L'Europol a foudroyé la sphère footballistique par une nouvelle à effet sismique lundi, lorsqu'elle a dévoilé « la plus grande affaire de trucage de matchs à travers l'histoire ». L'office européen de police, épaulé par des équipes policières de 13 pays européens, a démantelé un réseau asiatique de près de 425 responsables, joueurs et criminels impliqués dans quinze pays avec un cartel basé à Singapour qui aurait généré au moins huit millions d'euros de profits contre près de 2 millions de pots-de-vin. Les 380 matchs présumés truqués dans le cadre de paris sportifs comptent des rencontres éliminatoires de Coupe d'Europe, de la Coupe du Monde et deux matchs de Ligue des champions (de 2008 à 2011), en plus 300 autres supposés en Afrique, en Asie et en Amérique latine qui auraient été falsifiés contre 100 000 euros chacun. L'Europol a refusé de dévoiler le moindre nom de joueur ou de club tant que les investigations ne seraient pas achevées, mais des spéculations ont pondu un classement des pays les plus « incriminés » avec en tête la Turquie, l'Allemagne, la Suisse, la Hongrie et la Belgique. L'opération menée pour démasquer le cartel singapourien, dénommée VETO, a été basée sur la lecture de plus de 13 000 courriers et mails, en plus d'appels téléphoniques et autres pistes menant à tracer les liens entre les personne incriminées. En Allemagne, la police européenne a déjà procédé à l'arrestation de 14 individus condamnés pour un total de 39 ans de prison. Singapour et la Turquie réagissent La divulgation de cette enquête a déchaîné des hantises et a fait jaser plusieurs acteurs du football à travers le monde. Hormis les entraîneurs (comme Paul Put, le coach belge du Burkina Faso lui-même impliqué dans une telle affaire en Belgique, déclaré que « Les matches truqués ont toujours existé dans le football »), les clubs et les présidents des plus grandes instances mondiales du football, les deux principaux pointés du doigt (Turquie et Singapour) ont réagi suite à la publication de l'investigation. « Nous allons travailler avec Europol et la Fédération internationale de football (FIFA) pour régler cette affaire » a déclaré le président de la Fédération turque de football Yildirim Demirören, mardi. Quant au berceau du réseau mafieux, la police singapourienne a annoncé que « Singapour a une position de fermeté sur les matches truqués et s'engage à oeuvrer avec les organismes internationaux de maintien de l'ordre pour faire tomber les réseaux criminels transnationaux, dont ceux qui impliquent des Singapouriens à l'étranger ». Les réseaux asiatiques sont de plus en plus impliqués dans les matchs trafiqués, comme ce fut le cas pour le « Calcioscomesse ». Quand le fric surclasse l'éthique. Outre le caractère criminel de l'affaire, cette nouvelle a semé la discorde dans le milieu footballistique, mais a surtout engendré des prémices de discrédit auprès des supporters et spectateurs. les fédérations sportives sont depuis longtemps préoccupées par une baisse des retombées économiques (au niveau de la billetterie, du sponsoring et des droits TV) entraînée par ce probable « dédain » du public, avant même que l'huile ne soit rajoutée au feu lundi dernier. En Janvier 2011, l'Institut des Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) avait publié un livre blanc intitulé «Paris sportifs et corruption. Comment préserver l'intégrité du sport?». Cet ouvrage avait mentionné qu' «À terme, la mort du sport est programmée si les autorités sportives et publiques ne se mobilisent pas pour lutter contre la fraude», précisant que «les nouveautés technologiques inhérentes au secteur des paris sportifs ont contribué au développement de trucages plus subtils». Le sport serait donc devenu l'otage d'une corruption constituant une activité lucrative à faible risque par rapport à d'autres activités criminelles passibles de lourdes peines pénales, toujours selon le livre. Qu'en est-il du Maroc ? Selon le rapport d'Europol, l'Afrique est également soumise aux lois des fraudeurs du football, avec notamment des matchs qualificatifs pour la Coupe du Monde. Rien ne pousse à penser au Maroc jusqu'à l'instant, mais une question pressante persiste : notre foot est-il purifié de ses immondes manipulations ? Selon le chercheur marocain Moncef Lyazghi : « Ce trucage existerait au pays, comme l'a prouvé le passé. Essentiellement lié aux paris sportifs en Europe, ces falsifications étaient d'abords dues au pouvoir de certains responsables qui intervenaient sur les résultats des rencontres. Ensuite, c'était au tour des équipes du ventre du classement, qui n'avaient plus rien à perdre (ni gagner) et qui préféraient vendre leurs matchs aux équipes du podium et celles du bas de tableau. La fédération a tenté l'éradication de ce phénomène en augmentant les récompenses financières, puisque plusieurs équipes en haut du tableau touchent des sommes consistantes à présent. Toutefois, cela ne veut pas dire qu'il n'y a plus de trucage de matchs au Maroc ». Concernant l'effet produit sur les supporter et autres intéressés au football, Moncef Lyazghi indique que le fléau « provoque une perte de confiance mais surtout de plaisir à regarder ces matchs qu'on sait montés de toutes pièces ». En somme, le trucage des matchs au Maroc pourrait bien être un iceberg sans partie visible à la surface….