Agnès Levallois est journaliste, politologue, spécialiste du monde arabe et de la Syrie. Elle est aussi consultante chez BLC Communications. Elle analyse, pour Le Soir échos, l'annonce faite par le régime d'ElAssad sur l'instauration d'une loi sur le multipartisme. L'annonce d'une loi sur le multipartisme en Syrie est-elle une véritable volonté du pouvoir d'ElAssad de jouer la carte de la démocratie ? A mon avis, cette annonce sur le multipartisme ne se différencie pas des autres annonces du régime faites ces derniers mois, comme la loi sur l'amnistie des opposants. Certains d'entre eux ont effectivement été libérés, mais beaucoup restent encore privés de leur liberté. Ce que l'on constate avec cette nouvelle annonce, c'est que le régime est acculé. Il essaye à tout prix de calmer les manifestants. Mais je reste très septique quant à la mise en pratique d'une véritable alternance politique par le régime actuel. Sur qui pourraient reposer les futurs partis d'opposition ? Il y a deux volets dans votre question. Les quelques opposants du régime, par exemple l'économiste Arif Dalila ou encore l'intellectuel Michel Kilo, font partie des personnalités en interne qui représentent publiquement et courageusement l'opposition, mais sans avoir de parti derrière eux. Je pense que ces personnes seraient prêtes à étudier l'annonce de cette loi de près, à condition qu'elles aient de véritables garanties, même si je les vois mal s'y engager d'emblée. Quant aux opposants de l'extérieur, je ne crois pas qu'ils pourront rentrer au pays pour jouer un rôle dans une éventuelle transition. Des gens comme Burham Ghalioum (professeur de sociologie politique à l'université Paris III, ndlr), qui vivent en Europe, soutiennent publiquement le mouvement d'opposition, mais ne veulent pas s'y substituer. Ils appuient leurs actions seulement. L'émergence de partis d'opposition était l'une des principales revendications des contestataires. Comment ont-ils reçu cette annonce ? Dans plusieurs villes de Syrie, malgré cette annonce, les contestataires ne désarment pas et continuent à manifester. Il est clair qu'ils ne s'arrêteront pas tant que cette loi n'est pas appliquée dans son intégralité. Pour l'instant, le régime se sent acculé. Il se rend compte qu'il perd la main, que ses jours sont comptés, mais je ne vois pas comment il acceptera de lâcher du pouvoir et de le partager. Dans ce cas, quelles sont les véritables raisons d'une telle annonce ? A mon avis, le pouvoir tente de calmer les puissances internationales d'une part, mais aussi la majorité des Syriens qui n'ont toujours pas rejoint la contestation. Le régime essaye de les en dissuader, en leur montrant qu'il serait prêt à passer dans une ère de transition démocratique. Si les élections se jouaient demain et que les partis d'oppositions étaient autorisés à y participer, que représenterait le parti Baas dans ce nouvel ensemble politique ? Beaucoup de Syriens, de toutes les origines, adhérents au Parti Baas car c'est le seul moyen pour eux d'avoir accès aux ressources du pays. Mais il n' y a que dans un cadre d'une liberté retrouvée qu'on pourrait savoir ce qu'il vaut véritablement. Doit-on se fier aux informations relayées par les médias occidentaux sur la contestation syrienne ? Du moment que les journalistes n'ont pas le droit d'avoir accès en Syrie, c'est très difficile de savoir ce qui se passe exactement en interne. On s'appuie sur des témoignages, sur des relais, sur les réseaux sociaux, mais il n'y a que les Syriens qui connaissent la situation exacte dans le pays. Les faces cachées de la crise syrienne Et Les moyens d'en sortir Une République Laïque et démocratique Plus de 100 jours se sont écoulés depuis le déclenchement des événements en Syrie. Personne ne s'y attendait. Les analystes de la radio BBC se posaient