L'action interparlementaire, un levier majeur pour une vision africaine atlantique commune    Adoption de la loi sur le droit de grève : 74 % des députés absents    Tourisme : Le Maroc surclasse ses performances d'avant crise    HCP/ACAPS : signature d'une convention de coopération pour un meilleur partage de données et d'expertise    Moroccan kickboxer Badr Hari released after alleged assault on ex-wife in Amsterdam    Wenger, leadership et inspiration… retour sur la première réussie du Challenge Leadership Show    Mohamed Tsouli Mdidech : Une vie, une mémoire, un héritage    Le chef de la diplomatie irakienne en visite de travail au Maroc    Parlement : Le projet de loi sur l'organisation judiciaire adopté à l'unanimité    Economie bleue: L'IMIS met en lumière le formidable potentiel de Dakhla    L'essentiel de l'enquête trimestrielle de BAM au T4-2024    Anasse Bari, expert marocain en intelligence artificielle, primé à l'Université de New York    Emission obligataire : OCP réussit une levée de 300 millions de dollars    La compagnie britannique Jet2 lance deux nouvelles liaisons aériennes vers le Maroc    Rétro-Verso : Mandela et le Maroc, une alliance historique au-delà des ingratitudes    Israël : La visite d'une ministre au Maroc fait polémique    Défense : Des experts israéliens se rendent au Maroc    Nouvel échange de prisonniers entre Moscou et Kiev    Nigeria : 17 enfants morts dans l'incendie du dortoir d'une école    Marco Rubio boycotte le G20 en Afrique du Sud et dénonce l'agenda de Pretoria    Chambre des conseillers : séance plénière lundi pour la discussion d'un exposé sur les activités de la Cour des comptes    Une législation au rabais ? Une absence massive des députés a entaché l'adoption de la loi sur l'exercice du droit de grève    Golf : Signature à Rabat d'une convention de coopération entre la FRMG et l'AMAD    Espagne. Coupe du Roi: Le Real difficilement en demi-finale    Coupe d'Italie / Quarts de finale : L'AC Milan file en demi-finales    Eliminatoires de l'Afrobasket 25 : L'Equipe nationale en stage depuis mardi    Football. Reda Belahyane s'envole pour Rome    Températures prévues pour le vendredi 7 février 2025    Morocco welcomes record 1.2 million tourists in January    Anasse Bari, Moroccan AI professor honored at New York University    Spain : 58 Moroccans arrested for welfare fraud    Avantages préférentiels pour les jeunes Marocains dans l'accès au logement : Mehdi Bensaïd et Al-Omrane actent un partenariat    La France enregistre une hausse de 16,8 % des visas accordés en 2024, le Maroc en tête des bénéficiaires    Immigration : l'Espagne fait don de 10 ambulances au Maroc    Lancement de l'année culturelle marocaine en Suède    Revue de presse de ce jeudi 6 février 2025    Cannabis thérapeutique : l'ANRAC s'allie à l'UAE    Le Lycée Louis-Massignon au Maroc lance le double diplôme du Bac franco-espagnol    Un membre du Congrès américain fait pression sur Kaïs Saïed et propose une loi pour sanctionner son régime    Gaza : La Maison Blanche tempère les propos de Trump    ComediaBlanca Festival : Une 2e édition encore plus ambitieuse, lancement des BlindPass    Le tunisien Lassad Chabbi reprend les commandes du Raja Casablanca    FLAM 2025 : Une belle célébration des littératures africaines contemporaines    Le coup de coeur de Sidi Bennour    Berklee College of Music de retour à Essaouira pour la 2e édition du programme    La Chambre des Représentants adopte à l'unanimité un projet de loi relatif à la protection du patrimoine    Abderrahmane Benzidane, un scrupuleux dramaturge qui n'en finit pas avec son questionnement sur l'Homme, la vie et le théâtre    Droit de grève : la loi enfin votée au milieu de la fronde syndicale    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



McKinsey et Benkirane
Publié dans Le Soir Echos le 05 - 12 - 2011

Toute société, même la plus égalitaire, a des élites. La formation, la sélection, la place qu'elle offre à celles-ci sont révélatrices de son régime de valeurs, de son idéologie, de ses blocages.
