Les rencontres culturelles judéo-marocaines sont souvent l'occasion de cerner plusieurs quiproquos entre l'Islam et le Judaïsme. Rencontre avec Simon Ley, directeur du musée judéo-marocain. Organisé par la Fondation du patrimoine culturel judéo-marocain, en partenariat avec le Mimouna club , le 3e Colloque annuel des journées juives marocaines s'est tenu mercredi 21 septembre, à Ifrane à l'Université Al-Akhawayn et a été suivi d'un second à Casablanca, organisé jeudi, au Musée du patrimoine judéo-marocain, dans le quartier de l'Oasis. Thème du débat : « Mohamed V, un juste parmi les Nations ». Une opportunité pour la communauté juive de rendre hommage à la tolérance universaliste du sultan. D'autres sujets ont été traités, tels que la darija dans les livres juifs et l'identité israélienne. Simon Levy, en aparté, nous livre quelques unes de ses positions sur ses sujets. Pourquoi le fait de souligner que les juifs écrivaient en darija est important ? C'est plus important que c'en a l'air. La majorité pense que les juifs parlent uniquement hébreu, alors que ce n'est pas vrai. Les juifs parlaient et écrivaient en darija comme les Marocains musulmans. Depuis 1860, l'Alliance israélite universelle, la plus grande association française de juifs, a imposé au Maroc d'enseigner uniquement la langue française au juifs. La langue qui progresse le plus au Maroc, c'est le français, pourquoi ? Parce que l'on ne fait aucun effort pour que l'arabe soit puissant. L'arabe est simple à l'oral mais compliqué à l'écrit. C'est malheureux. Pourquoi dites-vous que l'Histoire du Maroc n'est pas intégrale et nous n'en avons que des bribes ? Malheureusement, dans les écoles marocaines, on n'enseigne que les exploits et les bonnes actions des sultans qui ont gouverné le Maroc. L'histoire du Maroc n'est pas uniquement faite de cela. Il existe bien d'autres personalités et évènements majeurs, parfois désenchantants, qui ont marqué l'Histoire du Maroc et qui ne sont pas enseignés… Y a-t-il une crise de l'Autre au Maroc dans le domaine religieux ? Entre les religions, la tolérance n'a jamais existé. Elles se supportent. Les religions ne s'acceptent pas, ni au Maroc ni ailleurs. Personnellement, je pense que si les trois religions monothéistes ont un même Dieu, cela signifie que c'est une même religion. Elles n'ont pas forcément les mêmes rites et les mêmes traditions, mais c'est la même croyance. Est-ce qu'il n'est pas temps que les théologiens reconnaissent cela ? Que va être le sort d'Israël après une reconnaissance de l'Etat palestinien ? L'Etat d'Israël sera plus fort après la reconnaissance de l'Etat Palestinien, parce qu'il aura réglé une grande partie de ses problèmes. En tout cas, c'est mon souhait. J'espère que cette année, la question de la paix va être réglée une fois pour toute. Je trouve cela ridicule qu'un homme intelligent comme Obama n'ait pas compris cela, alors qu'il s'est fait élire pour ce problème précisément. Et le monde entier lui a fait confiance … Êtes-vous pour ou contre la réouverture de l'ambassade d'Israël au Maroc ? Cela n'est pas un problème. C'est simplement une politique pour faire plaisir à Israël et aux USA. Est-ce qu'on avait déjà eu un problème auparavant quand elle était ouverte ? Non. Mais il faut qu'Israël elle aussi donne quelque chose en retour. En Israël, les gens commencent à prendre conscience du Printemps arabe. Il se trouve qu'une nouvelle jeunesse est plus souple et qu'il faut ouvrir avec elle un nouveau débat en Tunisie, en égypte, en Libye… Les leaders israéliens doivent revoir leur façon de faire la politique et l'adapter au nouveau visage du monde arabe. Reprendre un mouvement et des objectifs vers la paix, je le répète : vers la paix ! Quand et qui va nominer feu Mohamed V, « un juste parmi les nations », lui qui avait refusé de mettre en œuvre la politique judéophobe du gouvernement de Vichy ? Nous considérons feu Mohamed V comme un juste parmi les nations, c'est déjà fait. Il y a plusieurs avenues Mohamed V à Israël. Vous avez dernièrement critiqué la suppression du mot « juif » de la nouvelle Constitution marocaine et son remplacement par le mot « hébraïque ». Pourquoi ? Ceux, qui ont eu honte de mettre le mot « juif » dans la nouvelle Constitution et ont cherché à le remplacer par le mot « hébraïque », n'ont rien compris à l'Histoire. « Hébraïque » ne veut rien dire du tout dans la Constitution.ça relève de l'Histoire ; ça date d'il y a 5 000 ans. D'un côté, le Maroc fait un pas en avant en disant qu'il faut reconnaitre l'existence des juifs au Maroc, et, de l'autre, nous n'allons pas les appeler officiellement des juifs ? Qu'est ce que cela veut dire ? C'est ridicule. Je suis heureux d'avoir des droits au Maroc. Je ne me considère pas hébreu mais juif.