Plus question d'opérations d'appel à la générosité sans autorisation préalable. Une circulaire conjointe du ministère de l'Intérieur et du Secrétariat général du gouvernement rappelle les associations à l'ordre. Les réactions de celles-ci sont pour le moins partagées. Les détails. Elles en connaissent l'existence, mais plusieurs préfèrent l'ignorer. Les associations font de plus en plus appel à la générosité publique, aux bienfaiteurs et aux sponsors. Mais là encore, c'est l'anarchie. Rares sont celles qui, comme l'exige la loi, demandent une autorisation préalable. Certaines vont même jusqu'à faire du porte-à-porte pour collecter des dons directement des ménages au nom d'une cause humanitaire. Et difficile de vérifier si l'argent est utilisé à bon escient. Ce sont, en fait, des opérations d'appel à la générosité publique qui s'organisent «en douce» et dont la fréquence grandissante et les risques qui vont avec ont alerté ministère de l'Intérieur et Secrétariat général du gouvernement (SGG). Une circulaire conjointe avait d'ailleurs été adressée aux walis et gouverneurs, l'an dernier, pour leur rappeler les dispositions de la loi 1971 relative aux appels à la générosité publique (voir encadré). Un an plus tard, et face au peu de cas fait de ses dispositions, les départements reviennent à la charge en publiant, début août, une circulaire qui s'apparente à un rappel à l'ordre. Une mesure qui est loin de susciter l'unanimité. Pour l'Association marocaine pour le soutien de la lutte palestinienne, une telle décision est somme toute normale. «Notre association avait appelé, en 2004 déjà, à ce que ces collectes de dons soient soumises à une procédure réglementée. A l'époque, certaines associations islamistes utilisaient la carte de la cause palestinienne pour faire le tour des maisons. Certaines familles n'hésitaient pas à offrir leurs bijoux. Nous avions dénoncé très farouchement ces manœuvres, d'autant que les dons se retrouvaient sur un compte destiné… à la cause bosniaque», se rappelle le vice-président de cette association, Abdelhafid Oualalou. Pour ce dernier, ce rappel à l'ordre devrait s'élargir à d'autres secteurs. «Il est à présent primordial que les collectivités locales jouent leur rôle dans le contrôle de ces opérations», estime Oualalou. Toute association régulièrement constituée ayant son siège au Maroc désirant faire appel à la générosité publique doit déposer une demande, contre récépissé, par son représentant, dûment mandaté à cette fin, quinze jours au moins avant la date de lancement de l'opération de collecte de dons ou de l'organisation de la manifestation prévue et ce, selon la procédure suivante : * premier cas : auprès du gouverneur de la préfecture ou de la province si le lieu où doit se dérouler la manifestation ou l'opération de collecte des aides relève de son commandement. * deuxième cas : auprès du wali de la région si l'appel concerne plus d'une province ou préfecture de la région concernée ; * troisième cas : auprès du Secrétaire général du gouvernement lorsque la manifestation a un caractère national. Dans tous les cas, la demande doit être accompagnée du récépissé du dernier renouvellement du bureau de l'association, des copies de ses bilans financiers, du programme, de la nature et de la date de la manifestation, l'identité et la qualité des personnes physiques chargées de la collecte et la destination des fonds collectés, ainsi que les références du compte bancaire sur lequel ils seront versés. Auprès des militants pour les droits des handicapés, un autre son de cloche se fait entendre. «Ces dons sont vitaux pour les associations et il est nécessaire d'assouplir la loi et de faire de ces opérations un droit pour tous», confie Dr Hassan Benkhlafa, vice-président de l'Association Handifilm. Pour ce militant, les opérations de collectes de dons sont souvent monopolisées par de grandes structures. Et de crier à la concurrence «déloyale» de l'Etat. «Au lieu de la collecte de dons, l'Etat pourrait créer des fonds pour permettre aux ONG d'accomplir ce travail, en les soumettant au contrôle nécessaire», propose le Dr. Benkhlafa. Dans les rangs des Bénévoles sans frontières (BSF), si cette loi est un barrage contre l'abus de confiance et autres détournements, elle pose nombre delourdeurs administratives. «Il nous a fallu six mois pour décrocher l'autorisation de vendre des tickets. Toute initiative censée venir d'urgence en aide à une catégorie donnée de nécessiteux s'en trouve bloquée», souligne Mouna Al Ibrahimi, membre fondateur et trésorière de BSF au Maroc. Et d'ajouter que la loi en question manque de précision. «Il faut d'abord clarifier ce qu'est exactement l'appel aux dons publics. Par exemple, quand on fait appel à notre réseau de connaissances : famille, amis, collègues … sommes nous concernés ? Sont-ils considérés comme étant «publics» ?», se demande la trésorière de BSF. A l'Association de lutte contre le Sida, on ne se pose plus de question. Reconnue d'utilité publique, l'ALCS n'est pas tenue de demander une autorisation préalable mais elle doit en informer les autorités compétentes deux semaines à l'avance au moins. «Nous déposons chaque année nos rapports moral et financier. Et après chaque Sidaction, c'est un rapport du commissaire aux comptes qui est remis aux autorités», indique le coordinateur national de l'ALCS, Moulay Ahmed Douraïdi rappelant qu'un processus d'accréditation des associations avait été lancé, il y a des années, mais qu'il n'a jamais abouti.