Selon les résultats définitifs annoncés lundi, « La pétition populaire » de Hechmi Hamdi devient la troisième force politique du pays, avec 26 sièges dans la nouvelle Assemblée constituante. Décryptage d'une victoire-surprise, qualifiée par certains de « hold-up électoral ». Hechmi Hamdi intrigue. Avec 26 sièges à l'Assemblée constituante, le succès de son parti « La pétition populaire » a suscité la consternation de nombreux hommes politiques, poussant l'un d'entre eux à qualifier cette percée de « hold-up électoral ». Mais qui est donc cet homme à la tête d' Al Aridha Chaabia, qui a créé la surprise en arrivant troisième dans les résultats des élections tunisiennes ? Et comment expliquer le succès de ce parti, inconnu avant la campagne électorale ? Millionnaire basé à Londres, Hechmi Hamdi a mené campagne à distance, via sa télévision satellitaire Al Mustakillah, dont il est le propriétaire. Suscitant l'étonnement, Al Aridha Chaabia s'est ainsi taillé la part du lion à Sidi Bouzid, berceau de la révolution. « Nous avons largement et clairement gagné la confiance de notre peuple à Sidi Bouzid, qui a porté le flambeau de la révolution et qui rappelle maintenant l'urgence de répondre à ses revendications », a déclaré Hechmi Hamdi, lui-même natif de cette ville. La proximité du petit écran « Nous avons parlé le langage des plus démunis, c'est ça notre secret », explique un de ses élus, avant d'ajouter « Nous avons travaillé dans les villes et à la campagne, au plus près des déshérités, ceux-là mêmes qui se sont révoltés contre la pauvreté, la marginalisation et le chômage. Nous leur avons proposé des choses concrètes pour une vie digne, et notre discours a porté ». Et pourtant, cette fameuse proximité avec les plus pauvres, invoquée par le parti, semble se limiter à la présence via le petit écran, puisque Hechmi Hamdi n'a pas mis les pieds sur le sol tunisien tout au long de la campagne. Mais pour séduire les Tunisiens, la campagne menée par le parti a versé dans le populisme, multipliant les promesses. Le parti a notamment promis une allocation de 200 dinars aux 500 000 chômeurs du pays contre des jours de travail communautaire et des soins gratuits pour tous. Hechmi Hamdi avait également promis d'injecter 2 milliards de dinars dans le budget de l'Etat. De la Constitution, il n'en a été que très peu question. Outre sa ligne populiste, le parti détonne par un profil politique ambigu. Certains lui reprochent sa proximité avec l'ancien régime de Ben Ali. Autrefois proche des islamistes en exil, Hechmi Hamdi aurait viré allié du régime, selon certains. « Les archives de l'agence tunisienne de communication extérieure (ancien organe de propagande du régime de Ben Ali) ont déjà révélé que cet homme avait reçu 150 000 dollars en contrepartie de services rendus au régime », a affirmé le responsable de la coalition de gauche PDM. Un profil politique ambigu Hechmi Hamdi est aussi soupçonné d'avoir rejoint la liste des Mounachidine, terme désignant tous ceux qui ont appelé Ben Ali à se représenter à la présidentielle de 2014. Pour certains, c'est d'ailleurs les hommes de l'ancien parti RCD qui auraient contribué à sa victoire. « Il y a sûrement un réseau derrière Hechmi Haamdi et ça ne peut être que les ex-RCD. Je pense qu'ils ont acheté des voix. Ils ont travaillé en silence, dans l'ombre », estime ainsi Mourad Sellami, journaliste et analyste politique. Une version réfutée par un responsable du parti, M. Bouallagui : « Je défie quiconque de prouver que nos listes comptent des anciens du RCD ». C'est en tout cas chose faite pour une liste présentée en France, invalidée par la Commission électorale. Retournement de situation pour les six listes invalidées Avant que les 26 sièges ne soient clairement attribués à « La pétition populaire », El Aridha a dû faire appel à la justice administrative pour obtenir gain de cause. Dans un premier temps, après les élections du 23 octobre, la commission électorale avait invalidé six listes du parti (Sidi Bouzid, Tatatouine, Sfax, Kasserine, Jendouba et en France), provoquant une vague de violences à Sidi Bouzid. Suite à cette annonce, Hechmi Hamdi avait annoncé le retrait total du parti, avant de se raviser pour présenter des recours contre la décision de ISIE. Coup d'éclat le 8 novembre dernier, le tribunal administratif a accepté les recours présentés dans les circonscriptions de Sfax, Kasserine, Jendouba, Sidi Bouzid et Tataouine. Seule l'invalidation prononcée contre la liste de France a été maintenue, en raison de la présence d'un ex responsable du RCD sur la liste.