La relation entre médias et sport ne serait pas toujours une relation gagnant-gagnant, puisque certaines théories avancent que ce sont surtout ces médias (la télévision, en premier lieu) qui se sont nourris de la popularité du sport, malgré les millions qu'ils injectent dans ce domaine. Javier Tola, professeur à l'Université du Real de Madrid et directeur de Simply Sport SL, agence de sports spécialisée dans l'acquisition et la distribution des droits de retransmission, nous éclaire sur le sujet. Tola s'exprime en connaissance de cause, puisqu'il a également une expérience en tant que directeur des sports à la TVE ( Télévision espagnole), en plus des postes qu'il a occupés dans plusieurs département des productions sportives à plusieurs stations Radio. Invité à donner un cours en marketing sportif à l'Université internationale de Casablanca (l'UIC), ce fin connaisseur du business sportif nous parle de l'impact médiatique sur le sport, qui est à présent dépendant de la télévision selon ses dires. En évoquant la relation «médias-sport», il est communément admis que la presse écrite a contribué directement à la promotion de la pratique sportive, tout comme fut le cas pour certains journaux français qui ont créé des compétitions comme le Rallye Dakar et le Tour de France. Pour la télévision, peut-on dire la même chose, sachant que certains observateurs avancent que cette dernière exploite le sport plus qu'elle ne le sert ? Non, j'ai une toute autre opinion ! Je pense que le comportement de ces deux médias envers le sport et son exploitation diffèrent, mais cela ne veut pas dire que la télévision n'a pas aidé le sport. D'abord, avec les droits de retransmission, qui sont un important facteur de développement, ensuite par la promotion assurée par les différentes chaînes TV, qui essayent de véhiculer une image positive et attrayante pour le sport et les sportifs. Je pense que la télévision a beaucoup participé à l'essor du sport. On remarque également que le spectacle sportif a des répercussions parfois négatives sur la sphère sportive, puisqu'il permet à des hommes influents de s'immiscer dans les affaires des ligues et des clubs… Oui c'est possible, mais il ne faut cependant pas ignorer que les mannes financières drainées par ces investisseurs ont été élémentaires dans le développement de ces clubs, qui ont considérablement évolué grâce aux recettes de diffusion. Mais à travers votre réponse, on a l'impression que vous raisonnez d'un point de vue purement économique. Qu'en est-il de l'essence même du sport, de la noblesse et des valeurs qui le caractérisent ? (Avec un air très sérieux) Eh bien, le sport est un business ! On ne peut pas oublier que sans cet esprit mercantile, le sport n'aurait pas pu atteindre son expansion actuelle et les opportunités de professionnalisme pour les jeunes auraient immanquablement rares. Le sport se développe par le business ! En 1990, une étude de de Médiamétrie avait révélé que le sport constituait 5 % de la consommation de programmes à la télé. Avez-vous une idée du chiffre actuel ? Je ne peux pas être exact mais je peux vous assurer que ce chiffre a beaucoup augmenté. D'abord, parce que le nombre de chaînes a explosé et la création de chaînes thématiques a révolutionné le secteur. Le chiffre de 1990 est à multiplier par 5 ou plus. Le sport serait l'une des économies les plus florissantes au monde (dans le top 20), avec plus de 300 milliards d'euros annuels en circulation. Cela veut-il dire que les capitaux sont plus importants qu'une expérience et une connaissance du domaine sportif ? Vous savez, l'intérêt des gens qui investissent dans ce domaine n'est pas de gérer un club ou de promouvoir tel ou tel sport. Dans la majorité des cas, c'est un intérêt politique avant tout, c'est-à-dire que ces gens font du show-off, qu'ils essayent de promouvoir leur image personnelle à travers un canal efficace et prisé par les foules. Je dirais que c'est purement promotionnel. La tribune d'un stade de foot est un endroit très apprécié pour faire du business. Je connais des gens qui payent des sommes faramineuses rien que pour accéder aux tribunes officielles et tisser des relations à des fins commerciales ou politiques. C'est là où réside le problème dans le monde du sport : ce mélange entre argent, pouvoir et objectifs politiques. Ne pensez-vous pas que le rôle d'agences comme celle que vous dirigez ne s'apparente pas à celui d'un intermédiaire. Ne faites-vous pas que rehausser les prix et priver de plus grandes tranches de téléspectateurs du spectacle sportif ? Il est tout à fait clair que nos agences sont dans le domaine pour gagner de l'argent. Mais ce qu'on propose également, c'est de générer de la valeur pour le produit. Maintenant, toutes les fédérations et organismes de sport comme la FIFA ou l'UEFA travaillent avec des agences parce qu'on a de l'expertise, parce qu'on connaît mieux la nature et risques du marché. On va dire qu'on organise le secteur. On est des intermédiaires entre les fédérations et l'audience, mais ça ne se résume seulement qu'à cela. En se limitant à l'agence dont vous êtes directeur, quels sont vos secteurs d'activité et quels sont les prix d'acquisition des droits des plus grandes manifestations sportives ? On est spécialisé en football et en boxe. Je ne peux pas vous donner des montants exacts, mais (rires) selon ce que j'ai lu dans la presse, les droits de retransmission de la dernière Coupe du Monde s'élevaient à 70 millions d'euros et pour les derniers J.O à 60 millions. Et quelles sont les compétitions les plus chères ? Il y a d'abord les J.O dont la somme reste exorbitante. La chaîne américaine NBC a déboursé 5 billions de dollars pour la retransmission de quatre éditions (estivales et hivernales). Ensuite il y a les ligues de football, avec en tête la Premier League. Et bien que la Liga soit très appréciée, le Calcio la devance en terme de recettes de diffusion. Comment se présente la concurrence entre ces multiples agences et quelles sont les plus grandes à l'échelle mondiale ? Elles proposent des garanties financières et avancent leur expertise, afin de surclasser leurs semblables. Les fédérations émettent des appels d'offres et c'est le plus convainquant qui brigue le contrat. Ils y a aussi des agences spécialisées dans seule discipline. Là c'est un autre mode de concurrence. Pour la plus grandes boîte, je pense que c'est IMG, qui s'occupe des droits de retransmission et de communication et de marketing sportif, également responsable des carrières de quelques sportifs. Dans un pays comme le Maroc, comment les médias -et la télévision plus particulièrement- peuvent-ils remédier à l'hégémonie du football en retransmission TV, de façon à promouvoir les autres sports ? Je pense que la télévision publique doit en premier lieu offrir un contenu diversifié. C'est l'une des raisons d'être une chaîne publique. Pour les privées, c'est un business. Elles ont la liberté de proposer tout contenu qu'elles estiment profitable.