presque quotidiennement la question des raisons ayant permis à ce pays d'être épargné par la rébellion arabe. La réponse en fait, elle est à la fois simple et compliquée. Elle se résume en quelques mots : la Syrie, contrairement aux pays arabes secoués, ne tourne pas dans l'orbite étatsunien (Bahreïn, Egypte, Jordanie, Oman, Tunisie et Yémen), elle a vivement protesté contre la guerre de Bush en Iraq, elle soutenait la cause arabe, la résistance palestinienne et libanaise et dispose de relations extérieures indépendantes, d'où l'idée répandue : elle est immunisée. Sur le fond, ce raisonnement n'est pas faux. Mais en fin de compte, elle n'a pas été épargnée, bien que les circonstances y soient différentes. Dans cet aperçu panoramique nous tentons un exercice difficile d'éclairage sur cette question délicate en essayant de combler les points omis, volontairement ou non, par les uns ou les autres. Nous n'avons pas, bien entendu, la prétention de détenir la vérité. 1. Les faces cachées a. Evolution démographique galopante/ difficultés économiques Si la Syrie comptait 3 millions de citoyens en 1960, un demi-siècle plus tard elle oscille entre 23 et 24 millions d'habitants. Cette croissance démographique inflationniste a eu des conséquences socio-économiques négatives sur la population. L'incapacité structurelle d'absorber un chômage qui ne cesse de croitre au fil de temps en est une. Et pourtant, le pays connait une économie dynamique notamment après les allégements administratifs et le transfert de certaines activités vers le secteur privé, qui est même devenu majoritaire dans certains domaines comme le transport, l'industrie pharmaceutique ou le secteur touristique qui a connu une vraie mutation (5,9 millions touristes en 2008 contre 3,3 millions touriste en 2007 selon cyberpress.ca). La croissance oscille, selon certains sites spécialisés entre 5 et 6 % avec un pic de 8 % durant les 5 dernières années, alors qu' Abdallah Dardarie, anicien vice premier ministre pour les affaires économiques situe cette croissance à 5,5%. Chiffres-Clés de l'économie syrienne (Source : FMI – septembre 2010) Année 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 Produit Intérieur Brut (Md USD) 28,6 33,5 40,6 54,5 52,5 59,4 66,0 Croissance réelle du PIB (%) 6 5,2 6,3 5,2 4 5 5,5 Malgré tout cela, le marché de l'emploi n'arrivait pas à absorber des milliers des jeunes qui y arrivent. La société syrienne est majoritairement jeune. De ce point de vue, la jeunesse est une richesse, mais la croissance économique n'arrive pas à répondre à cette richesse humaine. Il ne serait pas du tout Surprenant et ce n'est pas un secret de polichinelle de voir une partie de cette jeunesse exprimer sa colère. Aucun pays au monde n'est en mesure de marier ce couple impossible : Natalité accrue et emploie. Des études récentes ont montré qu'un des éléments qui bride la croissance de l'économie étatsunienne est la hausse démographique depuis un certain temps. D'ailleurs, toute initiative gouvernementale afin de remédier à cette inflation s'est heurtée à un mur et aussi un refus ferme de la part des religieux qui regardaient d'un mauvais œil les incitations et les mesures qui encouragent à limiter les naissances. De toute manière, tant que la question démographique n'est pas définitivement résolue, les difficultés persisteront quel que soit le modèle politico – économique choisi. Le cœur du problème est là. Les pays arabes dits riches, l'Arabie Saoudite, Oman, Emirats Arabes Unis, Kuwait, Bahreïn connaissent aussi un taux de chômage colossal. C'est seulement grâce à l'intervention de l'Etat et au soutien du pouvoir public y compris le Conseil coopératif des pays du Golfe, en matière de logement, de soins de santé, de scolarité et même des frais du mariage que l'explosion sociale a