Une enquête menée par Global Rights révèle que sur les 75 173 contrats de mariage examinés, seuls 822 comportaient des clauses additionnelles, avec seulement 36 présentant un accord annexe sur les relations financières. Rares sont les couples marocains qui négocient un contrat de mariage dans lequel chaque conjoint impose ses conditions. C'est ce qui ressort de l'étude réalisée par le Bureau régional Maghreb de l'ONG internationale Global Rights auprès des tribunaux et des mairies. L'enquête, menée également en Algérie et en Tunisie, révèle que « sur les 75 173 contrats de mariage étudiés au Maroc, uniquement 822 comportaient des clauses additionnelles et seulement 36 avaient un accord annexe sur les relations financières entre époux tel que prévu par l'article 49 du code de la famille ». Bien que la loi accorde le droit aux deux conjoints d'ajouter dans leur contrat de mariage des clauses négociées en vue de protéger leurs droits, ils sont rares ceux qui en profitent. Les raisons avancées par l'ONG sont « les attitudes de certaines autorités locales ainsi que les procédures actuelles de mariage », qui, selon elle, découragent les femmes de faire appliquer leurs droits légaux. Les juges et les adouls, contre cette mesure « Nous avons mené l'étude auprès des autorités locales. Nous avons rencontré des juges et adouls, seuls habilités à conclure un acte de mariage. Nous avons alors constaté que la majorité des adouls et des juges sont contre cette mesure prévue par la loi. Selon eux, le mariage est un lien sacré et ne doit pas débuter avec des conditions », note Saïda Kouzzi, juriste au Bureau régional Maghreb de Global Rights. Et d'ajouter : « Certes, d'autres juges ont exprimé leur adhésion à cette mesure qui, selon eux, facilite même la tâche pour le juge en cas de conflit entre les deux époux. Cependant, les juges et les adouls n'y sont pas dans leur majorité favorables ». Par ailleurs, d'après Saïda Kouzzi, les procédures de mariage actuelles n'encouragent pas non plus les femmes à inclure dans le contrat de mariage des clauses qui protègent leurs droits. « La conclusion du contrat de mariage se fait le jour de la cérémonie à la maison en présence des membres de la famille des deux époux. Impossible de s'isoler avec la mariée et le mari dans une chambre pour négocier les conditions de chacun. Même le timing ne facilite pas la chose. Les deux époux sont occupés par la fête ». Autre contrainte relevée par l'ONG : la charge de travail pour les adouls dans les zones rurales. « L'adoul devra conclure plusieurs actes de mariage dans une région rurale. Il est difficile pour lui d'accorder à chaque couple le temps nécessaire pour lui expliquer cette mesure ». L'absence d'un formulaire-type de contrat de mariage, avec des clauses obligatoires, constitue une entrave pour les femmes à exercer leurs droits, déplore l'ONG. Clauses les plus récurrentes Par ailleurs, l'étude menée par Global Rights révèle que « les clauses les plus récurrentes ont été celles qui portent sur le droit de l'épouse à travailler et à poursuivre ses études », des droits humains fondamentaux qui sont déjà consacrés par la Constitution, souligne l'ONG. Les autres clauses récurrentes portent sur « un domicile conjugal indépendant de la belle famille, la monogamie et la prise en charge des enfants nés de mariages précédents ». Dans son rapport, Global Rights ne manque pas d'exprimer son indignation quant à l'existence de certaines clauses imposées par le mari comme le fait d'interdire à sa femme de travailler ou à renoncer à tous ses droits financiers en cas de divorce ou le fait qu'elle ne sortira pas de la maison sans sa permission ». La mesure prévue par la loi, rappelle l'ONG, est censée protéger les droits des femmes. Or, certains époux l'utilisent pour priver leurs femmes de leurs droits. « Les hommes profitent de cette mesure plus que les femmes. Ils l'utilisent même pour limiter les droits de la femmes », constate Saïda Kouzzi. Pas loin du Maroc, en Algérie, sur les 24 703 contrats examinés, seuls 1 955 avaient des clauses stipulées et uniquement 36 un accord sur les biens matrimoniaux. En Tunisie, 463 couples sur 1030 ont conclu un contrat stipulant la communauté des biens.