La plupart des patrons ont tendance à voir dans les conflits au travail uniquement une source de désordre qu'il faut dissoudre au plus vite. Cependant, l'expérience démontre que lorsque les tensions sont bien gérées, elles contribuent de manière positive à la régulation sociale. La majorité des patrons et des décideurs considèrent les conflits au travail uniquement comme source de désordre. Ils le vivent comme une maladie qui vient perturber l'équilibre naturel de l'entreprise et qu'il faut donc éliminer. Pourtant, il peut jouer un rôle très important dans la régulation sociale en l'absence de coopération, ce que démontre l'histoire de plusieurs grandes entreprises marocaines. Les mécanismes de la gestion des conflits en interne Le code du travail incite les partenaires sociaux à établir une relation de travail basée sur la coopération, la négociation et le respect mutuel. Il exige la reconnaissance et le renforcement de la liberté syndicale au sein de l'entreprise (voir article 9). Certaines spécialistes — notamment les professeurs Gérard Donnadieu et Jean Dubois — exigent même d'aller plus loin que la reconnaissance formelle et de la doubler d'une affirmation explicite qui constitue un engagement personnel de la part du chef d'entreprise. En vue d'anticiper et de réguler les conflits du travail à l'intérieur de l'entreprise, le code du travail prévoit certains mécanismes, à savoir l'élection des délégués des salariés, la désignation du représentant syndical au sein des entreprises qui emploient 100 salariés et plus, la constitution d'un comité d'entreprise et d'un comité d'hygiène et de sécurité pour les entreprises qui emploient 50 salariés et plus, la décentralisation de la négociation collective au niveau de l'entreprise ainsi que l'extension de son champ à des thèmes novateurs comme la flexibilité organisationnelle et le partage du travail.Le bon fonctionnement des institutions représentatives mentionnées plus haut permet à l'entreprise de gérer les relations conflictuelles en interne, sans aucune intervention externe. Il permet aussi au salarié d'avoir un espace de dialogue et de concertation au sein de l'entreprise et, enfin, il évite le recours à des stratégies de confrontation violentes et coûteuses. C'est dans cette perspective de gain mutuel que les entreprises doivent s'efforcer de reconnaître et de renforcer le partenariat, faciliter la communication des représentants avec les salariés, développer la négociation et faire évoluer les instances de représentation.Il y a lieu de signaler enfin que certains chefs d'entreprise traditionnels, attachés à leur autonomie de décision, voient dans l'adoption et le fonctionnement de ses institutions une menace pour le maintien de leur pouvoir traditionnel ; ce qui est indéniable dans la mesure où la mise en œuvre de ces institutions ne peut être envisagée sans une transformation du mode de management et des rapports de pouvoir au sein de l'entreprise. Les mécanismes de la gestion des conflits en externe En cas d'échec de la négociation ou à défaut de l'existence de mécanismes internes pour le règlement des conflits, les partenaires sociaux peuvent choisir l'une des méthodes suivantes : la conciliation, l'arbitrage ou la médiation. Le code du travail a ainsi créé deux modes de règlement des conflits collectifs. Il stipule dans son article 549 que « les conflits collectifs au travail sont réglés conformément à la procédure de conciliation et d'arbitrage ». La conciliation est un mode alternatif de résolution des conflits, mis en œuvre lorsqu'une négociation directe a échoué ou n'apparaît pas possible. Elle suppose l'intervention d'un tiers (dit facilitateur) pour permettre de réussir là où la négociation directe a échoué (cf guide pratique de la conciliation élaboré par le ministère de l'Emploi et de la formation professionnelle 2008). Le code du travail précise dans l'article 551 que « tout différend de travail susceptible d'entraîner un conflit collectif fait l'objet d'une tentative de conciliation devant le délégué chargé du travail auprès de la préfecture ou de la province, de l'agent chargé de l'inspection du travail, de la commission provinciale d'enquête et de conciliation ou devant la commission nationale d'enquête et de conciliation ».En vertu de l'article 568 du code du travail, l'arbitrage est confié à un arbitre choisi en commun accord par les parties du conflit parmi celles figurant sur une liste établie par arrêté du ministre chargé du Travail sur proposition des organisations professionnelles des employeurs et des travailleurs les plus représentatives. Les décisions de l'arbitre doivent être motivées et notifiées par lettre recommandée aux parties ; elles sont susceptibles de recours pour excès de pouvoir ou pour violation de la loi devant la cour suprême.Le code du travail n'a pas établi la médiation en tant que mode alternatif de règlement des conflits collectifs au travail. Pourtant, les parties en conflit peuvent choisir ce mode de règlement des conflits et ce conformément au code de la procédure civile.Dans ce cadre, l'article 327-55 stipule qu'«afin de prévenir ou de régler un différend, les parties peuvent convenir de la désignation d'un médiateur chargé de faciliter la conclusion d'une transaction mettant fin au différend». En conclusion, le conflit, comme le signale le sociologue Allemand G. Simmel, demeure latent dans la paix et la paix est latente dans le conflit.