En 2009, lors de son discours du Caire, le président Obama avait appelé à un rassemblement des entrepreneurs pour contribuer à améliorer les relations entre les Etats-Unis et le monde arabo-musulman. Quelques mois plus tard, le premier sommet de l'entrepreneuriat vit le jour à Washington. Du 3 au 6 décembre, c'est à Istanbul que se tient la deuxième édition. Avec des représentants de tout le monde arabo-musulman, placé sous le thème « les défis globaux de l'entrepreunariat à travers ses valeurs et son développement », le second sommet aura attiré beaucoup de monde. Plus d'une cinquantaine de pays dont les représentants partagent l'idée selon laquelle les entrepreneurs peuvent jouer un rôle essentiel dans la relance mondiale et servir d'éclaireurs aux politiciens. Le premier ministre Recep Tayyip Erdogan, en convalescence, a fait lire son allocution, Joe Biden le vice-président américain a fait un discours lyrique tandis que Sultan bin Saeed Al Mansoori, ministre de l'économie des UAE a invité les participants à la prochaine édition du sommet qui sera hébergée par son pays. Le contraste était fort entre le discours turc, où l'on sentait un effort de retenue, et celui du vice-président américain, qui, dès l'ouverture, a décidé de ne pas parler de la situation économique de son pays, tout en invitant les participants à s'engager massivement dans des réformes qui serviraient la démocratie, mais aussi les Etats-Unis, « nous tirons profit de la stabilité de vos pays et de votre développement, au même titre que la démocratie » a-t-il avancé. Citant plusieurs fois Steve Jobs, il a invité les participants à « penser différemment » et rappelé l'engagement de son pays auprès de la promotion des entrepreneurs qui peuvent amener le développement et la démocratie; en insistant sur le rôle des femmes et la place particulière que leur accorde l'équipe du président Obama. Le choix d'Istanbul pour ce second sommet n'est pas fortuit pour le Premier ministre Erdogan. La Turquie, au cœur de l'Histoire et du monde moderne est le lieu qui se prête le mieux à la promotion de l'entrepreunariat. Rappelant qu'il y a vingt ans à peine, la compétitivité du pays était encore faible, mesurant les efforts réalisés durant cette période, il a exprimé le souhait que le XXIe siècle soit celui d'un développement harmonieux entre l'Est et l'Ouest plutôt que celui des conflits. Croissance supérieure à 4% Avec son classement au 16e rang des économies mondiales, l'explosion de ses exportations avec plus de 20% en pleine crise mondiale, et la récente sortie de l'agence Moody's qui évoque la possibilité de relever la note du pays s'il maintient le cap des réformes, la Turquie a décidément le vent en poupe. La Turquie, au cœur de l'Histoire et du monde moderne est le lieu qui se prête le mieux à la promotion de l'entrepreneuriat. Lors de son allocution, Sultan bin Saeed Al Mansoori a rappelé les fondamentaux de son pays dont le modèle est vanté à grande échelle. Avec une économie ouverte, la deuxième du monde arabe en taille, un PIB de 270 milliards de dollars en 2010, une inflation inférieure à 1% et une croissance supérieure à 4% à laquelle l'industrie pétrolière ne contribue qu'à 30%, le prochain objectif des UAE est de faire contribuer l'économie de la connaissance à 5% du PIB d'ici 2021. Mais le cœur du sujet de ce sommet a été dévoilé par Ali Babacan, le vice-ministre de l'Economie turc: la jeunesse, principal atout de la région. Jeunesse qui sera le fil conducteur de la plupart des intervenants. Pour Babacan, il est impératif d'assurer l'éducation et la formation de la plus grande ressource du monde arabo-musulman pour éviter qu'elle ne devienne son principal fardeau. Estimée à plus d'un milliard de moins de 25 ans, elle est le réservoir de croissance de la région. Pour y arriver, le respect de la loi et de la liberté, des attentes, mais aussi l'abolition des frontières pour faciliter les déplacements et par conséquent les échanges commerciaux sont les éléments de base de toute politique. Revenant sur les dix dernières années, c'est-à-dire depuis l'accession de l'AKP au pouvoir, Babacan a également rappelé que cette expérience a prouvé la compatibilité de l'islam et de la démocratie. L'Europe, dont le modèle est en crise a également fait l'objet de quelques saillies notoires. La crise de 2008 et sa gestion par les différents Etats a remis en cause leur crédibilité mais le principal handicap du vieux continent est son manque de volonté politique, de courage et de leadership au profit d'egos. Nouveau modèle socio-démocrate Ironie de l'Histoire, l'ancien vieil homme malade de l'Europe se retrouve aujourd'hui en position de donneur de leçons, même s'il s'en défend. En mettant en avant son fort leadership, la confiance dans les institutions et la claire répartition des rôles ainsi que l'adéquation parfaite entre les promesses et les réalisations, la Turquie avec 9% de croissance en 2010 et un peu plus de 7% cette année semble avoir trouvé le bon équilibre entre les paramètres de gestion. Plaçant les entrepreneurs au centre de leur stratégie, les turcs sont peut-être en train d'inventer un nouveau modèle socio-démocrate qui préfigure une organisation en rupture avec le modèle né de la Seconde guerre mondiale, bâti sur les décombres d'une guerre. Dans un monde où l'interaction est devenue une réalité quotidienne, c'est davantage de la construction de ponts plutôt que de murs que la stabilité et le développement du monde ont besoin.