Le gouvernement lance une réforme pour renforcer les liens avec les MRE    Abdellatif Hammouchi préside la délégation du Maroc à l'AG d'Interpol à Glasgow    Fusion CNOPS-CNSS : Inquiétude chez les assurés, l'Exécutif clarifie son plan    Maroc : le secteur du tourisme se dote de sa Banque de projets    Maroc : 7 grandes villes accueillent près de 40% de la population urbaine    Ryad Mezzour: Les investisseurs allemands choisissent de venir au Maroc    Face à des ventes en berne, Nissan supprime 9.000 postes    Championnat de l'UNAF/U17: Nabil Baha convoque 20 joueurs    Boxe : L'Algérienne Imane Khelif porte plainte après la fuite d'un document médical sur son sexe    Migration irrégulière : Interception de 183 personnes dont 8 organisateurs marocains à Tan-Tan et Sidi Ifni    Le temps qu'il fera ce vendredi 8 novembre 2024    Grippe et infections respiratoires : Le MSPS lance une campagne de prévention    FIFM 2024 : Découvrez la sélection des 70 films venus de 32 pays    Le Maroc des cultures, invité d'honneur au Salon du livre de Sharjah    FIFM 2024 : Luca Guadagnino à la tête d'un jury international pour décerner l'Étoile d'or    Adaptation au changement climatique: L'ONU appelle à une action urgente lors de la COP29    Le président Emmanuel Macron a perdu beaucoup de temps avec l'Algérie, estime Vincent Hervouët    Government to implement royal directives on Moroccans living abroad, PM says    Etats-Unis/Maroc : des liens renforcés sous la présidence de Donald Trump, selon l'ancien ambassade de David Fischer    Tourisme: Le président Bassirou Faye veut booster la « destination Sénégal »    Eliminatoires de la CAN-2025 (5è et 6è journées) : 26 joueurs convoqués par Walid Regragui pour les matches face au Gabon et au Lesotho    Casablanca Finance City : BANK OF AFRICA renforce sa présence avec une nouvelle succursale    Glovo Maroc : dans les coulisses de l'innovation    Clinique Internationale de Dakhla : Akdital inaugure un nouveau centre de santé dans le Sud    Michaël Gregorio présente « L'Odyssée de la Voix » au Théâtre Mohammed V de Rabat    Salmane Belayachi reconduit à la tête du CRI Casablanca-Settat    Une nouvelle ère pour l'Afrique    Anniversaire de la Marche Verte Le PPS exprime sa haute appréciation pour les contenus forts du discours Royal    Au musée des Légendes à Madrid, Yassine Bounou dans la cour des grands    L'Iran à l'heure de la contestation féminine    Séisme d'Al-Haouz : 63.766 familles bénéficiaires de l'aide financière mensuelle jusqu'au 25 octobre dernier (M. Baitas)    Des shows de drones illuminent la place Al-Mechouar à Laâyoune    Des festivités empreintes de liesse    Présidentielle américaine : une élection à 15 Md$    Réélection de Trump : les partenariats marocains à l'épreuve de la guerre économique sino-américaine    British pedophile dies in Moroccan Prison    EU seeks migration pact with Morocco after CJEU rulings    A vélo, Khalid Aboubi met en lumière l'Histoire des rues de Marrakech    Incendie sur l'avenue des FAR à Casablanca : un étage d'un immeuble ravagé par les flammes [Vidéo]    Premier Atelier Régional de Soins Palliatifs Pédiatriques : Un Rendez-vous Inédit à Rabat    LDC. J4 (fin): Le PSG provisoirement éliminé !    Le groupe AFD va désormais investir au Sahara marocain    Casablanca : Exposition photographique célébrant la Marche Verte    Présidentielle américaine: Kamala Harris concède la défaite face à Trump    Le mastodonte financier AFD va désormais investir au Sahara, affirme son DG    Anniversaire de Hakimi: Respect...Ssi Achraf !    FIBA Afro Basket 2025 : La FIBA offre une seconde chance au Maroc, déjà éliminé !    Chambre des représentants : Projet de loi approuvé pour réorganiser le CCM    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Baltagia, nouveau terme du lexique
Publié dans Le Soir Echos le 14 - 10 - 2011

Pour désigner les réalités les plus hybrides, les moins commodes, on adopte les termes les plus douteux, les néologismes les plus ambigus. Au Maroc, pour parler du vaurien interlope, cette créature de la ville coloniale et du capitalisme prédateur, on puisa dans le langage du colon honni et d' « ouvrier » on fit « zoufri » ; pour appeler le voyou libertin, on inventa « salgout », naturalisation de « sale gosse » et par d'autres voies, inconscientes, retrouvailles avec « sa‘louk », antique et authentique mot arabe pour parler des vagabonds bannis de leur tribu. Inversement, beaucoup de lecteurs croient tirés de mots européens des vieux vocables arabes : ainsi de « awbash », plèbe, qu'on pense être l'arabisation de « apache », terme de l'argot parisien du début du XXe siècle désignant les voyous urbains, alors même que « awbash » est utilisé très tôt par des chroniqueurs arabes du Moyen-Âge… Ces relations entre les mots et les réalités, les poètes, avec jubilation, les érudits avec méfiance, les savent et les soulignent.
