La galerie Delacroix de Tanger réunit trois artistes, Daniel Buren, Amina Benbouchta et Pierre Gangloff, autour du numérique. Photographie, peinture et nouvelles technologies fusionnent dans un même espace, jusqu'au 31 mai. A la galerie Delacroix de Tanger, Pierre gangloff juxtapose la peinture aux images google, Amina Benbouchta jongle avec les codes de Lewis Caroll et Daniel Buren revisite la technique de la fibre optique tissée et illuminée. Dans l'air du temps, la galerie Delacroix de Tanger s'invite dans l'ère digitale et fait appel à trois artistes de renom, qui adoptent le consensus universel entre art et nouvelles technologies. L'exposition a démarré dans le cadre de la 16e édition du Salon de Tanger, clôturé le 5 mai, dont le thème était le numérique. L'artiste français Daniel Buren, dont on reconnaît immédiatement « l'outil visuel », a revisité, la technologie de la fibre optique tissée, ou le Lytex, matériau novateur développé à Lyon par Brochier technologie. Ces œuvres réalisées en 2007, faites de fibres optiques tissées avec du Led, et percées au laser tous les dixièmes de millimètre, constituent de bandes alternées de 8,7 cm, qui s'illuminent lorsque la lumière les parcourt. Comme à l'accoutumée, l'artiste met en valeur les lieux qui l'accueillent et concoctent des œuvres liées à l'architecture, la perception et les couleurs. Connu pour ses œuvres contemporaines in situ, fraîches et expérimentales, incrustées de bois, de pierre, de béton, de fer, de verre, et d'une bonne dose d'inventivité. L'artiste glane près de 1500 expositions dans le monde, depuis 1967. Les femmes au miroir La Marocaine Amina Benbouchta a exploré un autre vocabulaire, la photographie numérique. Elle a présenté un espace de représentation où des femmes aisées et élégantes sont enfermées dans des univers clos. « La classe sociale, le rang, la beauté ne sont-ils pas des éléments qui aliènent ? Comment retrouver sa liberté personnelle dans cet espace ? Dans notre société, nous sommes constamment écartelés entre l'image que nous voulons donner de soi et la personne que nous sommes réellement », explique-t-elle. Fouillant dans sa propre iconographie, elle a recours à des objets récurrents dans son travail de peinture, se frottant à la thématique de l'enfermement à travers des autoportraits où elle se représente en femme élégante, le visage caché par des objets incongrus. « Les gens en apprennent plus sur moi quand je me mets en scène le visage caché que lorsqu'ils me voient le visage découvert », dit-elle. Dans « Rabbit hole » – en référence au conte de Lewis Caroll – c'est toute la mécanique du miroir que l'artiste tente de démonter, ce « terrier du lapin » qui nous pousse à traverser le miroir pour atteindre d'autres perspectives. « Dans l'univers d'Alice, il y a l'univers archétypal de l'enfance où nous retrouvons les fondamentaux, tout ce qui crée à l'origine une personne, son identité première et ses peurs premières. Ce travail sur ce mythe est le passage vers le monde adulte », poursuit l'artiste. De petits éléments incongrus, un cœur noir brûlé, un lit d'officier doré à la feuille, des oreillers, des cages, des énigmes, de petits clefs sont parsemés dans ses œuvres. Dans cet univers parfait et aseptisé, ces objets créent une rupture graphique, une tension palpable, un décalage et, surtout, des interrogations. « L'univers féminin est ce que je pourrai reconnaître le plus comme point de vue, mais je refuse d'être enfermée dans un archétype. Je suis toujours dans l'universel, tout en partant dela condition qu'on connaît le mieux ». Quant à Pierre Gangloff, troisième pilier de cette exposition, peintre et dessinateur, il juxtapose paysages tirées des images Google et peintures passées au scanner, montant une réalité nouvelle. Ces captations d'écran doublées de paysages peints questionnent la fiabilité du virtuel. Ces paysages nous aident-ils à nous retrouver ou à nous égarer encore plus ? Nos perspectives sont-elles brouillées ? Ces recyclage d'images virtuelles est-il une reproduction qui relève de la magie numérique ou un simple outil déformant ? L'exposition sonde finalement les perspectives du digital versus l'art et démontre que ce dernier épouse indéniablement son langage et se fond dans ses codes. Un virage que le Maroc n'a pas encore pris, une manœuvre qui ne saura tarder. * Tweet * * *