Cette action ne constitue pas un simple phénomène, mais sonne le glas d'une époque, marquée par une accalmie consensuelle au sein de l'entreprise. L'origine de cette histoire remonte en effet à mars 2010. L'entreprise reçoit plusieurs réclamations des clients (retards de livraison, manque et défection de marchandises…), elle décide unilatéralement d'installer un système de contrôle à distance GPRS pour l'ensemble de son parc automobile et des caméras de surveillance au sein des locaux de la société et ce, sans consulter les délégués des salariés. Après l'installation de ces outils, l'entreprise commence à suivre de bout en comble les actions des salariés et ce, sans qu'ils le sachent. Un jour la caméra de surveillance enregistre un salarié en flagrant délit (vol), le chef d'entreprise le convoque de suite pour lui montrer l'enregistrement, celui-ci n'a pas avalé le coup d'autant plus qu'il est membre du bureau syndical, il proteste et informe ses collègues de bureau. Ces derniers proposent à la direction dans un premier temps un règlement à l'amiable du conflit surtout que l'entreprise n'a pas informé le salarié de l'existence de cette caméra, mais la société reste intransigeante sur sa position. Ce conflit individuel dégénère en un conflit collectif qui coûtera à l'entreprise une perte importante. Les limites du contrôle à distance des salariés L'idée de surveiller et de contrôler le travail ou le rendement des salariés est une idée ancienne, acceptée et ancrée dans les mentalités, mais elle a été toujours objet de débat et de controverse notamment après le développement de nouvelles technologies de contrôle par GPRS, Caméra, logiciel… etc. Le conflit évoqué en haut révèle un vide juridique énorme et suscite un débat passionnant. D'une part les employés qui revendiquent l'utilisation de ces moyens en vertu d'un droit constitutionnel, à savoir la liberté d'entreprendre, et d'une autre part les salariés qui exigent le respect de leur liberté personnelle. Il découle de cette analyse les questions suivantes : L'employeur a-t-il le droit d'utiliser ces outils technologiques pour contrôler les salariés ? Leur utilisation ne porte-t-elle pas un préjudice à la liberté privée du salarié ? Constituent-ils enfin une preuve valable pour établir la faute du salarié ? En principe, le code du travail n'interdit pas l'utilisation de la nouvelle technologie pour le contrôle des salariés, mais il stipule en outre que l'employeur est tenu au moment de recrutement de respecter la vie privée des intéressés en se limitant aux seules indications relatives à leurs aptitudes et à leur expérience professionnelle (Voir479). Il s'agit ici d'une disposition générale qui ne pourra pas être limitée au recrutement, mais elle concerne également tous les aspects et les étapes de la relation du travail (exécution et extinction du contrat). Cela étant, l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction et de gestion peut utiliser la nouvelle technologie pour la gestion et le contrôle des salariés notamment s'il s'agit de certaines activités sensibles : transport d'argent, des produits chimiques, fabrication d'armes…. etc. Cependant, le recours à ces moyens de contrôle ne doit pas engendrer une nouvelle situation lourde de conséquences pour le salarié : restriction de déplacements à l'intérieur ou à l'extérieur de l'entreprise, mettre en péril la liberté d'expression et de critique et l'exercice de la pression morale sur les salariés. Le faux usage de ces moyens en vue de s'immiscer dans la vie privée est considéré comme faute grave de l'employeur. En sus, l'employeur est tenu de consulter les délégués des salariés et le représentant syndical ou les salariés avant l'installation de ces moyens de contrôle, il doit également les informer sur les lieux de fixation et la procédure d'utilisation de ces appareils. La preuve de la faute grave et le vide juridique Il faut bien noter qu'au Maroc il n'y a pas une loi, comme c'est le cas par exemple en France, qui précise les conditions de l'utilisation des systèmes de surveillance et de contrôle dans le lieu du travail. Il résulte de ce constat que le recours à la nouvelle technologie pour établir la faute du salarié est improductif. Le juge social ne considère pas les enregistrements de la vidéo-surveillance ou les autres systèmes de contrôle comme preuve valable pour la proclamation de la faute grave. Toutefois si l'employeur pense que des activités portent atteinte à l'entreprise ou d'autres activités illégales sont en cours, il peut mener des investigations en interne et il peut également avertir les autorités chargées de l'instruction pour mener des investigations et ce, avant de prendre une quelconque mesure de surveillance. Il s'ajoute à cela que la consultation de supports de données privées (émail, clés USB… ) est interdite sauf s'il obtient l'accord du salarié. Cela étant, l'employeur qui ne respecte pas cette disposition, est susceptible d'être intenté en justice pour violation de la vie privée du salarié. Pour conclure, l'entreprise ne pourra pas licencier le salarié en l'absence d'une loi qui précise l'utilisation de ces moyens de contrôle d'autant plus qu'elle n'a pas informé les salariés soit à titre individuel ou collectif. Un arrêt rendu par la Cour de cassation en France (Arrêt du 7 juin 2006) a estimé que la vidéo-surveillance ne constituait pas une preuve licite dans le cas où le comité d'entreprise était ignorant de la présence du système dans les locaux.