pu être provisoirement différée. La manne pétrolière y est pour quelque chose, mais cela n'est pas à la portée de tout le monde. A titre d'exemple, Oman, a reçu du jour au lendemain, à peine une semaine après le déclenchement des manifs, un don fraternel de 10 milliards de dollars du Conseil Coopératif. Le 18 Mars dernier, par peur d'une contagion du Bahreïn, le Roi Saoudien a injecté 70 milliards de dollars dans l'économie. Selon la FAO, la Syrie qui fait partie des pays en voie de développement, est le seul pays qui a réussi à atteindre l'autosuffisance alimentaire suite à une politique agricole encourageante où la réforme agraire a été appliquée depuis longtemps. Toutefois, le pays connait depuis quatre ans consécutifs la plus grave sécheresse depuis un siècle. Le gouvernement se trouve dans l'obligation d'assurer la nourriture de 3 à 4 millions de personnes dans l'Est du pays. b. Statut quo sur les frontières : Lourd et onéreux A peine la première République est née après l'indépendance, que le pays se voit impliqué dans un conflit fleuve de 63 ans et la sortie du tunnel n'est pas pour demain. Cette implication a nécessité une mobilisation énorme de ses ressources humaines et financières. En dépit d'une volonté avérée pour la paix, toutes les tentatives engagées lors de la conférence de Madrid (1991) jusqu'à maintenant n'ont pas abouti à une solution tangible, en raison des difficultés politiques purement internes en Israël, liées au mode de scrutin, totalement proportionnel, qui empêche de dégager une vrai majorité d'une part, et à l'absence d'une volonté réelle de la part des Etats Unis et de l'Europe à convaincre l'Etat hébreu de respecter les résolutions de l'ONU. Et pourtant, les deux pays ont été à deux doigts de signer un accord global qui pacifie les relations entre les deux pays. Ehud Barak, premier ministre israélien a avoué au Martin Indyk, l'assistant du Secrétaire d'Etat Américain, qu'il ne pouvait signer l'accord négocié avec la Syrie, en raison de ses problèmes avec la coalition qu'il dirige [Charles Enderlin in Le rêve brisé ; Fayard. 2002]. A plusieurs reprises, le Président syrien s'est plaint devant des délégations étatsuniennes (membres du Congrès ou du Sénat…) de l'absence d'un dynamise fort par les administrations américaines pour la paix. Désespéré par l'attitude euro-étatsunienne, il a fini par accorder sa confiance à son voisin Turc, en raison de sa proximité et de ses relations privilégiées depuis plus de trente ans avec Israël, une sorte d'exclusivité afin de démarrer les négociations. Monsieur T.R. Erdogan, le premier ministre turc a fini à son tour, après plusieurs initiatives, par jeter l'éponge et reconnaître l'absence d'une volonté réelle chez ses interlocuteurs israéliens pour la paix. Ce statut quo est onéreux et pèse lourdement sur un petit pays comme la Syrie et constitue un obstacle réel au développement. A titre d'exemple, le gouvernement a été contraint à débourser la somme de 940 millions de dollars il y a trois ou quatre ans pour l'achat des missiles sol-air pour faire face aux violations répétitifs de l'aviation israélienne à l'espace du pays. Une somme que le gouvernement a préféré l'injecter dans l'économie. c. Caractéristiques spécifiques des événements Si les qualificatifs, révolution, rébellion, insurrection ont été employés pour désigner les circonstances ayant eu lieu dans quatre pays arabes ; les événements de Syrie, correspondent plutôt à une sédition qu'autre chose car les séditieux avaient une feuille de route. Ceux-ci, ont surfé sciemment sur les réclamations légitimes des citoyens (travail, logement, liberté et amélioration des services de l'Etat…) et ont tenté de récupérer ce mouvement pour des objectifs propres à eux. Les préparatifs (stage d'entrainement militaire et en communication….) ont