Rabat: Ouverture de la réunion des présidents des Parlements des Etats africains atlantiques    Inde: Le Maroc prend part à la 8e édition du « Bengal Global Business Summit »    Un professeur marocain d'intelligence artificielle distingué à l'Université de New York    Industrie: L'accès au financement jugé « normal » par 75% des patrons    Revue de presse de ce jeudi 6 février 2025    La Bourse de Casablanca ouvre en territoire positif    STELLANTIS Kénitra : L'innovation locale au cœur de l'automatisation industrielle    Un membre du Congrès américain fait pression sur Kaïs Saïed et propose une loi pour sanctionner son régime    Gaza : La Maison Blanche tempère les propos de Trump    Badr Hari libéré : "J'ai déçu les gens que j'aime", regrette-t-il    Cannabis thérapeutique : l'ANRAC s'allie à l'UAE    Le Lycée Louis-Massignon au Maroc lance le double diplôme du Bac franco-espagnol    ComediaBlanca Festival : Une 2e édition encore plus ambitieuse, lancement des BlindPass    Le Maroc entame la construction des plus grands stades de la Coupe du Monde en prévision du Mondial 2030... Voici le coût de chaque projet    Salon "Halieutis" à Agadir: Mme Driouich tient une série de rencontres bilatérales avec plusieurs ministres et responsables de la pêche    Le tunisien Lassad Chabbi reprend les commandes du Raja Casablanca    Les prévisions du jeudi 6 février    OCP S.A lève avec succès 300 M$ via un « Tap Issue » sur son émission obligataire internationale de mai 2024    Grève au Maroc : «Si le gouvernement fait passer ses lois, le dialogue social n'aura plus de sens» [Interview]    Maroc : La Chambre des représentants adopte à la majorité le projet de loi sur la grève    Belgique : Bilal El Khannouss Espoir de l'année dans le championnat de football    Anass Salah-Eddine à la Roma (officiel), vers une sélection avec les Lions de l'Atlas ?    FLAM 2025 : Une belle célébration des littératures africaines contemporaines    Le coup de coeur de Sidi Bennour    Berklee College of Music de retour à Essaouira pour la 2e édition du programme    Feyenoord officialise l'arrivée de Targhalline Oussama    Peines de prison sévères dans l'affaire "Instalingo" en Tunisie : détails des verdicts et principaux condamnés    Syrie: le FSN appelle à la reconnaissance de la marocanité du Sahara    Botola : l'AS FAR se sépare de Hubert Velud    Diplomatie : Un coup d'avance marocain difficilement rattrapable    L'ambassade des Etats-Unis annonce des changements pour l'obtention des Visa    Températures prévues pour le jeudi 6 février 2025    Le projet de loi de lutte contre l'appropriation culturelle validé par la Chambre des représentants    Le projet de loi relatif à la réparation des accidents de travail adopté    Lutte contre le stress hydrique, stations de dessalement.. Les progrès du Maroc mis en avant à Paris    Haïti: Washington suspend sa contribution à la Mission multinationale de police    La Chambre des Représentants adopte à l'unanimité un projet de loi relatif à la protection du patrimoine    Abderrahmane Benzidane, un scrupuleux dramaturge qui n'en finit pas avec son questionnement sur l'Homme, la vie et le théâtre    Accidents de la circulation: 19 morts et 2.445 blessés en périmètre urbain durant la semaine dernière    Vers une Moudawana équilibrée : entre tradition et modernité    Israël Maintient sa Position : Pas de Place pour le Hamas à Gaza    La Chambre des représentants adopte à l'unanimité le projet de loi relative à l'organisation judiciaire    La présidence palestinienne "rejette fermement" le projet de Trump de contrôler Gaza    Donald Trump décide le retrait des Etats-Unis de plusieurs instances de l'ONU    Equipe nationale (F) : Deux matchs de préparation au programme    Portrait - Pr Karim Touijer : Ce pur "produit" de l'école marocaine brille aux Etats-Unis    Festival : La Dolce Musica s'invite au Maroc    Abidjan, la capitale du rire    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Baltagia, nouveau terme du lexique
Publié dans Le Soir Echos le 14 - 10 - 2011

Pour désigner les réalités les plus hybrides, les moins commodes, on adopte les termes les plus douteux, les néologismes les plus ambigus. Au Maroc, pour parler du vaurien interlope, cette créature de la ville coloniale et du capitalisme prédateur, on puisa dans le langage du colon honni et d' « ouvrier » on fit « zoufri » ; pour appeler le voyou libertin, on inventa « salgout », naturalisation de « sale gosse » et par d'autres voies, inconscientes, retrouvailles avec « sa‘louk », antique et authentique mot arabe pour parler des vagabonds bannis de leur tribu. Inversement, beaucoup de lecteurs croient tirés de mots européens des vieux vocables arabes : ainsi de « awbash », plèbe, qu'on pense être l'arabisation de « apache », terme de l'argot parisien du début du XXe siècle désignant les voyous urbains, alors même que « awbash » est utilisé très tôt par des chroniqueurs arabes du Moyen-Âge… Ces relations entre les mots et les réalités, les poètes, avec jubilation, les érudits avec méfiance, les savent et les soulignent.
