Documentariste et reporter de guerre, Jocelyne Saab se consacre également au 8e art. Ses instantanés de keffieh et d'objets néo-pop ont signé sa griffe inspirée des cultures orientales et occidentales. « Transmission ininterrompue » présentera ses travaux du 10 septembre au 22 octobre en résonance avec la Biennale de Lyon. La volonté et le regard de Jocelyne Saab, comme Danièle Arbid ou encore Nadine Labaki, tournés vers une terre aux prises avec le souvenir de la guerre, donnent pourtant à voir des récits qui ne sont pas altérés de souffle mais porteurs de vie, d'humanité dont émergent des fils narratifs liés à la mémoire des Libanais, acteurs de leur destin. Aujourd'hui metteur en scène et photographe, qui mieux que Jocelyne Saab, déjà cinéaste dans une autre vie, et reporter de guerre au Proche-Orient durant de nombreuses années, pouvait explorer la thématique du dégât des conflits armés, éternelles stigmates sur les corps mais aussi sur les esprits ? Elle signe entre 1975 et 1985, une trentaine de documentaires sur cette région, suscitant une consécration unanime, et primés à l'internationale. Son premier long-métrage « Une vie suspendue » est sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes. Suit en 1995 de Il était une fois Beyrouth, fiction sur le thème de la mémoire, que l'on lit tel qu'un appel à la tolérance et à la liberté d'expression. Jocelyne Saab continue de défricher les vois nouvelles de la représentation filmique et réalise La dame de Saïgon en 1997. L'opus est récompensé par le Prix du meilleur documentaire français pour son film. Loin du conflit du Proche-Orient, ce tournage lui permet de s'affranchir de sa terre natale, elle va prendre ainsi de la distanciation par rapport à la guerre. « Je ne les utilise pas comme des poupées de plastique. Je les fais se regarder pour que l'image donne l'impression d'une petite histoire. » Mais c'est en 2006, qu'elle s'impose définitivement sur la scène cinématographique, avec Dunia, film libre et poétique, notamment sélectionné au festival Sundance. Ce long-métrage, qui évoque une femme décidée à aller jusqu'au bout de ses choix, heurtant les codes de la société d'alors, devient rapidement un film culte en Egypte et au Moyen-Orient. Jocelyne Saab est condamnée à mort par les fondamentalistes pour avoir abordé le thème de la mutilation génitale des femmes. Sa fascination pour la femme se poursuit toujours, son dernier long-métrage signé en 2010, What's going on ?, situé dans sa ville natale, est de plus, dédié au processus de création. Et la grande histoire rejoint encore la petite, quand la cinéaste décide de s'atteler à la photographie, médium qui dit l'œuvre d'une vie : «Je cherche le lieu où je vais faire la photo, je trouve les personnages que je veux prendre, je me saisis de ces icônes et je les mets dans le lieu que j'ai trouvé, je les fais se regarder et elles deviennent des acteurs à travers la sensibilité que je leur prête. Je ne les utilise pas comme des poupées de plastique. Je les fais se regarder pour que l'image donne l'impression d'une petite histoire. » L'espace et le sujet trouvent précisément leur place à travers l'objectif de cette artiste trans-genre, rompue à observer et à écouter la fureur du monde. Pas n'importe quels lieux et objets, puisque c'est au confluent de l'Orient et de l'Occident que se pose son œil. Ce qui lui vaut de mettre dès lors en relation la culture de masse de ces deux derniers siècles. « Jocelyne Saab travaille sur le kitsch. Sur les marchés aux puces de Beyrouth, du Caire ou de Paris, elle part à la recherche de ces artefacts de la culture populaire qui sont également les“ icônes” de la culture de masse contemporaine. Mis en scène sous l'objectif de la photographe, ces déchets de la société de consommation globalisée accèdent au statut d'œuvres d'art à part entière et expriment poétiquement (et politiquement) le ressentiment et la frustration de l'Orient face à l'Occident », précise Yves Gonzalez-Quijano, chercheur à l'Institut français du Proche-Orient dans L'occidentalisme, l'autre visage de l'orientalisme . Les clichés de Jocelyne Saab transposant sur la célèbre poupée Barbie, les événements de la vie arabe sont autant de signes transversaux qui revisitent l'ère de la mondialisation, mise à l'œil nu et de l'art, ultime contre-pouvoir. Aucun article en relation !