démarré depuis le virage de la Syrie vers une coopération économique large avec l'Iran et la confirmation de son soutien à la résistance libano-palestinienne. La visite du Président russe Dimitri MEDVEDEF en Syrie, en 2010, a été la goutte qui a débordé le vase car le revirement syrien est net vers son ancien allié. Une base militaire maritime russe opère d'ores et déjà sur le littoral méditerranéen syrien, offrant une place de choix aux forces maritimes russes, un rêve de 300 ans qui se réalise. Ce rêve est en pleine contradiction avec la convention américano-saoudienne signée en 1945 : Pétrole contre Parachute de sécurité. De quoi s'agit-t-il ? Les américains reconnaissent la légitimité de la famille royale saoudienne comme une force dominante dans la région en assurant sa sécurité alors que celle-ci est invitée à utiliser tous les moyens (carte blanche) afin d'empêcher « l'Ours blanc » de s'approcher des eaux chaudes. La réislamisation de la région a été l'une des armes employées pour réaliser cette politique. Les wahhabites saoudiens via leur nouvelle vitrine les Salafistes et ses différentes branches (Frères Musulmans, Djihadistes,…) ont, en effet, accompli impeccablement cette mission, à coup de milliards de dollars, à une exception près : La Syrie. Ce pays demeure le dernier bastion de la diversité et de la laïcité. Il faut la corriger, la mettre à genou et tous les coups sont permis. Le rôle de la famille royale saoudienne comme le mécanisme employé pour se protéger et maîtriser le monde arabo-musulman ont été clairement développés par Alain CHOUET, l'ex-Chef de la DGSE français, lors d'un colloque qui a eu lieu au sénat cette année : videos.senat.fr/video/videos/2010/video3893.htm. d. Rôle de média Il est inutile de répéter l'importance primordiale des médias dans chaque événement dans le monde. A peine les séditieux ont-ils déclenché leur sédition profitant d'une erreur grave de la part de la police locale dans le sud du pays et en dépit des mesures disciplinaires fortes (arrestation et emprisonnement) des responsables du détachement de la sécurité en vue de les juger, les médias arabes, notamment les deux chaînes concurrentes , Al Jazzera (financée par l'émirat du Qatar, pays profondément démocratique comme chacun sait) et Al Arabiya (financée par le Royaume Saoudien, pays qu'on ne présente plus) se sont jetés sur l'affaire avec une certaine partialité. Des faux reportages (venant, pour une part des archives du Liban ou de l'Iraq), Un « black-out » total sur les marches en faveur des réformes qui sont en cours. Le seuil de rupture avec l'honnêteté journalistique de ces chaînes a été atteint en boycottant les informations provenant de Bahreïn où des lieux de prières ont été rasés et des livres saints ont été brulés. Patrick Cockburn, le correspondant de The INDEPENDENT pour l'Iraq et le proche Orient, a été l'un des premiers qui a souligné que beaucoup de reportages sur la Syrie ont été obtenus sans pouvoir les vérifier. (Lire : Don't beleive anything….The INDEPENDENT, 26.06.2011). Fabricants des zizanies… cultivateurs des haines Le pire a été la retransmission en direct d'un prêche de la prière du vendredi 25 Mars par son éminence, le Président du rassemblement international des savants musulmans, l'Imam Youssef Quardawi, via la chaîne Qatari al Jazzera. Un discours obscurantiste, un prêche indigne, un prêche de haine confessionnelle et sectaire appelant le peuple syrien à se soulever les uns contre les autres et ensuite à se débarrasser des athées et des laïques. Deux heures de haine, deux heures de non-sens. Dans les jours suivants, il n'a pas épargné des Imams syriens connus pour leur ouverture d'esprit. Chez certains docteurs en religion, il y a une certaine confusion entre la laïcité et l'athéisme. En fait, eux même