L'année 2012 sera critique et nous serons confrontés à plusieurs défis conjoncturels. Il y a une incertitude par rapport à nos principaux marchés émetteurs. Une baisse de la demande dans les voyages sera manifestée». Cette prévision inquiétante émane de l'actuel ministre du Tourisme Lahcen Haddad. Une déclaration qui marque une rupture avec les discours trop optimistes et décalés de la réalité de son prédécesseur, Yassir Zenagui. Ce fut lors de la présentation du bilan du secteur en 2011. Ainsi, pour faire face à ce vent de panique qui pourrait régner sur le secteur en 2012, les professionnels ont demandé une rallonge du budget de l'ONMT (Office national marocain du tourisme) comme en 2009. Réponse du ministre: « C'est très difficile d'avoir une rallonge du budget de l'ONMT au vu des finances publiques qui accusent d'énormes déficits. Le budget réservé à notre ministère n'a pas été la hauteur de nos ambitions et nous allons encore mettre la pression pour pouvoir négocier notre budget». Si Haddad demeure réaliste par rapport à l'état critique du secteur, il hérite également d'un département en panne. Entre une opérationnalisation de la Vision 2020, qui a tardé à voir le jour, des actions timides de la part de l'ONMT et une non-concertation avec les professionnels, le ministre aura la tâche lourde de redresser la barre et maintenir les parts de marché de la destination Maroc. Nuitées en baisse Ceci-dit, par rapport au bilan 2011, le ministère nous apprend qu'à fin 2011, le Maroc a enregistré plus de 9,34 millions d'arrivées aux postes frontières, en augmentation de 1% par rapport à l'année précédente. Les recettes globales, pour leur part, ont augmenté de 4% par rapport à 2010, pour atteindre un total de 59 milliards de dirhams. De son côté, la capacité litière a augmenté de 12 500 lits additionnels dont 31% réalisée seulement à Marrakech. Si les arrivées ont stagné, c'est à cause des 64% des arrivées perdues suite à la baisse des marchés français, espagnol et italien. Résultat, une baisse des nuitées de 6% représentant 16,9 millions de nuitées. Dans le détail, 51% des nuitées perdues sont dues au marché français, 14% au marché espagnol et 11% aux marchés allemand et scandinave. En revanche, 63% des nuitées additionnelles sont générées par les résidents. C'est dire l'importance du tourisme interne dans le secteur, puisqu'il a pu sauver le tourisme marocain d'une véritable crise en 2011. Fès en crise Par destination, c'est la ville de Fès qui a accusé le coup en termes de baisse de nuitées avec une chute drastique de 22%, suivie par Meknès qui a enregistré une baisse de 15% et puis Marrakech avec des nuitées en baisse de 9%. Conséquence directe de la perte de vitesse à la ville ocre, 42% des nuitées ont été perdues sur le plan national. Autre élément important pour les hôteliers, le taux d'occupation. L'année 2011 a commencé par voir ses taux d'occupation augmenter d'environ 5 points durant les deux premiers mois. A fin décembre, le taux d'occupation a chuté de 3 points. Cette chute résulte de la concurrence déloyale du secteur informel. En témoigne une enquête réalisée par l'Observatoire du tourisme sur 10 000 personnes au niveau de l'aéroport Marrakech Ménara. L'enquête nous apprend que plus de la moitié des touristes étrangers qui arrivent à l'aéroport fréquentent les établissements d'hébergement touristique classés (58%). En deuxième position, on retrouve les maisons d'hôtes avec 27% de part de marché. 2% des touristes optent pour la location. Pas d'aérien, pas d'arrivées! Sur un autre registre, et pour ne pas rassurer les professionnels marocains, face a la récession, la dernière saison Hiver 2011/2012 a connu la suspension de plusieurs routes aériennes (spécialement sur l'Europe), de la part des compagnies régulières et low-cost. L'état économique des distributeurs a entraîné également une baisse de leur engagement sur plusieurs destinations. De plus, la réduction de la capacité aérienne sur plusieurs marchés émetteurs entrainera des baisses significatives en termes d'arrivées touristiques et des nuitées en 2012. De ce fait, il y aura une baisse considérable en termes de dessertes, que ce soit de la part des compagnies low-cost ou celles régulières. A titre d'exemple, la RAM a déjà procédé à plus de 30 suppressions de vols directs entre le Maroc et les 6 marchés émetteurs qui réalisent environ 80% des arrivées au Maroc. Vent de panique chez les distributeurs Les principaux distributeurs de la destination Maroc sont en peine. En Espagne, face à l'importance du chômage, les départs d'Espagne sont en net recul sur toutes les destinations. Le secteur de la distribution, tous TO confondus, réduit ses effectifs portant sur 2 800 emplois. En Italie, Ventaglio a déposé le bilan, Valtours (équivalent Club Med) a fermé 10 villages dans le monde, dont celui d'Agadir. Francorosso Alpitours, 1er TO sur le Maroc, a été vendu à un fonds d'investissement italien. En Grande-Bretagne, Thomas Cook, 1er TO anglais coté enBourse et 2nd européen, enregistre une perte record de 8 milliards de dirhams. Il vient d'être recapitalisé par ses banques et réduit ses capacités à travers le monde de 35%. Du côté de l'Allemagne, le géant TUI, leader mondial, procède à 3 000 licenciements à travers l'Europe pour revenir à l'équilibre. Sur les 9 premiers mois de l'année, son résultat d'exploitation a enregistré une perte de 3 milliards de dirhams. Ainsi, 2011 a été une année noire pour le secteur, puisque 41 voyagistes ont mis la clé sous la porte. Et 2012 s'annonce déjà sous le signe de la déprime.