La soprano marocaine Samira Kadiri a illuminé de sa voix puissante le Festival Timitar, interprétant son vaste répertoire au théâtre Verdure d'Agadir jeudi soir. A Timitar, Samira Kadiri a savamment concocté un mélange de chants lyriques et traditionnels, et onze morceaux de son nouveau projet. A Timitar, Samira Kadiri a savamment concocté un mélange de chants lyriques et traditionnels, et onze morceaux de son nouveau projet, accompagnée de son ensemble, des musiciens marocains, membres de la troupe « Arabesque » et des musiciens italien, grec, et espagnol. Cette grande dame a interprété des chansons de son répertoire recherché et les nouvelles pépites de son prochain album. Spécialiste du « Hakaytiya », le ladino spécial de la région du nord du Maroc, du « Mudejar » aux origines andalouses, Samira Kadiriet ressuscite des chants nobles souvent tombés dans l'oubli, et chante pour la première fois en berbère. Discussion avec une femme engagée. Quelle est la spécificité de ce nouveau projet que vous interprétez pour la première fois à Timitar ? Dans le projet « Rythmes de mémoire », j'ai développé des chants de montagnes dans la volonté d'initier un voyage culturel entre l'Arménie, la Grèce et l'Algérie. Les chants sont soit enregistrés dans les montagnes soit basés sur le thème des montagnes. Ce projet me permet de chanter pour la première fois en berbère, et je suis contente de le présenter une première fois à Timitar. L'objectif est de mixer entre les différents chants de plusieurs pays, en l'occurrence les chants de l'Arménie et de l'Atlas. « Iwal iwal », par exemple, est un chant engagé qui rend hommage à deux combattantes de la Kabylie, chanté en berbère algérien. Vous avez beaucoup chanté dans des langues oubliées, ressuscitant des dialectes enfouis dans l'histoire ? Tout vient de ma formation. Je suis spécialiste en chants antiques, et j'interprète les répertoires médiévaux ou antiques, et j'ai toujours cherché à partager des moments de plaisir, à travers une certaine recherche musicale. Je chante en « hakaytiya» (ladino), en syriaque, en araméen, et ma recherche est axée sur un répertoire très ancien, sur un patrimoine qui risque de tomber dans l'oubli. J'essaie de voyager avec le public, entre l'Orient et l'Occident, et je trouve dommage qu'il ne soit pas attentif à ces chansons et ces prononciations. Le public marocain n'a pas été sensibilisé à la musique classique, ou au chant lyrique. C'est justement pour cette raison qu'on a essayé de se rapprocher du public dans ce nouveau projet, en chantant des chansons berbères. Vous interprétez des chants judéo-espagnols. Pourquoi avez-vous développé des affinités avec cette musique ? Le « ladino » ou « hakaytiya », est la langue des chants séfarades qui se chantent au nord du Maroc, qui est mêlé au chant nordique « jbala » ou proche du zendani qui équivaut au « melhoun » spécifique à la région du nord. Les juifs, en abandonnant leurs maisons, ont laissé des traditions magnifiques, et je suis passionnée depuis toujours par ce chant et ces belles mélodies. C'est un chant particulier et il est impossible de le chanter si on ne maîtrise pas le « zendani ». Voilà pourquoi j'ai voulu le faire connaître au public. Et je trouve magnifique que ce soit l'Andalousie qui soit à l'origine de ces belles sonorités et qui irradie sur le monde entier, et voilà une autre raison qui m'a poussée à me spécialiser et me consacrer à ces chants. Je tiens également, dans ma musique, à défendre la femme, parce qu'elle a toujours été marginalisée. Je chante la femme en tant que source d'inspiration et de création. Vous êtes directrice de la maison de culture de Tétouan, et directrice artistique du Festival international du luth à Tétouan ? Comment jonglez-vous entre ces responsabilités ? On me pose souvent cette question. Chaque mission est au service de l'autre, et chaque mission est une occasion pour de belles rencontres. Ces casquettes me poussent à être en mouvement, m'apportent de l'inspiration, et me facilitent le contact avec les gens, vu le carnet d'adresse que j'accumule. En raison de mes déplacements, il devient plus facile d'aller vers les gens. Et comment voyez-vous le Festival de Timitar qui vous accueille ? Même s'il y a beaucoup de festivals, il y a toujours un festival qui représente la ville. Quand je dis Agadir, je pense à Timitar, et quand je dis Tétouan, je pense immédiatement au Festival international de luth et du cinéma méditerranéen. Le Festival de Timitar a un cachet spécial parce qu'il invite de grands artistes, et par grands artistes je n'entends pas artistes célèbres, mais grands même dans leur anonymat, par leur talent et leur engagement. La musique amazighe est vierge, et personnellement j'ai toujours rêvé de monter des évènements avec des berbères. Leurs chants sont des bijoux qu'il vaut conserver. Ça relève du sacré et il faut toujours y croire. * Tweet * * *