Un phénomène ancien dans le monde musulman
Aujourd'hui, au Maroc, on importe un terme égyptien, « baltagia », pluriel de « baltagi », pour désigner une réalité également répandue dans le monde arabe. On a nos propres termes, mais en y substituant le vocable égyptien, sans doute y cherchons-nous un gage d'universalité ou de science.
Qu'est-ce donc qu'un baltagi ? C'est le confluent de deux réalités.
La première est universelle mais récente. Les marxistes nommèrent « lumpenprolétariat », cet agglomérat d'individus non pas exploités mais exclus du système de production, et donc prêts à se vendre au plus offrant – c'est-à-dire, dans la vision marxiste du monde, au capital. Ce lumpenprolétariat fournit ses troupes au nazisme contre les socialistes, aux patrons contre les grévistes, à
Franco contre le Frente Popular. Aujourd'hui dans la presse arabe, on parle de fascistes, de fascistoïdes et de crypto-fascistes pour désigner ce phénomène, sans qu'on soit toujours conscient des connexions idéologiques qu'on établit dès lors entre le Printemps arabe et l'histoire européenne moderne.
La seconde réalité que le terme « baltagi » interpelle est à la fois ancienne et locale. Elle concerne le monde arabo-musulman essentiellement. La réalité de bandes de jeunes hommes faisant cohue dans la cité, se groupant et prêtant main-forte au pouvoir, mais toujours dans des rapports ambigus, et clandestins, remonte à l'âge classique des villes musulmanes. Au Proche-Orient, on les appelait les « Ahdath », en Irak et en Iran, les « ‘Ayyarûn » ; un peu partout ils ont participé à la création des premières troupes de « shurta », la police urbaine.
Renouant avec les factions du cirque à Constantinople – les « bleus » et les « verts », qui mobilisaient des dizaines de milliers de personnes et terrorisaient la capitale de l'empire byzantin à l'occasion des jeux de course –, ils y ajoutèrent des dimensions propres aux sociétés islamiques : esprit de corps clanique, défense du pauvre, puritanisme des mœurs… Plus tard, dans l'Egypte devenue ottomane, on s'habitua à les appeler « futuwa » – côté face, les défenseurs du faible – ou, d'un terme turc, « baltagia » – côté pile, les fauteurs de troubles vendus aux puissants.
Les baltagia, des militants comme les autres ?
De tels mouvements furent-ils politiques, exprimèrent-ils une revendication propre : autonomisme urbain, protestation économique, idéologie religieuse ? Les réponses diffèrent selon les historiens, les régions étudiées, les périodes concernées. Mais si l'interrogation est légitime à propos de Séville au XIIe siècle, sans doute doit-elle l'être à propos de Casablanca en 2011. Désigner tout trouble qui vient écorner l'avenante façade du printemps arabe de « baltagia », c'est évacuer les racines politiques et sociales du phénomène.
Ce nouveau mot dorénavant introduit dans notre lexique politique s'ancre dans des réalités anciennes. Il doit servir à clarifier le débat, non à exclure par la criminalisation. Que le pouvoir, les pouvoirs multiples, puisent des réserves parmi la « baltagia » est un fait avéré, mais elle ne doit pas nous aveugler sur les marges du Printemps arabe, ses oubliés et ses laissés-pour-compte.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.