiqué le projet de réforme des statuts du CFCM. « Nous refusons de nous soumettre au simulacre et à la caricature que représente aujourd'hui le CFCM à travers les différentes fédérations, qui n'ont eu aucune indécence démocratique, en élaborant des nouvelles dispositions statuaires et électorales dont l'objectif n'est autre que celui de garantir une hégémonie permanente au sein du CFCM ». Larbi Marchiche pointe du doigt la gestion du CFCM et en particulier le RMF (Rassemblement des musulmans de France), qui dirige cette instance, créée en 2003 sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur. « La gestion chaotique initiée par des fédérations partisanes et en particulier le RMF et leur tentative de mettre la main sur ces instances représentatives, en s'accaparant tous les pouvoirs par des manœuvres malsaines, portent une atteinte grave aux principes démocratiques qui régissent notre pays ». Aujourd'hui le CFCM est dirigé par trois grandes fédérations à savoir la fédération marocaine, le RMF (Rassemblement des musulmans de France), la Grande Mosquée de Paris, proche de l'Algérie et l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), qui bénéficierait de l'appui des Frères musulmans des pays du Golfe. Les trois organisations se livrent une véritable guéguerre pour mettre la main sur l'islam de France. La guéguerre maroco-marocaine Alors qu'auparavant la concurrence se jouait entre l'Algérie et le Maroc, aujourd'hui la bataille est maroco-marocaine. « La bataille est maroco-marocaine. Nous refusons de cautionner le RMF. La Grande Mosquée Mohammed VI doit aujourd'hui jouer un rôle plus que prépondérant dans la construction d'une structure de l'Islam de France au service des musulmans de France », souligne Larbi Marchiche, recteur de La Grande Mosquée Mohammed VI de Saint-Etienne. Son conseiller, Aldo Abdellatif Oumouden, accuse le RMF de défendre ses « propres intérêts » et non celui de l'intérêt général. Il pointe du doigt « l'hégémonie » du RMF sur le CFCM, sans un véritable impact sur la vie des musulmans. « Rien n'a été fait depuis des années pour répondre aux aspirations des musulmans de France», renchérit Larbi Marchiche. Même son de cloche chez la fédération franco-marocaine. « Après dix ans d'existence du CFCM, l'incapacité coupable de ses composantes de répondre aux aspirations des musulmans de France s'est caractérisée par le RMF qui avait le plein pouvoir sur le CFCM et qui est tombé dans l'immobilisme… le CFCM n'a enregistré aucune avancée sur les dossiers qui intéressent les musulmans de France », souligne, dans un communiqué, son président Mohamed Nabati, qui rejette « la réforme des statuts du CFCM ». « Nous avons assisté dernièrement à une alliance tripartite contre nature, qui avait préparé, en catimini, une réforme scandaleuse et antidémocratique puisqu'elle favorise les désignés des Fédérations et les met à part égal aux élus des régions », poursuit-il. Pour mémoire, le CFCM a procédé à la réforme de ses statuts, en catimini sans associer les autres mosquées indépendantes. Une alliance a été scellée entre les trois grandes fédérations (RMF, UOIF et la Grande Mosquée de Paris). La réforme prévoit un nouveau mode de gouvernance basé sur la collégialité et l'alternance de la présidence. Cette réforme a été rejetée par plusieurs mosquées et décriée par le CRCM (Conseil régional du culte musulman de Bretagne) car, selon lui, « elle ne jette pas seulement le discrédit sur ceux qui l'ont rédigée mais sur toute l'administration du culte ». A deux jours du premier tour du scrutin, l'UOIF retourne sa veste. Il exige du CFCM de reporter les élections. A défaut, il brandit la menace du retrait du processus électoral. Le CFCM dénonce le « chantage de l'UOIF » et maintient le calendrier électoral. Contacté à maintes reprises par la rédaction, le président du CFCM, Mohamed Moussaoui, est resté injoignable.