Le cas récent d'une journaliste à laquelle son employeur a infligé une sanction pour divulgation du secret professionnel alors qu'elle avait révélé des informations concernant ses conditions de travail nous mène à ramener le débat à sa source juridique. Le droit marocain considère la divulgation du secret professionnel comme un délit (art. 446 et 447 du Code pénal) et comme une faute grave (art. 39 du code du travail). L'arrière-plan ou l'ambiance de travail de la belle journaliste et présentatrice du journal télévisé sont loin d'être parfaits, comme le téléspectateur peut bien l'imaginer. C'est ce qui ressort, en tout cas, de la récente déclaration d'une journaliste de la télévision nationale. Celle-ci y décrit en détail son calvaire quotidien au travail, en ne mâchant pas ses mots, défiant les hommes par son courage et sa ténacité. D'ailleurs, bien qu'elle est loin d'être la seule à souffrir de ces mauvaises conditions de travail, elle aura été la seule à prendre le risque de briser le silence et de s'exprimer au nom du collectif. Cette histoire remonte à un meeting syndical organisé pour tirer la sonnette d'alarme contre les conditions du travail des salariés au cours duquel la journaliste avait commencé son intervention par la description du cadre général de la production, signalant ainsi l'inadéquation entre le travail demandé et les moyens fournis. Elle a profité de l'occasion pour faire état de l'environnement de travail peu ambiant, à cause notamment du bruit et du manque de climatisation, mais aussi du manque des moyens de travail tels que les ordinateurs ou les imprimantes… sans oublier l'inexistence d'un espace privé pour le changement des habits. La réaction de l'employeur n'a pas tardé à se faire sentir: il l'a menacée, selon la déclaration de ladite journaliste, en lui infligeant une sanction à cause de la divulgation du secret professionnel. Cet événement bouleversant constitue une occasion pour ramener le débat à sa source juridique. Il en découle de définir le terme du secret professionnel et de définir les limites de la liberté d'expression du salarié. Définition du secret professionnel Selon l'article 24 du code du travail, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour préserver la sécurité, la santé et la dignité des salariés. Dans un article publié dans le soir échos du lundi 21 mai 2012 sous le titre « Médecine du travail quel rôle ? », Nous avions attiré l'attention sur l'imprécision et l'ambiguité de la notion du secret professionnel. C'est en effet un mot valise qui couvre une réalité large et variée, laquelle peut constituer un alibi pour empêcher le salarié de se plaindre contre une situation irrégulière. La délimitation de l'étendue de cette notion demeure donc importante, d'autant plus que le droit marocain la considère comme un délit (voir article 446 et 447 du code pénal) et comme une faute grave (voir l'article 39 du code du travail). En effet, le code pénal considère que la révélation d'une information à caractère secret d'une personne qui en est dépositaire soit par état, soit par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire est une divulgation du secret professionnel. Ceci dit, la divulgation des recettes de fabrication, la communication des bases de données et de la stratégie de l'entreprise sans autorisation sont des exemples de la violation du secret professionnel. Le droit marocain et le secret professionnel Il est évident que le législateur marocain encadre le secret professionnel par un dispositif juridique et ce dans le souci de protéger l'économie et l'industrie nationales. Le Dahir des obligations et des contrats, notamment l'article 231 du code des obligations et des contrats, stipule que tout engagement doit être exécuté de bonne foi et oblige, non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que la loi, l'usage ou l'équité donnent à l'obligation d'après sa nature. Cela étant dit, le salarié est tenu d'exécuter le contrat de travail en bonne foi. Il doit observer, vis-à -vis de son employeur, un comportement loyal et honnête, dépourvu de malice. Ainsi, le salarié est tenu à une obligation générale de discrétion qui lui interdit de divulguer à des tiers (à l'intérieur ou à l'extérieur de l'entreprise) des informations à caractère confidentiel dont il a connaissance du fait de ses fonctions. Le code du travail considère que la divulgation d'un secret professionnel ayant causé un préjudice à l'entreprise est une faute grave pouvant provoquer le licenciement du salarié (voir article 39 du code du travail). Il ajoute, en outre, que le médecin du travail est tenu au secret des dispositifs industriels et techniques et de la composition des produits employés (voir article 323 du code du travail). En sus, les membres du Comité d'entreprise sont tenus au secret professionnel (voir article 468 du code du travail). Le Code pénal, notamment à l'article 446, incrimine l'acte de révélation des secrets confiés aux médecins, chirurgiens ou officiers de santé, ainsi que les pharmaciens, les sages-femmes ou toutes autres personnes dépositaires, par état ou profession ou par fonctions permanentes ou temporaires, hors le cas où la loi les oblige ou les autorise à se porter dénonciateurs, ils sont punis de l'emprisonnement d'un mois à six mois et d'une amende de mille deux cents à vingt mille dirhams. En sus, le code pénal exige dans l'article 447 que tout directeur, commis, ouvrier de fabrique, qui a communiqué ou tenté de communiquer à des étrangers ou à des Marocains résidant en pays étranger des secrets de la fabrique où il est employé, est puni de l'emprisonnement de deux à cinq ans et d'une amende de deux cents à dix mille dirhams. Si ces secrets ont été communiqués à des Marocains résidant au Maroc, la peine est l'emprisonnement de trois mois à deux ans et l'amende de deux cents à deux cent cinquante dirhams.La loi bancaire à son tour cite, dans l'article 79, les personnes qui sont tenues au secret professionnel pour toutes les affaires dont elles ont connaissance. Le cas des conditions de travail Il découle de cette analyse que le secret professionnel est lié notamment à la divulgation, ou à la révélation d'une information secrète (communication de bases de données, des dispositifs industriels et techniques et de la composition des produits, etc.) et à un préjudice subi par l'employeur. Dans le cas cité, l'employeur revendique son droit d'attaquer la salariée-journaliste pour le motif précité. Pourtant, il n'arrive pas à démontrer le caractère secret de l'information divulguée, ni le lien entre cette information et la profession exercée, d'autant plus qu'il n'a pas évalué le préjudice subi. Toutefois, la salariée a le droit de revendiquer à son employeur de s'acquitter de son obligation en matière de sécurité et d'hygiène et ce ,conformément aux dispositions réglementaires, notamment l'article 24 du code du travail qui stipule que, de manière générale, l'employeur est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires afin de préserver la sécurité, la santé et la dignité des salariés dans l'accomplissement des tâches qu'ils exécutent sous sa direction et de veiller au maintien des règles de bonne conduite, de bonnes mœurs et de bonne moralité dans son entreprise . Cela ne va pas sans dire qu'elle ne doit pas utiliser cette information pour nuire à son employeur ou dans un but diffamatoire. Elle doit de même être attentive au canal par lequel elle transmet son message. * Tweet * * *