Le CNDH interpelle la HACA à propos de l'émission « Les criminels les plus dangereux » diffusée par 2M. Mohamed Sebbar souligne le non respect de la dignité des personnes et la violation du droit des condamnés à l'anonymat. Le franc succès de l'émission « Akhtar Al Moujrimine » (Les criminels les plus dangereux) n'aura pas valu que des compliments à Soread-2M. Le secrétaire général du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), Mohamed Sebbar, interpelle le président de la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA), Ahmed Ghazali, et le président du pôle audiovisuel public unifié (SNRT-Soread), Fayçal Laraïchi, pour leur faire part de graves violations des droits de l'Homme et de l'éthique journalistique. Doublement condamnés A l'origine, la visite effectuée par Mohamed Sebbar aux détenus du couloir de la mort de la prison centrale de Kénitra, à l'occasion de la Journée mondiale contre la peine de mort célébrée le 10 octobre de chaque année. C'est alors que les condamnés, qui s'estiment victimes d'une «double peine», ont exprimé leur désarroi face à l'émission de 2M. Dans sa lettre, le SG du CNDH relate point par point les remarques de ces détenus à commencer par le non respect de l'anonymat. Leur visage est découvert et leur noms et prénoms sont cités « sans aucune autorisation des concernés ou de la Justice ». Les protagonistes réels de cette émission disent craindre l'impact psychologique et social de celle-ci sur leurs enfants, mais également sur les familles des victimes. Les analyses et commentaires amplifient, selon la même source, la douleur de toutes les parties et les empêchent d'oublier. C'est une seconde condamnation n'émanant d'aucune procédure judiciaire, mais d'une émission de faits-divers, qui plus est entrecoupée par des spots publicitaires. Les concernés estiment que c'est un commerce qui se fait en exploitant des drames. Ce que demande le CNDH Le Maroc a choisi la voie du respect des droits de l'Homme et de la préservation de la dignité des personnes, rappelle Mohammed Sebbar dans sa lettre appelant les deux responsables à prendre les mesures qui s'imposent. Le CNDH fait référence au Code de la presse et au Code pénal pour mettre un terme aux violations dont souffrent les détenus du couloir de la mort. C'est du respect de la déontologie et de l'éthique dont il est question dans la lettre de Sebbar qui insiste particulièrement sur la nécessité de préserver l'anonymat des condamnés en évitant de diffuser leurs photos, citer ou écrire leurs noms lors de la diffusion de l'émission sauf autorisation préalable des concernés. Pour le CNDH, ce n'est qu'en respectant ce critère que l'on peut éviter « l'effet scandale » d'une émission et permettre la préservation de son but ultime : éclairer et sensibiliser l'opinion publique. Les analyses et commentaires amplifient la douleur de toutes les parties et les empêchent d'oublier. L'organisme d'Ahmed Ghazali, qui a reçu la demande du CNDH le 17 octobre, devra déclencher la procédure qui s'impose. Dès que le département chargé du suivi des programmes aura examiné la demande et visionné l'émission, il devra dresser un rapport qui sera ensuite remis au département juridique. C'est à ce stade que l'on scrute les éventuelles infractions du cahier des charges afin d'alerter l'opérateur (2M, dans ce cas). Et c'est au Conseil de prendre la décision de sanctionner les infractions une fois avérées, suite à la procédure réglementaire. L'émission à grand audimat pourrait, alors, être suspendue. D'ici là, il est à noter que les articles 28 et 29, du chapitre «Déontologie» qui figure sur le cahier des charges de la société-mère de 2M, Soread, stipulent clairement que la liberté de conception des programmes « s'exerce dans le respect de la dignité humaine, de la liberté et de la propriété d'autrui ». « La dignité de la personne humaine constitue l'une des composantes de l'ordre public. Il ne saurait y être dérogé par des conventions particulières, même si le consentement est exprimé par la personne intéressée. à cet effet, la société veille, dans ses émissions, au respect de la personne humaine et de sa dignité », explicite l'article 29.