Les rencontres entre la CGEM et le MEDEF, tenues le 12 décembre à Casablanca, ont porté leur lot de propositions pour améliorer le climat des affaires au Maroc. Les ministres marocains ont tenu à leur répondre, les rassurer quant à leurs doléances et communiquer sur les projets et réformes en cours. De gauche à droite, Ahmed Rahhou, PDG du CIH, Najib Boulif, ministre délégué chargé des affaires générales et de la gouvernance, Nizar Baraka, ministre de l'économie et des Finances, Maria Bahnini, conseillère du commerce extérieur français et Philippe de Richoufftz, avocat associé chez Adamas. La France est le premier partenaire économique du Maroc, premier marché à l'export, premier investisseur étranger avec 50 % des stocks d'IDE, premier émetteur de touristes pour le royaume et premier émetteur de ressources en devises des MRE. Entre les deux pays, les relations économiques sont à un stade très mature mais également celle linguistiques, culturelles, politiques. Dans le but de renforcer, consolider et améliorer ces relations économiques, une rencontre a été organisée le 12 décembre à Casablanca par la CGEM et le MEDEF. Plus de 400 hommes d'affaires ont tenu à être présents à cette manifestation. « Cette rencontre ne va pas limiter l'ouverture du Maroc » Toutefois, dans un contexte de crise et face à une mondialisation exigeant une ouverture plus optimale sur des marchés internationaux plus prometteurs, les organisateurs ont tenu à souligner que ce genre de rencontres ne limite pas cette quête d'ouverture du Maroc vers l'international. Mais il s'agira dans un avenir proche de trouver des leviers pour attirer des investisseurs français, créer des partenariats stratégiques et prospecter par la suite les pays de la région et l'Afrique subsaharienne. « Nous allons essayer de trouver d'autres pistes de partenariats. On ne va plus se limiter qu'à la balance commerciale, mais on tentera de trouver de nouvelles approches de co-développement. Des idées émergent en marge de ces rencontres pour que les PME des deux pays puissent prospecter d'autres marchés à partir du Maroc dans une logique de co-investissement en créant notamment des joint-ventures et investir l'Afrique », nous déclare Mohamed Kettani, co-président du Club des chefs d'entreprises France-Maroc. Prospecter ensemble l'Afrique Meriem Bensaleh Chaqroun, présidente de la CGEM entourée de Jean-René Fourtou et Mohamed Kettani, co-présidents du Club des chefs d'entreprises France-Maroc. Pour faire, le Club qui est co-présidé par Mohamed Kettani et Jean-René Fourtou a constitué 8 groupes de travail sectoriels bilatéraux dans les secteurs de l'off-shoring, l'agriculture, la pêche, l'agro-industrie, le transport et l'énergie, partenariat public-privé, aéronautique, automobile, tourisme, capital humain et relations sociales. Ces groupes qui ont rassemblé 60 chefs d'entreprises marocains et français, dont les 3⁄4 sont issus de PME, ont œuvré pendant 8 mois afin de livrer un diagnostic complet de leur secteur d'activité mais aussi identifier l'ensemble des leviers susceptibles de renforcer la dynamique des investissements et des échanges bilatéraux. Ces groupes de travail ont révélé plusieurs avancées dans le climat des affaires mais des blocages subsistent encore sur le volet ressources humaines, foncier, fiscalité et de la gouvernance. Là où ça bloque.. Les principales difficultés identifiées sur le volet ressources humaines ont trait à la disponibilité des ressources humaines qualifiées et en quantité suffisante ou encore à l'encadrement du droit de grève. Par rapport à ce point, Miloudi Moukharik, secrétaire général de l'UMT (l'Union marocaine du travail) a tenu à prendre la parole pour rassurer les hommes d'affaires français. « Dans un contexte économique particulièrement difficile, nous avons opté pour une culture de dialogue avec le patronat plutôt qu'une politique d'adversité. Nous avons signé un accord avec la CGEM pour la médiation sociale. Nous aurons également la semaine prochaine, la livraison d'une charte sociale qui vise la résolution pacifique des conflits », déclare-t-il. Ceci-dit, les hommes d'affaires trouvent encore des problèmes par rapport au dispositif d'aide à la formation et son financement, à la formation du middle management et à la revalorisation de la langue française dans l'enseignement public. Le foncier et la fiscalité fâchent les hommes d'affaires Le foncier, quant à lui, a été au centre des préoccupations des groupes de travail qui se sont alarmés de sa cherté. « La cherté des prix du foncier a été considérée comme un frein à l'investissement et nécessite d'être adressé aux investisseurs à travers des mesures spécifiques », notent-ils. Une remarque qui n'a pas certainement plu au ministre de l'économie et des fiances, Nizar Baraka : « Je peux vous dire qu'il n'y a pas autant de problème de foncier au Maroc. Nous avons lancé des plateformes industrielles intégrées dans plusieurs villes, des agropôles et