Un phénomène ancien dans le monde musulman
Aujourd'hui, au Maroc, on importe un terme égyptien, « baltagia », pluriel de « baltagi », pour désigner une réalité également répandue dans le monde arabe. On a nos propres termes, mais en y substituant le vocable égyptien, sans doute y cherchons-nous un gage d'universalité ou de science.
Qu'est-ce donc qu'un baltagi ? C'est le confluent de deux réalités.
La première est universelle mais récente. Les marxistes nommèrent « lumpenprolétariat », cet agglomérat d'individus non pas exploités mais exclus du système de production, et donc prêts à se vendre au plus offrant – c'est-à-dire, dans la vision marxiste du monde, au capital. Ce lumpenprolétariat fournit ses troupes au nazisme contre les socialistes, aux patrons contre les grévistes, à
Franco contre le Frente Popular. Aujourd'hui dans la presse arabe, on parle de fascistes, de fascistoïdes et de crypto-fascistes pour désigner ce phénomène, sans qu'on soit toujours conscient des connexions idéologiques qu'on établit dès lors entre le Printemps arabe et l'histoire européenne moderne.
La seconde réalité que le terme « baltagi » interpelle est à la fois ancienne et locale. Elle concerne le monde arabo-musulman essentiellement. La réalité de bandes de jeunes hommes faisant cohue dans la cité, se groupant et prêtant main-forte au pouvoir, mais toujours dans des rapports ambigus, et clandestins, remonte à l'âge classique des villes musulmanes. Au Proche-Orient, on les appelait les « Ahdath », en Irak et en Iran, les « ‘Ayyarûn » ; un peu partout ils ont participé à la création des premières troupes de « shurta », la police urbaine.
Renouant avec les factions du cirque à Constantinople – les « bleus » et les « verts », qui mobilisaient des dizaines de milliers de personnes et terrorisaient la capitale de l'empire byzantin à l'occasion des jeux de course –, ils y ajoutèrent des dimensions propres aux sociétés islamiques : esprit de corps clanique, défense du pauvre, puritanisme des mœurs… Plus tard, dans l'Egypte devenue ottomane, on s'habitua à les appeler « futuwa » – côté face, les défenseurs du faible – ou, d'un terme turc, « baltagia » – côté pile, les fauteurs de troubles vendus aux puissants.
Les baltagia, des militants comme les autres ?
De tels mouvements furent-ils politiques, exprimèrent-ils une revendication propre : autonomisme urbain, protestation économique, idéologie religieuse ? Les réponses diffèrent selon les historiens, les régions étudiées, les périodes concernées. Mais si l'interrogation est légitime à propos de Séville au XIIe siècle, sans doute doit-elle l'être à propos de Casablanca en 2011. Désigner tout trouble qui vient écorner l'avenante façade du printemps arabe de « baltagia », c'est évacuer les racines politiques et sociales du phénomène.
Ce nouveau mot dorénavant introduit dans notre lexique politique s'ancre dans des réalités anciennes. Il doit servir à clarifier le débat, non à exclure par la criminalisation. Que le pouvoir, les pouvoirs multiples, puisent des réserves parmi la « baltagia » est un fait avéré, mais elle ne doit pas nous aveugler sur les marges du Printemps arabe, ses oubliés et ses laissés-pour-compte.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.