C'était en 2010 et l'annonce avait fait son effet sur la place de Casablanca. Initiée en 2008, l'opération de reconfiguration de la holding royale, inspirée par des considérations économiques et stratégiques révélait la pierre angulaire de sa nouvelle vision. L'annonce de la cession du contrôle de Danone s'inscrit dans ce calendrier. Centrale Laitière dispose de 70 000 points de vente et une flotte de plus 500 camions. Comme publié dans notre édition du 29 mars 2010 dans le cadre d'un entretien exclusif, Vincent le Stradic, associé gérant chez Lazard en charge de l'opération SNI-ONA, nous déclarait que « le schéma (de fusion) retenu présente l'avantage d'être simple et lisible pour les actionnaires » et « l'un des objectifs essentiels de la transaction est l'autonomisation des sociétés de portefeuille qui s'y prêtent. La sélection des entreprises concernées a donc été fondée sur leur stade de développement… Ceci explique le choix de Cosumar, Lesieur et l'ensemble agro-alimentaire (Centrale Laitière/Bimo/Sotherma).Après la cession de Lesieur qui a été achevée en 2011, c'est au tour de la Centrale Laitière de voler de ses propres ailes sous la houlette de Danone, acteur historique, membre du conseil d'administration de l'ONA et surtout acteur engagé, partageant la même vision stratégique que celle du premier opérateur du secteur au Maroc. Le calendrier de cette opération, qui obéit à des critères rationnels, permet à la SNI de privilégier le meilleur schéma tant pour la société que pour les différentes parties prenantes (salariés, éleveurs ...). Le choix de Danone est celui de la continuité Le programme de cession, sur lequel il a été communiqué sur le plan national et international, reste flexible pour concrétiser les opérations dans la meilleure configuration, économique et sociale. Ainsi, le choix des repreneurs inclut une série de dispositions pour écarter les prédateurs et les amateurs de coups financiers, ce qui rend le processus plus long. Selon un responsable de la holding, « Nous accordons beaucoup d'importance au choix des repreneurs car il est de notre devoir de passer le témoin à des acteurs industriels responsables et non pas à des spéculateurs à la recherche uniquement de dividendes et de plus values financières. Le choix de Danone est donc celui de la continuité. Avec 29% du capital de la Centrale depuis 1996, le premier opérateur mondial connaît bien la maison. Ce qui ne devrait logiquement pas conduire à de gros changements. La Centrale Laitière, plus connue pour ses produits de grande consommation, est le premier opérateur logistique marocain. Avec un réseau de distribution propre qui alimente plus de 70 000 points de vente, une flotte de plus 500 camions pour la distribution et la collecte de lait, c'est tout un écosystème aux ramifications sociales qui est en jeu, surtout quand l'amont laitier concerne 112 000 éleveurs. Or Danone partage la même vision que la Centrale Laitière avec un fonds lancé en 2009, nommé « Ecosystème ». Pour son PDG, Franck Riboud, « Le principe fondateur de Danone Ecosystème, c'est la conception que nous avons de la responsabilité de l'entreprise : pour être durable, elle doit se préoccuper de la solidité de son environnement». L'objectif de ce fonds est de «soutenir, renforcer et développer l'ensemble des parties prenantes dont l'activité est impactée par Danone et qui agissent en proximité forte de ses filiales locales sur le plan économique, social et territorial». La vocation de la SNI reste d'investir principalement au Maroc Du coup, la Centrale Laitière continuera ses efforts d'augmentation de productivité pour éviter la répercussion de la hausse des prix des intrants sur le prix à la consommation, un credo qui contribue largement à sa popularité. Quant à l'argent dégagé par cette opération, Vincent le Stradic nous rappelle que « le marché de prédilection de l'actionnaire professionnel issu de cette fusion restera le Maroc…. Il n'y aura pas d'investissement en dehors du Maroc qui ne soit arrimé à des projets locaux ». Selon un haut responsable de la holding, « les fonds dégagés seront affectés au désendettement du groupe en attendant de nouvelles opportunités d'investissement, avec une priorité pour le Maroc et pour l'Afrique. Mais la vocation de la holding reste d'investir principalement au Maroc ». En conclusion, la lecture de cette opération est avant tout celle d'un événement financier, qui s'inscrit dans une stratégie élaborée en 2008, mise en pratique en 2010 et qui devrait se poursuivre jusqu'au désengagement total de la holding comme stipulé dans sa vision, selon un calendrier fixé par les meilleures opportunités.. Le retour de Danone Avec une part de marché de 60%, la Centrale Laitière est aujourd'hui leader de son marché en dépit de l'existence de 4 concurrents industriels, sans compter les coopératives. Elle a réalisé en 2011 un chiffre d'affaires de 6,6 milliards marquant une croissance, sur une année, de 7% sur un marché à croissance limitée (2%). Après 70 ans d'existence, ce n'est pas un hasard si le fabriquant laitier superforme son marché, d'autant qu'il dispose d'un portefeuille de marques phares bien familières aux consommateurs marocains telles que Raibi Jamila, Yawmy... sans oublier l'emblématique Danone. Cette marque a d'ailleurs imprégné notre culture à tel point que les Marocains appellent «Danone» tous les yaourts, quels que soient leurs producteurs. Une chose est sûre, donc, les Marocains ne seront pas dépaysés.