S'il y a un officiel marocain dont les discours sont toujours optimistes, c'est bien le conseiller du roi André Azoulay. Mais lors de la dernière réunion annuelle des agences de voyages tenue à Essaouira, le mot d'ouverture qu'il a tenu à présenter, cachait une profonde amertume. Un sentiment légitime que ce célèbre Souiri éprouve en voyant des pans entiers de l'histoire de sa ville se réduire en poussière. «300 maisons du mellah ont été rasées au bulldozer et même le rempart qui protégeait les murailles de la Médina et ses demeures, des vagues de l'Atlantique», nous indique-t-il en aparté. Pour le gouverneur d'Essaouira, Nabil Kharroubi, les habitations détruites étaient irrécupérables. Il fallait donc les raser, et tant pis pour le patrimoine historique de plusieurs siècles. Le problème de l'effondrement du rempart est encore plus grave. Il menace la viabilité de dizaine de demeures dans la Médina. Ce n'est pas une sonnette d'alarme bruyante qu'Azoulay a tenu à tirer, par rapport à ces évènements qu'il n'a d'ailleurs pas dénoncés en public ; en s'adressant à des centaines d'urbanistes et d'architectes, le conseiller du roi a mis en avant l'approche avant-gardiste que le sultan Mohamed Ben Abdallah et son architecte Ahmed El Alj avaient adoptée pour la conception urbanistique de la ville de Mogador. «Il faut intervenir avant que l'irréparable ne se produise», lance Azoulay. Une approche citée en exemple et adoptée dans plusieurs agglomérations européennes. Ensuite, c'est un cri de cœur qu'Azoulay a lancé face à l'assistance. «Il faut intervenir avant que l'irréparable ne se produise», lance-t-il en concluant son discours. Il rappelle aussi la phrase célèbre d'un grand romancier français, «Essaouira ville à vendre». En faisant un tour dans les ruelles de la ville, il apparaît clairement que cet irréparable dont parle Azoulay, n'est pas loin de se produire. Ni les dix années du Festival des Gnaouas ni les projecteurs des médias braqués sur la ville n'ont pu améliorer sensiblement les conditions des habitants de la Médina. Avec ceux de la Médina de Safi, ces derniers vivent dans les pires conditions dans un tissu ancien, comme le confirment des sources internes au ministère de l'Habitat. Malgré cela, le Souiri dévoué qu'est Azoulay tient à préciser que son discours n'est en aucun cas un signe de pessimisme. Il garde espoir en l'amélioration de la situation de la ville et la préservation de son patrimoine historique. Le conseiller du roi ne serait-il pas en mesure de faire jouer son réseau mondial pour mobiliser des fonds en vue de sauvegarder sa ville natale ? «Nous n'avons besoin de l'aumône de personne. C'est notre patrimoine et nous saurons comment le préserver», s'exclame-t-il. Kharroubi avait promis de remettre à plat les plans de restructuration de la Médina et de mettre en place une nouvelle stratégie salvatrice. Mais rien, pour le moment, n'est encore fait.