Dans son Xè Eclaircissement ( De la recherche de la vérité), Nicolas Malebranche écrit: » Lorsqu'un homme préfère la vie de son cheval à celle de son cocher, il a ses raisons, mais ce sont des raisons particulières dont tout homme raisonnable a horreur. Ce sont des raisons qui dans le fond ne sont pas raisonnables, [...] Dans son Xè Eclaircissement ( De la recherche de la vérité), Nicolas Malebranche écrit: » Lorsqu'un homme préfère la vie de son cheval à celle de son cocher, il a ses raisons, mais ce sont des raisons particulières dont tout homme raisonnable a horreur. Ce sont des raisons qui dans le fond ne sont pas raisonnables, parce qu'elles ne sont pas conformes à la souveraine raison(...) » Indubitablement, l'ineptie qu'induit cette affirmation est d'emblée criante. Mais si cette manière de raisonner dépasse le cadre individuel et devient caractéristique de comportement d'un groupe d'individus ou d'une administration mal intentionnée ou non-performante, l'horreur des hommes raisonnables dont parlait Malebranche, devient de tous les diables, aussi bien pour l'administration que pour ses administrés, ses fonctionnaires compris. Tant, il est vrai que l'administration, cheville ouvrière de l'Etat, tire sa raison d'être et sa légitimité de son aptitude à garantir, contre tout arbitraire, les missions de service public et d'intérêt général au profit des citoyens. Le fonctionnaire en est un n'est- ce pas? Il n'est, cependant, plus besoin de le rappeler- sans vouloir faire du barouf- que par-delà l'extrême diversité des requêtes administratives, il y a des dénominateurs communs d'origines et de causes. Telle la complexité et la multiplicité des procédures administratives aboutissant inéluctablement à une lenteur dans le traitement des requêtes des administrés, voire même, de celles de certains fonctionnaires au sein de leur administration même, comme ce fut le tristement célèbre cas –dans son administration- d'un technicien supérieur qui n'a cessé de réclamer son droit à une promotion, sans pour autant que ses requêtes aient une issue favorable. Pis, il n'en a jamais reçu de réponse, à ce jour. Cela n'est autre que passivité et inaction administrative, qui, sous d'autres cieux peuvent être constitutives d'illégalité et entraîner une responsabilité administrative. Telle l'inexécution des instructions par certains responsables administratifs, préférant l'usage des interprétations personnelles des textes législatifs et règlementaires quoique, d'évidence, ils ne s'y prêtent pas. A moins que les raisons d'interprétation puissent s'inscrire dans la logique de l'affirmation de Malebranche citée en début. A cela s'ajoute, évidemment, les défauts d'information qui conduisent administration et administré à une incompréhension réciproque. En effet, comment un administré ou un fonctionnaire voire même un journaliste pourrait- il « frapper à la bonne porte » et être en possession de la bonne information au moment où il en a besoin, par une voie et une seule? Si les difficultés d'accès à l'information sur les procédures et démarches à entreprendre pour bénéficier d'un droit, sont fréquemment rencontrées. Ne s'agit–il pas là d'un obscurantisme déguisé? Quand un fonctionnaire est, aux cent coups, il ne peut s'empêcher de croire qu'il est pertinent que ces responsables administratifs saisissent – et sans retard- que le sentiment d'injustice administrative vécue par le moindre fonctionnaire, est loin d'être le diable à justifier, ni même à objectiver, si les actes administratifs sont irréguliers et contraires aux règles de droit. Et notamment s'ils sont établis par des responsables incorrects, et non-abordables. C'est pourquoi, prévenir l'arbitraire de l'administration, et au besoin le réprimer, est condition sine qua non pour l'amélioration des prestations administratives. Certes, il y a loin de la simple volonté affichée de certains responsables de changer cette image d'une administration peu reluisante, au changement effectif. C'est pourquoi le changement tant attendu dans les rouages administratifs, ne peut que rester à jamais impossible à ceux, ayant des esprits, obnubilés par des raisonnements captieux ou alambiques incapables d'adhérer à la modernité de l'administration, et fixant leurs regards sur les marges d'interprétation qu'ils s'accordent pour violenter les textes administratifs et consacrer, l'arbitraire de l'administration qui n'est en définitive qu'un acte offensant et un aspect atténué de despotisme et d'anachronisme synonymes, il est vrai, d'une administration ne respirant pas l'air de son temps. Appréciez ce paradoxe :alors que les philosophes comme Vernaux affirment » qu'une personne est un individu. Mais non pas n'importe quel individu! une substance individuelle de nature rationnelle, un individu doué de raison », des responsables administratifs prennent parfois plaisir de dire des balivernes pour diminuer certains fonctionnaires et réduire leurs mérites au point que quelques uns d'entre eux deviennent de vrais dingos. Si l'on peut risquer une analogie, on dirait que la réforme et la modernisation administratives jouent, à l'égard de l'administration, un rôle similaire à celui des examens pour une vie humaine. Et comme disait Platon dans son apologie de Socrate » une vie sans examens ne vaut pas d'être vécue », je dirai, sans barguigner, qu'une administration sans réforme profonde à même d'atténuer les injustices et améliorer ses prestations et son image, ne peut être digne de son nom et échapper à la visée des propos de Rostand: » On se figure avoir tout fait pour la justice quand on a bien vitupéré les injustices ». Quelle pensée burlesque et caduque ! Cela ne débouche que sur des iniquités sans cesse croissantes et ne produit que des fonctionnaires défaitistes et inféodés par leur administration. A tel point de vivre l'effacement de soi. En somme, à la dialectique ruineuse et sans fin de l'administration et de l'administré , à l'impossible lecture dans le regard d'un fonctionnaire dont on a diminué les mérites, il est grand temps que l'administration se constitue dans ce respect de chaque fonctionnaire comme être raisonnable, comme personne –raison et liberté- sujet de droits et de devoirs, et mérite donc dans tous les cas, protection et respect de son administration. Respect qui peut fort bien se traduire par des actes simples, et non pas des moindres, telles les réponses motivées à ses requêtes, avec évidemment, énonciation des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ; telle la présentation des excuses en cas d'erreur administrative, tel le traitement des dossiers avec objectivité, neutralité et impartialité. C'est là, la bonne conduite administrative qui fait encore défaut. * Tweet * *