L'Instance centrale de prévention de la corruption (ICPC) vient de présenter son second rapport 2010-2011. De nouvelles recommandations risquent de connaître le sort des précédentes : elles seront tout simplement mises de côtés. Aboudrar et ses équipes ne désespèrent pas pour autant. Abdeslam Aboudrar. De mal en pis. La gangrène de la corruption s'aggrave en l'absence d'un traitement efficace. Le diagnostic de l'Instance centrale de prévention de la corruption (ICPC) atteste d'une logique de cause à effet. « La situation du Maroc en matière de lutte contre la corruption ne s'est pas améliorée de manière significative, la politique poursuivie à cet effet étant restée dépourvue d'une dimension stratégique et d'un engagement effectif anti-corruption », constate l'Instance dans son second rapport 2010-2011, présenté par son président Abdeslam Aboudrar, ce vendredi à Rabat, Des lacunes à combler La corruption a toutes les chances de s'envenimer dans les différents secteurs de gestion de la chose publique. L'ICPC estime qu'il ne suffit pas de réaliser des acquis juridiques et institutionnels conformes aux normes internationales pour réussir la lutte contre ce fléau. « Ces acquis restent sans efficacité tant que les nombreuses lacunes ne sont pas traitées », affirme Abdeslam Aboudrar. Et ces « lacunes » qu'il faudra combler concernent, en premier, l'absence d'une dimension stratégique susceptible d'asseoir une politique de lutte contre la corruption efficace, conditionnée, intégrée et fondée sur des objectifs fixés pouvant être suivis et évalués. « La corruption est tellement complexe et large qu'il faut instaurer un système national d'intégrité, dont la base est fondée sur les grandes réformes économique, judiciaire, politique et administrative », soutient le président de l'ICPC, précisant que ce système doit s'articuler autour de plans d'action impliquant le gouvernement, le Parlement et la société civile. « Il faut que chacun joue son rôle pour que le système marche », déduit-il. Ce n'est pas le cas, pour l'instant, comme le montre l'ICPC dans son rapport qui relève le manque d'harmonisation du dispositif pénal et judiciaire avec les exigences de la lutte anti-corruption et l'absence de coordination entre les divers organes d'inspection, de contrôle et de reddition des comptes. Un remède en six «prises» « On ne peut pas dire que la lutte contre la corruption est l'affaire de tous et se contenter, une nouvelle fois, de noyer le poisson. Il faut des objectifs, des responsables », précise Abdeslam Aboudrar. À chacun donc sa responsabilité et celle de l'ICPC est non seulement de diagnostiquer mais aussi de proposer des remèdes. Reconnaissant que la plupart de ses recommandations émises à l'issue de son premier rapport n'ont connu aucune issue, l'Instance ne désespère pas en formulant une série actualisée de propositions où il est question de six axes servant de feuille de route à la lutte contre la corruption en remédiant en toute logique aux divers problèmes du terrain. L'ICPC recommande ainsi la consécration de la dimension stratégique de la politique de lutte contre la corruption par, entre autres, la promotion de techniques d'investigation et l'ancrage du projet dans une vision stratégique de prévention et de lutte. Et dans celle-ci, la reddition des comptes s'impose pour l'ICPC qui propose l'actualisation et l'adaptation de la politique pénale aux exigences de la lutte contre la corruption et le renforcement de l'efficience des institutions de contrôle. Au sein des administrations, c'est une amélioration de la gouvernance que recommande l'Instance à travers notamment la coopération entre la Cours des comptes et les administrations habilitées, de par leurs attributions, à explorer l'évolution des fortunes. La promotion de l'éducation, de la sensibilisation et du partenariat figure également sur la liste des recommandations de l'ICPC qui estime à la fois nécessaire et urgent de s'acquitter de son nouveau statut conformément aux dispositions de la nouvelle Constitution. Des ressources et des urgences Pour Abdeslam Aboudrar, il n'est pas suffisant de fixer des objectifs et de nommer des responsables sans allouer les ressources nécessaires. « Il n'y a aucune procédure qui ne coûte rien », déclare-t-il, soulignant que l'ICPC souffre énormément de ce manque de ressources à cause duquel d'ailleurs elle n'a pu lancer une campagne de communication. L'Instance clame, aujourd'hui, sa qualification juridique d'Instance nationale lui garantissant l'indépendance et les prérogatives d'agir. Un projet de loi portant sur cette reconnaissance a été remis au SGG pour examen. Ce changement permettra l'octroi à l'Instance de nouvelles attributions en matière d'auto-saisine ou d'intervention directe contre l'ensemble des actes de corruption, avec des pouvoirs d'investigation et d'enquête qui peuvent être assurés directement par procuration ou dans le cadre de la coopération. L'ICPC estime, dans son rapport, qu'elle affronte de nombreux problèmes notamment en matière de traitement des plaintes qui lui sont transmises surtout par manque de sérieux des administrations concernées. * Tweet * *