des technopoles… Au sein de ces plateformes, les prix sont très abordables et un accompagnement est assuré pour rendre la vie facile à l'investisseur », lance Baraka. Le troisième point soulevé par le Club des chefs d'entreprises est relatif à la fiscalité. « L'amélioration des délais de récupération de la TVA est fortement souhaitée afin de réduire les charges grevant la trésorerie des entreprises. Plusieurs mesures d'aménagement ou d'harmonisation fiscales sont également souhaitées afin de permettre une attractivité des produits industriels transformés, réduire le coût du travail, externaliser les murs hôteliers dans des véhicules d'investissement ad-hoc… », suggère le Club qui rajoute que la réduction des délais de réponse de l'administration (permis de construire,…), la simplification des procédures administratives, la réduction des coûts logistiques, la lutte contre la contre-bande et la sous-facturation s'avèrent nécessaires afin d'améliorer la compétitivité et accélérer le rythme des investissements. Enfin, parmi les recommandations formulées, le renforcement de la coordination inter-ministérielle, la communication d'une plus grande visibilité aux opérateurs sur certaines stratégies (régulation des transports, de l'énergie, stratégie gazière, secteurs éligibles aux PPP, haute autorité dans le secteur touristique…), un meilleur pilotage des délais de négociation des projets PPP. Quand la justice traîne, les affaires accusent le coup… Par ailleurs, Maria Bahnini, docteur en droit et conseillère au commerce extérieur français a soulevé le problème de la justice, la lenteur des jugements ainsi que leur application. Mohamed Najib Boulif, ministre délégué chargé des affaires générales et de la gouvernance a tenu à rassurer l'auditoire. « Je vous confirme que les choses avancent et beaucoup de réalisations ont été observées dernièrement. Des réformes structurelles et sectorielles ont été effectuées pour améliorer le climat des affaires. On est en train d'améliorer l'environnement juridique. On forme actuellement les acteurs du droit et le volet relatif à la jurisprudence. Ce qui est rassurant c'est que le gouvernement a une visibilité et un agenda bien précis sur l'intégration des projets de loi. Nous allons également amender la loi sur la concurrence des prix et des réformes institutionnelles sont en cours », déclare Boulif. Ce dernier déclare d'ailleurs que les retards dans les délais d'exécution des jugements coûte à l'Etat 6 milliards de dirhams par an. L'objectif est d'arriver en 2020 à 0 jugement non exécuté. Les ministres ont convaincu ! Quoi qu'il en soit, on peut dire que les ministres présents lors de cette conférence CGEM-MEDEF, ont réussi leur oral et ont rassuré les hommes d'affaires. À coup d'annonces, les ministres ont révélé le lancement futur et en cours de plusieurs projets de lois, des stratégies et des réformes essentiels pour l'amélioration du climat des affaires, comme la stratégie nationale pour la gestion des risques qui alertera les acteurs politiques et d'affaires sur entre autres l'évolution des prix internationaux de l'énergie, également le projet de loi sur l'auto-entrepreneuriat, la stratégie réformatrice de la TPE qui est en cours de finalisation et la stratégie nationale de la lutte contre la corruption…. Ils ont dit Mohamed Kettani, Co-président du Club des chefs d'entreprises France-Maroc (partie marocaine) « L'objectif est de proposer des suggestions aux gouvernements des 2 pays pour soutenir la compétitivité des entreprises des 2 pays pour promouvoir les investissements que réalisent les français au Maroc que ce soit au niveau du foncier ou des ressources humaines. Ces rencontres ont accueilli 200 hommes d'affaires français ce qui démontre que le Maroc est un pays stable politiquement et économiquement et on va travailler sur les leviers que le gouvernement doit prendre en compte pour attirer des investissements dans l'offshoring, l'agriculture, le tourisme, les industries de transformation, l'aéronautique ou encore l'automobile. L'objectif est de faire augmenter les investissements français au Maroc et réaliser des investissements pour le marché africain à partir du Maroc».
Jean-René Fourtou, Co-président du Club des chefs d'entreprises France-Maroc (partie française) «Je trouve que ces rencontres sont une réussite sur tous les plans. L'ambiance était détendue et les ministres marocains ont répondu à toutes les questions sans tabous. L'objectif de ces rencontres est d'améliorer les relations économiques et les partenariats entres les 2 pays. Actuellement, nous sommes le premier partenaire économique du royaume du Maroc. Il pourrait y avoir une envolée des exportations espagnoles vers le Maroc, dont je me réjouis, mais il peut y avoir des hausses des échanges commerciaux avec les espagnols d'une façon conjoncturelle. Il faut relativiser cette hausse car en termes d'investissements, nous sommes beaucoup loin avec un stocke d'IDE d'environ 50%».