La décision d'armer les rebelles syriens serait une erreur injustifiable, dont le prix serait chèrement payé par la région. Sachant qu'il est impossible de parler des rebelles comme d'un groupe homogène doté d'une vision démocratique, mais plutôt de factions aux visées opposées qui sont loin d'être toutes acceptables sur le plan moral, sur quelle base seraient livrées les armes et à qui ? Quels contrôles seraient exercés sur l'usage de ces armes ? Mais surtout, quel serait l'objet de cette distribution ? Défense, ou tentative de renverser Bachar el Assad ? Dans les deux cas, nous sommes face à une faillite du système des Nations-Unies. Incapables de protéger des civils, incapables de faire raison entendre aux différents protagonistes et de mettre un terme à une guerre civile dont le tragique bilan frôle les 100 000 victimes, la livraison des armes est une fuite en avant. Nul doute que ceux qui sont derrière cette décision seront les premiers à se présenter pour compter les morts, déblayer les ruines et proposer leur aide (in)intéressée pour reconstruire un pays déjà en état de délabrement avancé. Une Syrie morcelée, affaiblie, est une Syrie plus facile à gérer pour le voisin israélien, mais aussi un gros pavé dans la mare iranienne qui serait indirectement visée par cette tournure du conflit. A priori, cela arrangerait les intérêts géopolitiques de court terme, mais le risque inhérent à une prolifération d'armes dans la poudrière du monde pourrait vite dépasser les plus sombres prévisions. Alors que la violence en Syrie touche de manière sanglante le Liban, nul besoin d'être un devin pour prédire le chaos qui est en train de se mettre en place si rien n'est fait pour le circonscrire. Le problème de la Syrie est un problème entre les grandes puissances. A ce titre, elles doivent intégrer l'émergence d'un monde multipolaire avec des acteurs comme la Turquie, mais aussi l'Iran. Abandonner les Syriens, en les armant, est la décision la plus cynique, la plus lâche qui puisse être prise.