Film événement dans la filmographie marocaine, « La Source des femmes », 5e long-métrage de Radu Mihaileanu, a suscité un vif engouement du côté de la critique et de certains membres de la profession, lundi 24 octobre lors de la projection presse au Mégarama de Casablanca. La projection s'est tenue en présence des comédiens marocains, dont le majestueux Mohamed Majd, des fidèles productrices, Souad Lamriki et Bénédicte Bellocq (Agora Films) et de l'équipe technique. Diffusée également en temps réel, au Théâtre du Châtelet à Paris, à Tunis, à Beyrouth et à Aman, « La Source des femmes » co-production entre le Maroc et la France (Agora Films, Elzévir Films, Oïe Oïe Oïe Production) a soufflé un vent de liberté et d'espoir sur l'aire géographique du Maghreb et du Machrek, en adéquation avec le printemps arabe. Créatures minérales, muses abrasives, mères nourricières qui transmettent et chantent la vie lors des naissances, des mariages, des enterrements, les héroïnes de « La Source des femmes » ont comme Antigone, de Sophocle et d'Anouilh, un devoir moral et social: l'une d'entre elles a perdu son enfant en allant chercher de l'eau à la source, quand dans le même temps, le village célèbre la venue d'un nouveau né. A l'ombre des femmes Dans le secret et le silence du hammam, lieu d'intimité de ces femmes, interdit aux hommes, afin que la mauvaise histoire ne se répète plus, Leïla (Leïla Bekhti) propose de faire la grève de l'amour tant que les femmes ne seront pas aidées par leurs époux. Elle ignore la féroce adversité de Hiam Abbas, belle-mère teigneuse, immuable gardienne des traditions. On aime la valse des mots du comédien palestinien Saleh Bakri (Sami), désignant sa femme Leïla Bekhti (Leïla), comme « révolutionnaire », faisant écho à l'actualité. On entend son besoin premier, lorsqu'elle lui répond près d'une heure plus tard, au plus fort de la dramaturgie du propos « J'existe ». On est conquis par ce casting à l'image d'un Maghreb uni, tourné à Warielte (50 kms de Marrakech), réunissant sur grand écran, des comédiens franco-maghrébins, marocains, algériens et palestiniens, qui s'expriment tous en darija : Leïla Bekhti, Saleh Bakri, Sabrina Ouazani, Biyouna, Amal El Attrache, Malek Akhmiss, Omar Azzouzi, Omar Lotfi, Amal Chakir. Radu Mihaileanu a su rappeler le rire arabe qui traverse « La Source des femmes » de son flot interrompu, tel un Rabelais clamant déjà au XIVe siècle que « rire est le propre de l'homme»; l'évidente sororité entre Loubna, dite Esméralda (Hafzia Herzi), Biyouna, surnommée « vieux fusil », mais qui dégaine le mot pour rire avec une formidable acuité d'esprit. « Sketchli » algéroise, du rire aux larmes, pure tragédienne du « Harem de Mme Osmane » de Nadir Moknèche dans le rôle d'une mère courage qui symbolisait la force des Algériennes durant la décennie noire, l'enfant de Belcourt (quartier populaire d'Alger) est sublimée en reine du rire et du chant dans « La Source des femmes », rappelant la tessiture de son album « Blonde dans la Casbah ». Drôle, un brin provocatrice, fidèle à un franc-parler jamais démenti, Biyouna qui s'attirait déja les foudres des dirigeants de la chaîne unique algérienne, est 100% nature dans cet opus. Entre fiction et réalité Si le film est présenté par son auteur, à l'image « d'un conte oriental », il n'en n'est pas moins un conte des temps modernes. La question de la réfection d'hymen, avec laquelle le personnage de Leïla a été aux prises à un moment de sa vie, concerne aujourd'hui, nombre de nos sœurs vivant en Europe, au Maghreb et au Moyen-Orient recourant à cette opération pour une « virginité retrouvée ». A l'issue de la projection, l'émotion s'est sentie des deux côtés de la Méditerranée. En direct au Théâtre du Châtelte, Hafzia Herzi, a eu une pensée pour la Tunisie, comme Hiam Abbas, Leïla Bekhti, actuellement en tournage à New-York pour le film « Nous York », est apparue sur l'écran de l'ordinateur de Radu. Denis Carot et Marie Masmonteil, (Elzévir films), étaient émus de présenter ce film sur la scène du Théâtre du Châtelet sous le Youyou final, entonné par Biyouna. Radu Mihaileanu, a dédié ce film aux pays arabes. Belle leçon d'humanité, de générosité et de tolérance, où l'amour, osons le mot, est un ultime contre-pouvoir face à la montée des extrémismes…