Au Maroc, conseillers du souverain, ministres et dirigeants d'office publics composent un type de dirigeants singulièrement homogène. Etudes poussées à l'étranger, expérience professionnelles auprès des grandes multinationales, double attache française et anglo-saxonne (par le diplôme ou l'expérience professionnelle). Cela pour le « who's who » visible. Ajoutons l'extraction sociale limitée à un petit cercle, les alliances matrimoniales renforçant cet exclusivisme, et une sociabilité frénétique au sein de clubs ou dans l'entourage des grands, renforçant ces attaches.
Dans ce contexte, la désignation de Benkirane comme chef du gouvernement, les noms prévus de ministres, tranchent et jettent un trouble dans les eaux calmes du « cursus honorum » de l'homme public marocain.
Benkirane, Daoudi, Othmani, Khalfi… n'ont pas fait d'études à l'étranger. Ils n'ont pas travaillé chez McKinsey ou à la Barclays Bank. Ils ne sont pas époux, beaux-frères ou cousins les uns des autres, ou de tel ou tel. Ils parlent peu ou mal les langues étrangères. Et quand ils les parlent c'est en les écorchant. La chemise sans cravate de Benkirane n'est pas une coquetterie, mais la métonymie d'un plus vaste changement, tout comme il n'est pas tant barbu que mal rasé.
Elites de cour et élites des urnes
L'homme politique ne s'autorise que de lui-même. Il partage cette qualité avec les artistes. Aucun parcours ni diplôme ne devraient valider un poste tirant sa légitimité du seul suffrage universel. Cette règle implicite est sans cesse bafouée. On sait en France la part que les énarques ont dans le Parlement et les cabinets ministériels. Au Maroc, c'était un panier de caractéristiques qui fournissait cette accréditation. Benkirane n'en remplit presqu'aucune. Sa force ne tient qu'à sa légitimité populaire. C'est la grâce de l'âge démocratique : le choix du peuple porte sur le discours d'un candidat, par-delà ses diplômes, ses stages ou ses réseaux.
Les deux dernières décennies, les signaux envoyés par les élites auprès des jeunes promotions signifiaient clairement l'inutilité du militantisme. On voyait accéder aux postes de ministre des ingénieurs et des banquiers, des « têtes » et des « cracs ». La validation partisane venait, à la dernière minute, les inscrire sur une liste électorale. Ce n'était après tout qu'une formalité. On a cru faire de la politique comme on gère une multinationale : par le diplôme et le réseau. C'était le désir secret d'Hassan II vieillissant, face à l'inélucta- bilité de l'alternance : il multiplia ces « G14 », ces « académies du royaume », ces cercles sans aucune attache autre que le mérite scolaire et la grâce royale. Il voulait résolument enraciner la pratique de l'intellectuel et du politique de cour, homme d'exception ne tirant de légitimité que de sa proximité du souverain.
Courtisans, technocrates et politiques
En portant Benkirane à la tête du gouvernement, les urnes et l'adoubement royal introduisent au Maroc la légitimité brute du militant. Car même El Youssoufi, militant de longue date, avait, au titre de chef de gouvernement, d'autres qualités : son parcours historique, ses réseaux, ses relations internationales… qui finissaient par amoindrir le profil politique pur au profit d'une image d'opposant aristocratique. Est-ce la fin des courtisans et des technocrates ? Les premiers perdront de leurs prérogatives politiques, sans doute, mais continueront d'être présents dans des domaines – affaires internationales, réseaux caritatifs… – où la délimitation des frontières entre le gouvernement et le palais ne fait que commencer.
Quant aux technocrates, à vrai dire, ils ne disparaîtront pas tout à fait. Si l'expérience démocratique réussit, ceux-ci s'habitueront à la place qui leur est due. Dans leur langue, on l'appelle le « back-office ». Ils feront leurs équations à l'arrière, mais c'est au ministre qu'il faudra expliquer pourquoi le Maroc a besoin d'un TGV ou d'un accord de libre-échange avec les Etats-Unis. En arabe, et sans cravate.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.