Suite à la saisie conservatoire de deux ferrys la semaine dernière, le CCAM met en garde l'Etat sur la situation critique que le secteur du transport maritime traverse. Les chiffres sont inquiétantset le secteur est au bord du gouffre à cause d'une libéralisation mal accompagnée. Le secteur maritime et portuaire marocain est en mauvaise passe. Et le Comité central des armateurs marocains (CCAM), l'un des lobbys du secteur, compte faire entendre sa voix. «Le CCAM appelle solennellement le gouvernement marocain à une intervention urgente pour sauver le secteur maritime au Maroc qui emploie d'une manière directe plus de 5 000 personnes», indique-t-il dans un communiqué publié le dimanche dernier. Cette sortie du comité intervient au lendemain de la saisie conservatoire de deux navires marocains, Biladi et Marrakech assurant la liaison maritime entre le port de Tanger Med et le port de Sète par des créanciers (fournisseurs de carburant) des armateurs Comarit et Comanav. La cause, le non paiement de factures de carburant représentant 3,2 millions d'euros. Et ce n'est pas la première fois que la Comarit subit cette saisie. Si le leader du transport à passagers au Maroc traverse une grave crise depuis l'année dernière, c'est que le secteur vit mal, très mal sa libéralisation qui a été initiée en 2007. En tout cas ce n'est pas Samir Abdelmoula, PDG de la Comarit ou encore Abdelaziz Rabbah, l'actuel ministre du transport et de l'équipement, que le Soir Echos a essayé de joindre, qui diront le contraire. Le secteur est au bord du gouffre et à l'image du transport aérien, le transport maritime traverse un tsunami sans précédent. Le prix de la libéralisation Finie l'époque de gloire des années 80, quand le pays disposait d'une flotte importante de 66 navires avec une capacité de chargement de 660 000 tonnes. En 30 ans, 40 navires se sont évaporés et le Maroc compte actuellement 26 en d'une capacité de chargement de seulement 120 000 tonnes. Et la situation est devenue encore plus critique avec la libéralisation du secteur en 2007. A l'image de la RAM qui a pâti à cause de l'arrivée des compagnies low-cost, les armateurs marocains se sont retrouvés du jour au lendemain face à des entreprises étrangères très compétitives. Résultat : plus de 70% du chiffre d'affaires du secteur du transport maritime et le secteur portuaire est accaparé par ces entreprises, soit environ 19 milliards de dirhams. Pire, ces entreprises sont installées dans des paradis fiscaux, en l'occurrence le Liberia et le Panama et ne font pas bénéficier le Maroc de leurs profits. «Aujourd'hui, si aucune mesure n'est entreprise par les autorités de tutelle, le Royaume sera sans aucun moyen naval pour couvrir le transport maritime de plus 70 Millions de tonnes de marchandises de ses échanges avec l'extérieur, 4 Millions de passagers et 660 000 véhicules qui entrent au Maroc annuellement par voie maritime et dont 2,5 millions de MRE qui préfèrent la traversée maritime pour se rendre dans leur pays en raison de son rapport qualité/prix très avantageux pour les familles marocaines», met en garde le CCAM. Monopole des compagnies étrangères En effet, à quelques mois du début des préparatifs de l'opération de transit 2012, « les MRE risquent d'annuler leur voyage au Maroc en l'absence d'un moyen de transport économique qui leur assure les meilleures conditions pour une traversée confortable », déclare le comité. Faisant ainsi perdre aux armateurs un chiffre d'affaire très conséquent. cette situation profitera pleinement aux compagnies maritimes étrangères et imposeront leur monopole sur le marché du transport des passagers puisqu'elles détiennent plus de 90% du marché du transport maritime de marchandises, à titre d'exemple, au Maroc, selon la même source. Un bémol pour un secteur qui réalise la quasi-totalité des échanges extérieurs du royaume et qui empêcherait le Maroc d'avoir une souveraineté de ce secteur névralgique. De ce fait, le comité rappelle « la nécessité pour le Maroc de sécuriser par ses propres moyens maritimes une partie de ses échanges de biens avec l'extérieur et le transport de masse de ses MRE, en initiant une nouvelle politique maritime », capable de lui assurer des acteurs nationaux compétitifs. « Il ne suffit pas de libéraliser tout un secteur, profiter des flux et capitaux étrangers sans une mise à niveau du secteur en question et une adaptation à la concurrence qui suit cette libéralisation », nous déclare un économiste. Et d'ajouter, «Le secteur maritime subit la même conjoncture défavorable que vit actuellement la RAM. Il est urgent de signer un contrat-programme avec l'Etat et les représentants de ce secteur pour les sauver. Si l'Etat aurait accompagné cette libéralisation, on ne serait jamais arrivé à cette crise ». Pour rappel, les entreprises opérant dans le transport maritime sont encore régies par le cadre législatif du code du commerce maritime de 1919. Un texte qui date d'environ d'un siècle. Aberrant ! Ce qu'il faut faire ! Le réseau des associations maritimes et portuaires du Maroc ont formulé plusieurs mesures à prendre d'urgence pour sauver le secteur maritime et portuaire. La principale mesure est d'ordre législatif, puisqu'il faudra opérer une refonte de l'ensemble de l'arsenal législatif et réglementaire qui régit l'activité. Ensuite, une équité fiscale entre les opérateurs nationaux et étrangers, une meilleure gouvernance publique, la signature d'un contrat programme avec l'Etat dans la perspective d'avoir une part de marché à l'horizon 2017 d'au moins 35% (sur les 34 milliards de dirhams du chiffre d'affaire prévue en 2017, au moins 12 milliards soient captés par des opérateurs nationaux) et la création de 10 000 emplois additionnels. Ceci sans oublier qu'il conviendra de préserver la compétence maritime au Maroc et son expertise maritime qu'il faudra consolider.