Placés sous l'emblème confraternel de « Embrace », ces travaux sont une réelle invite au voyage de la nature et de la fertilité. Mais, cependant, à travers une thématique qui est à la vie des hommes ce que la variété est à l'univers : un riche patrimoine des genres, des couleurs et des cultures ! Maria Kabbaj a choisi un art difficile : l'assemblage des antinomies et de la végétation naturelle qu'elle marie et nous rend accessibles ! Et toute la complexité et la richesse de sa démarche, consiste à nous faire des passerelles pour nous ouvrir l'horizon de la diversité, naturelle et humaine ! Le thème de l'exposition dont de grandes toiles illuminent les cimaises de la galerie, est celui de l'amour. Dans sa naissance, son extase, son développement, ses tourmentes...Mais l'amour fusionnel des légumes et des fleurs, leur passion à se rencontrer, à se rapprocher, à se confondre, voire à se brouiller ! Cette « relation amoureuse entre légume et fruit , nous explique Maria Kabbaj, est un processus , une sorte de mise en scène déployée à travers une gestation et un mûrissement à deux...» ! Le légume possède cette propriété de fraîcheur en pleine constitution et parfois même l'amertume du temps, le fruit quant à lui est la douceur même qui , comme une courbe, infléchie donne l'autre interprétation du monde. Comment la jeune artiste a-t-elle opéré cette transmutation ? Il faut évidemment avoir mené une réflexion plus qu'originale pour arriver à un tel exercice. Maria Kabbaj s'y résout , contre le conformisme et les idées reçues, solitaire même et pourtant impliquée et imprégnée des préoccupations de ce monde , une artiste indépendante qui a échappé au sérail traditionnel sans démériter. Ce qu'elle nous propose, ce n'est pas seulement un jeu croisé de poivrons, d'oignons, d'aubergines et de fleurs, leur accouplement ovulaire et leur chemin parallèle et symbiotique, c'est le travail des couleurs et de l'authenticité téléologique... L'art a toujours constitué la raison d'être et de vivre de cette jeune artiste qui, l'éducation familiale et la modestie aidant, a reçu très jeune le déclic révélateur , notamment par une très brillante note au baccalauréat dans la matière des arts. Une confirmation aussi de sa sensibilité lorsque, encore enfant, elle regardait son entourage et l'environnement avec une sorte d'exploratrice et un souci multidimensionnel ! Plus tard, quand elle aura entamé pour de bon son cursus universitaire et son parcours de créatrice, « peintre en herbe », mais en réalité plus que ça, Maria Kabbaj , se rappellera de celui qui entre autres grands photographes l'avait inspirée, ce grand Edward Weston, dont le thème du poivron, en noir et blanc sur fond de flou artistique, constituait une révolution technique. « Toute jeune , dit-elle, j'ai eu le souci de regarder autour de moi, et la richesse en termes de variété, de couleurs et de formes des légumes, ce que nous avons au quotidien dans nos assiettes est une découverte de tout temps, renouvelée... » ! A vrai dire, avec une modestie dans son langage artistique mais une conviction chevillée au corps, la jeune artiste nous conduit là où se noue notre existence, la nature en mouvement , les couleurs de notre quotidien, cette lumière qui nous accompagne depuis la nuit des temps, à laquelle, à force d'être indifférents et peu attentifs au mieux, nous sommes devenus aveugles. Le regard de Maria Kabbaj est un regard panoptique ! Il embrasse l'espace des choses, mais en renouvelle aussi l'instrument. Quand on observe cette œuvre de plusieurs pièces, fruit d'un longue catalyse, ont ne peut plus regarder la vie de la même façon. Elle développe une technique structurale, qui va du détail au global amplifié, ou inversement. Chaque pièce est le fruit d'une réflexion menée en amont pour le choix thématique, l'assemblage des propriétés et des éléments, une gestation intellectuelle, une constitution organique et esthétique enfin...tout une démarche qui est en somme la plus longue et la plus significative, parce qu'elle détermine la deuxième phase, le deuxième acte qui est la prise de photo ! « J'ai eu le privilège (très rare) de côtoyer pendant ma formation à New York l'un des plus grands photographes, Hiro ( japonais) qui nous a appris comment ajuster l'objectif, regarder et mettre en relief la banalité des choses... Prendre une main, c'est d'abord comprendre que l'important ce n'est pas l'appareil mais ce que la main donne...c'est elle qui rayonne... » ! Hiro est un photographe de mode qui a restitué leur portrait à Sean Penn, aux Rolling Stones, à Mohamed Ali et à Feue Lalla Nezha. Maria Kabbaj a inventé son propre art , elle ne l'a pas reçu en héritage ou en don ! Quand elle affirme qu'elle « adore travailler avec ses mains, qu'elle met ses mains dans la pâte », elle a le souci d'être elle-même, une créatrice impliquée dans son travail et sa technique. A Paris, pour préparer ce qu'elle appelle son « porte-folio », c'est un souci analogue qui a guidé ses pas...Elle passera 3 ans à Londres dans la célèbre Central Saint Martins Collège of Art and Design, où elle finira deuxième de sa promotion, 1 an à New York, ensuite 1 an de nouveau à New York et enfin 1 ans à Paris où , contrairement, à la capitale anglaise, la présence aux cours est studieuse de 8h à 18 heures. C'est peu dire que sur le plan de la formation et du cursus, elle est plus que pourvue... La peinture photographique qu'elle développe, l'assemblage et la mise en valeur d'éléments « hostiles » qu'elle marie selon une technologie qui lui est propre, n'ont d'égales que cette nouvelle voie qu'elle nous ouvre pour comprendre les mystères de la nature. Nous sommes en présence d'une grande artiste et d'une école d'art qui , à coup sûr, renouvelle et la méthodologie et la finalité.