En septembre 2009, les festivités du 40e anniversaire de la révolution libyenne avaient fait accourir à Tripoli des personnalités politiques des quatre coins de la planète. Il y eut, quelques jours plus tard, le discours fleuve devant l'Assemblée générale de l'ONU à New York. Samedi dernier, à Syrte, Mouammar Kadhafi préside une nouvelle tribune devant les chefs d'Etat arabes. Il s'est agi cette fois d'une réunion fraternelle: le «guide» a accueilli ses pairs de la région pour le 22e Sommet des Etats de la Ligue arabe. Quatorze chefs d'Etat, dont le colonel Kadhafi, M. Abbas de l'autorité palestinienne, Abdallah II de Jordanie, l'émir du Koweït Sabah al-Ahmad Al-Sabah, les présidents algérien et mauritanien, Abdelaziz Bouteflika et Mohamed Ould Abdelaziz, le yéménite Ali Abdallah Saleh ainsi que le Soudanais Omar El-Béchir et le Syrien Bachar Al-Assad, ont participé au sommet. Le Premier ministre turc, le secrétaire général de l'ONU et le chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi, ont également été invités. Une rencontre entre frères, mais souvent frères ennemis. Tout juste opéré de la vésicule biliaire en Allemagne, l'Egyptien Hosni Moubarak n'a pas été de la partie. Il a été représenté par le Premier ministre Atef Ebeid. Mais les autres absents, le président du Yémen, le sultan d'Oman ou le roi Abdallah d'Arabie saoudite ne l'ont pas été pour des raisons de santé. Les relations entre Riyad et Tripoli ont toujours été mauvaises. Les rapports sont tout aussi mauvaise entre le régime Kadhafi et le Liban depuis la disparition mystérieuse en 1978, en Libye, du chef spirituel chiite Moussa Sadr. Beyrouth n'a envoyé à Syrte que son ambassadeur au Caire. Quant au Maroc, il a été représenté par le prince Moulay Rachid. Erdogan : «Considérer AlQods comme capitale indivisible de l'Etat hébreu, comme le fait Israël, est une folie». Inaugurant le sommet, le colonel Kadhafi a appelé les Arabes à agir. «Les masses arabes et le peuple en ont assez des mots», a-t-il dit. «Ils attendent de l'action, pas des mots ni des discours», faisant allusion à la colonisation d'Al Qods- Est. «Nous ne pouvons pas tenir des négociations indirectes tant qu'Israël n'arrête pas totalement ses activités de colonisation à Al Qods et ne met pas fin à sa politique du fait accompli», a déclaré Mahmoud Abbas. «L'Etat de Palestine n'aura aucun sens si Al Qods n'est pas sa capitale», a-t-il souligné, appelant les pays arabes à «sauver Al Qods». Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, convié au sommet, a estimé que considérer AlQods comme la capitale indivisible de l'Etat hébreu, comme le fait Israël, est une «folie». Les pays arabes ont écarté tout soutien à la reprise des négociations sans un gel de la colonisation, bien que le Secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon, également présent à Syrte, les y ait appelés, tout en condamnant la colonisation israélienne. En attendant, une aide de 500 millions de dollars a été allouée à l'Autorité palestinienne par la Ligue Arabe. Amr Moussa a pour sa part également averti que la poursuite des constructions israéliennes sur des terres revendiquées par les Palestiniens pour un futur Etat palestinien pourrait faire échouer le processus de paix une bonne fois pour toutes. Le Secrétaire général de la Ligue arabe a dévoilé son projet pour renforcer les liens avec l'Iran, évoquant notamment la mise en place d'un forum pour la coopération régionale et la résolution des conflits avec l'Iran et la Turquie. «Je me rends compte que certains sont inquiets au sujet de l'Iran et c'est exactement pour cela que le dialogue est nécessaire», a estimé Amr Moussa, dont la proposition pourrait compromettre les efforts déployés par les Etats-Unis et Israël pour isoler Téhéran. Certaines puissances occidentales tentent actuellement de pousser à de nouvelles sanctions contre l'Iran, qu'ils suspectent de vouloir développer l'arme atomique. La volonté du monde arabe de se rapprocher de l'Iran pourrait être motivée par sa frustration face à l'incapacité des Etats-Unis à forcer Israël à renoncer à ses projets de construction à Al Qods-Est et en Cisjordanie, et à faire avancer le processus de paix au Moyen-Orient. Baptisé « Sommet du soutien à la résistance d'Al Qods occupée», le 22e sommet arabe se proposait d'afficher une attitude ferme vis-à-vis d'Israël en adoptant notamment la position du comité de suivi de l'initiative arabe de paix qui exige l'arrêt de la colonisation à Al Qods avant toute négociation entre Palestiniens et Israéliens. Mais avec ce qui vient de se passer, il est peu probable que le monde accorde ne serait-ce qu'une once de crédit à ses résolutions. Et comme chaque fois, elles resteront lettre morte.