Au sein de l'Istiqlal, non seulement le torchon a déjà brûlé, mais le feu est dans la baraque. Sans pour autant sacrifier à la forte métaphore, il convient de prendre désormais la réelle mesure de l'évolution qui se dessine au sein de la formation historique à la lumière des derniers événements et, surtout, au cours de cette ligne droite que nous entamons avant l'élection d'un nouveau secrétaire général. Fini les sourires de façade. Entre Abdelouahed El Fassi et Hamid Chabat, la course à la présidence du parti s'est transformée en guerre ouverte. C'est peu dire, en effet, que la guerre est déclarée... Au point que la Commission présidée par trois ténors, Abdelkrim Ghellab, M'Hamed Boucetta et M'Hamed Douiri en est venue à tirer les conclusions et en appeler à l'unité des rangs. Voici ce qu'elle dit en substance : «Notre rapport comporte une évaluation de la situation au sein du parti ainsi que des propositions censées garantir les conditions de réussite de la première session du Conseil national du parti et préserver l'unité des rangs dans l'objectif de permettre au parti d'accomplir sa mission nationale et politique au service des intérêts suprêmes du pays ». A coup sûr, le sujet dominant est cette rageuse élection du futur secrétaire général du parti... Or, les deux candidats au poste de secrétaire général du Parti de l'Istiqlal n'en finissent pas de se mesurer et de se heurter, aussi bien au niveau des mots qu'à celui des prises de position. La ville d'Agadir, pour ne citer que celle-ci, a constitué la semaine dernière pour l'un et l'autre, à trois jours d'intervalle, le fief des démonstrations. Et quelles démonstrations ! Hamid Chabat, candidat « musclé » qui ne mâche pas ses mots et ne fait jamais dans la dentelle était à Agadir dimanche 9 septembre pour haranguer ses partisans venus nombreux à la Chambre de commerce et d'industrie. Il était accueilli par Zineb Kayouh parlementaire ismaïlienne, fille surtout de Ali Kayouh vétéran de la politique dans le Souss qui, après avoir fait ses débuts au sein du RNI, a participé en 1983 à la scission de ce parti et co-fondé le PND ( Parti national démocrate) avec Arsalane El Jadida et Abdallah Kadiri, a fini par rejoindre le Parti de l'Istiqlal... Ali Kayouh : « celui-ci est bio... » Abdelouahed El Fassi a fait également le voyage d'Agadir, bastion d'un certain nationalisme, ville qui avait autrefois consommé la célèbre scission de l'UNFP et donné naissance à l'USFP. Candidat à la tête de l'Istiqlal, le Dr El Fassi a été accueilli en grande pompe par Haj Ali Kayouh en son fief, « le 44 à Houara », non loin de Taroudant, une ferme à l'américaine. La première impression est que la famille Kayouh , latifundiaire connu et reconnu désormais, qui a tourné sa casaque plusieurs fois, a donné l'impression d'afficher deux sensibilités politiques au moins : Zineb serait-elle pour Chabat ? Et le père, Haj Ali, vieux briscard pour Abdelouahed El Fassi ? Toujours est-il qu'en accueillant celui-ci dans son fief, Haj Ali ne s'est pas embarrassé de dire de lui, devant tous les invités au meeting de soutien : « Celui-ci est « bio et non traité par les pesticides » ! Propos calomniateur à l'endroit de Hamid Chabat ? A coup sûr, celui qui l'a émis n'en mesure pas la portée politique et humaine qui confine ici à une sorte de racisme déguisé ? En fait, Zineb Kayouh s'était rendue à la Chambre de commerce et d'industrie non pour « applaudir Chabat », comme nous le confie un de ses proches mais, simplement, pour « remplir une mission de courtoisie, à l'égard des élus et invités du parti » ! Elle n'apporte aucun soutien au candidat de l'UGTM, qui ne cesse de mener un combat frontal avec son challenger, mais qui est taxé de « tartuffe » aussi et de « manipulateur » pour avoir convoqué un meeting du syndicat sans en avoir averti qui que ce soit. La famille Kayouh entend rester « légitimiste » ! Mais à quoi , au juste ? Ce qui s'est passé à Agadir qui abrite un fort contingent d'électeurs , est significatif en effet de qui existe ou préexisterait le cas échéant le jour fatidique du 23 septembre, date à laquelle les membres de la Commission nationale désigneront par le vote le futur « patron ». Le débat, âpre et de plus en plus violent, se transforme en un combat, opposant deux conceptions, deux visions du monde, deux méthodes et, « in fine » décidera du sort de l'Istiqlal...Les deux adversaires ne se battent plus à fleurets mouchetés, mais aux mots de la rhétorique politique, parlent de complot, de traîtrise, de trahison aux idéaux du parti et de la... nation . Après le 23 septembre, et Chabat ne s'est pas fait faute de le rappeler avec l'accent persifleur qui le caractérise, le « parti de l'Istiqlal ne sera plus le même... » ! C'est si vrai que, d'aucuns parmi ses irréductibles adversaires, n'hésitent pas à évoquer l'hypothèse de « l'implosion interne »... Un ton qui frise la calomnie et même le langage indécent Le langage est le thermomètre de la politique ! Quand il verse dans le crapulo-populisme, il donne la triste mesure de la pensée abyssale de ceux qui y recourent. Il faut convenir , cependant, qu'un certain mépris, non seulement politique, semble accompagner le discours d'un certain entourage de Abdelouahed El Fassi à l'égard de son rival, Hamid Chabat. Traité de « dictateur » qui « instrumentalise le syndicat », d'ignorant voire « d'inculte, celui-ci n'en finit pas de subir les Fourches Caudines du « parti des intellectuels » que certains veulent incarner. Et lui-même, parti à la conquête de la citadelle istiqlalienne, s'exposant aux farouches gardiens du temple, ne se contente pas de faire de la politique politicienne, il se transforme, métaphore à l'appui, en guerrier. Il n'y va pas de main morte lorsqu'il croit dénoncer « certaines pratiques de membres du gouvernement issus de son propre parti », notamment Nizar Baraka et Mohamed Elouafa, avec un ton qui frise la calomnie et même le langage indécent...On se prend alors à rêver que la politique ne soit pas le cloaque vaseux... * Tweet * *