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Itinéraire d'un « génie » non-voyant | Le Soir-echos
Publié dans Le Soir Echos le 04 - 01 - 2013

La journée mondiale du Braille, l'alphabet des non-voyants, est célébrée ce 4 janvier.
A cette occasion, Le Soir échos vous dresse le parcours d'un étudiant soudanais non-voyant résidant au Maroc. Portrait.
A esprit vaillant, rien d'impossible. Assim Kamaldine, un étudiant non-voyant de nationalité soudanaise, personnifie cette assertion. La cécité n'a pu assombrir son intellect. Loin de constituer un handicap fatal, elle l'a revigoré et propulsé vers les sommets. Pour comprendre ce scénario quasi paradoxal, une rétrospective s'impose.
Al Hassahissa, point de départ
En dépit de son handicap, Assim kamaldine a pu réaliser un parcours jalonné
de gloires.
Assim a vu le jour le 15 juin 1983 dans la localité de Al Hassahissa située à 200 km de la ville de Darfour, au Soudan. La cécité, il est né avec. Un handicap qui ne l'empêche pas de fréquenter l'école primaire.
« Dans notre famille, ma grande sœur et moi étions les seuls à naître non-voyants. Nous apprenions nos leçons à travers l'alphabet Braille », nous confie t-il. Il valide son cursus primaire et collégial sans coup férir – il fut d'ailleurs major durant les huit ans passés au collège-, avant d'obtenir son accessit d'entrée à l'établissement Mohamed Bachir Mouhamed, le troisième plus grand lycée du pays. Un parcours jalonné de gloire et qui sera sanctionné par une excellente mention lors des épreuves du Baccalauréat en littérature. « Par la grâce de Dieu, j'avais pu récolter 228 points sur 250. Ce qui m' a permis de figurer parmi les meilleurs lauréats du territoire national dont les noms étaient annoncés à la télévision nationale », se rappelle Assim, avec un air jovial. Parallèlement, il remporte un prix lors d'un concours académique organisé par l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI).
A l'université, la consécration
Ce diplôme lui ouvre les portes de l'Université de Khartoum (capitale du Soudan). Dans ce temple du savoir, il imprime ses marques et laisse des traces. De la première à la cinquième année, il a trôné au summum de la pyramide. « J'ai réalisé quasiment mon meilleur parcours à l'Université de Khartoum car j'ai été major de ma promotion de la première à la cinquième année. » Avec ce brillantissime parcours, il est aisé de comprendre la décision de la présidence de l'Université de l'accepter comme Professeur-assistant en Langue française en 2003. « Cette année (ndlr : 2003), la présidente de l'université avait pris une décision majeure en acceptant que cinq professeurs non-voyants dispensent des cours en Psychologie, Economie, Langue arabe et Etudes islamiques… à l'Université de Khartoum », souligne Assim. En 2007, il obtient une bourse universitaire pour aller poursuivre son cursus en Langue française à l'Université de Franche-Comté (France) .
« J'ai séjourné dans cette Université durant 1 mois, période durant laquelle j'ai reçu des cours intensifs en français. J'étais d'ailleurs le premier ressortissant arabe à y être accepté », se souvient-il. Le 21 novembre 2008, il dépose ses valises au Maroc après avoir décroché une bourse d'étude pour un Master en Langue française à l'Université Ibn Tofail de Kénitra. Sa thématique de recherche :
« L'Alternance codique dans la communication quotidienne chez le locuteur marocain », son échantillon : les étudiants de l'Université. « A travers ce thème, j'ai voulu déceler les erreurs de langue commises par de nombreux Marocains qui alternent souvent le français et l'arabe dans leur langage. L'étude est scindée en trois parties : les méthodes de communication utilisées durant la colonisation, le paysage linguistique marocain et l'alternance du français et de l'arabe dans la communication au Maroc », dixit Assim Kamaldine. Un an plus tard, il obtient son sésame avec la mention Assez bien, se classant parmi les meilleurs de sa promotion. « Le cursus du master fut émaillé de quelques péripéties. Je n'ai pu suivre correctement le premier semestre car je n'ai pu rejoindre Kénitra à temps. J'ai séjourné à Rabat le temps d'effectuer les démarches. En dépit de ses quelques difficultés, j'ai pu majorer durant le quatrième semestre du master », déclare-t-il. Présentement il prépare son doctorat sur « L'alternance codique et son impact sur le niveau d'étude au Soudan ». Son mariage avec la langue de Molière ne doit rien au hasard. Trois éléments ont facilité ce bail. « La curiosité de découvrir cette langue qui n'est pas très répandue au Soudan, la volonté de connaître davantage les réalités des trente-et-un pays francophones. En plus, la diffusion des programmes de Radio Monte-Carlo au Soudan a aiguisé davantage mon appétit de me familiariser avec la langue française ».
L'Islam, source de confiance
Son handicap, Assim a essayé de le soigner. Les opportunités étaient là, les concours de circonstances aussi. A l'âge de 4 ans, il débarque en Russie. Les médecins lui assurent un traitement provisoire en lui faisant savoir que le traitement complet ne sera disponible que dans 10 ans pour… 2000 dollars. En 2007, lors de son séjour à l'Université de Franche-Comté, il faisait des consultations chez un ophtalmologue, son séjour éphémère le contraint à suspendre son traitement. En avril 2009, le prince Cheikh Zaid de Dubaï lance un projet visant à dispenser des soins à 1 million de non-voyants venus de différents pays du monde. Malheureusement, il accuse un retard dans le dépôt de dossier. Toutefois, ces vicissitudes sont loin de décourager notre bonhomme. Il garde l'espoir en bandoulière et la confiance chevillée au corps. Cette confiance puise ses racines dans la lecture des versets du Saint Coran. Livre Saint qu'il parcoeurise en 14 mois. « J'ai fréquenté l'école coranique dès le bas âge. J'apprenais le Coran avec l'alphabet Braille et à travers l'écoute des grands Cheikhs », se remémore-t-il. A ceux qui veulent maîtriser le Coran un seul conseil, « la révision quotidienne ». L'autre aspect fascinant chez Assim, c'est sa capacité de reconnaître ses amis dès qu'il leur serre la main. Une faculté innée. « Aussi, quand j'emprunte trois fois le même bus, je peux reconnaître ma station d'arrêt sans même la demander à l'apprenti », renchérit-t-il. Assim s'est marié le 19 octobre 2012. Il souhaite devenir Professeur titulaire en Langue française à l'Université de Khartoum. Son souhait : s'ériger comme une référence pour les non-voyants.
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