connaissent parfaitement la différence entre les deux termes, mais ils font l'amalgame exprès depuis 1945 afin de décrédibiliser et mieux effacer l'une et l'autre. Ils sont à l'image de ceux qui font l'amalgame entre Islam et Islamisme afin de développer l'islamophobie. Les réseaux sociaux ont contribué aussi à cette sédition. Des fatwa de honte ont été décrétées et publiées sur le web. Nous nous limitons à souligner les plus dangereuses et les plus réactionnaires : 1. Fatwa de son éminence le Cheikh Saleh El LAHHIDAN, membre du Haut Comité des Imams Saoudiens. Son éminence a appelé le peuple au Djihad contre le gouvernement syrien même si cela devrait couter le tiers de la population, 8 millions de citoyens [interprétation de l'école Malikite]. http://www.youtube.com/watch?v=PfqG1…eature=related 2. Fatwa de son éminence, Cheikh Adnan Ar'ar qui a appelé les Habitants d'Alep (dans le Nord) à faire face contre le pouvoir même si cela devait coûter 100.000 morts. Ces deux Cheikhs ne sont que de simples exemples parmi d'autres, qui utilisent le You tube à outrance et les chaînes satellitaires mises à leur disposition. Ils ne pensent qu'à la mort, on dirait que la vie et la joie n'ont plus de place dans leur cœur ou dans leur dictionnaire. Ils nous rappellent des déclarations fâcheuses de certains responsables arabes qui se trouvaient à plusieurs milliers de kilomètres d'Israël et qui étaient prêts à se battre contre cet Etat jusqu'aux derniers soldats égyptiens et syriens. Pas moins de 125 chaînes satellitaires orientées vers la population arabe (certaines 24 / 24), ne diffusent que des émissions religieuses dont deux sont dédiées au peuple syrien. Est-ce que cela est normal au 21 me siècle? Il est étonnant aussi que le monde arabe n'ait pas pu être doté au moins d'une chaîne satellitaire laïque ! L'Islam en Syrie L'islam en Syrie est moderne et réformiste. Les syriens, vivent depuis des siècles dans une harmonie quasi-magique et une tolérance remarquable. Les syriens ont été élevés dans des écoles laïques. Ainsi, des millions des citoyens du monde viennent dans ce pays pour vivre et partager cette largeur d'esprit. Des millions de personnes viennent assister au « Baptême de tolérance » qui se déroule quotidiennement dans la salle de prière de la mosquée Omeyyade à Damas, où des chrétiens et des musulmans se trouvent ensembles dans cette salle qui abrite aussi le tombeau de Saint-Jean Baptiste. Ce n'est pas un hasard, non plus, si des aleppins musulmans ont exprimé leur chagrin et leur tristesse lorsque les autorités religieuses Grecques Catholiques ont décidé de déplacer l'icône de Saint-Georges qui se trouvait dans leur quartier vers la nouvelle église. Il est habituel aussi de voir des citoyens musulmans venir le vénérer dans la nouvelle église de Saint-Georges, saint qui, pour eux, porte le nom AL KHOUDERE. e. Evolution des événements Si en Egypte, en Tunisie ou au Yémen, le slogan principal des manifestants dès le début a été : « le peuple veut la chute du Président ». En Syrie, le mot dominant a été « Hourriyé…hourriyé…liberté ». Les marches ont ainsi pu attirer l'attention et obtenir une certaine sympathie auprès de la population. Un peu plus tard et avec l'intégration des hommes armés, bon gré mal gré, au sein des manifestations, le don a changé et le slogan aussi. L'article du Sunday Times daté du 26 juin est significatif à cet égard. Il décrit authentiquement comment des hommes armés ont intégré le cortège d'une manifestation pacifique menée par des chefs de tribus dans la ville de Ma'ret al Nou'man (pas loin de Turquie), qui réclamait à l'Etat plus d'investissement et plus de projets économiques dans leur région. Les premiers hommes armés intégrant la manif ne portaient que des pistolets ce qui est déjà une infraction à la loi. Les chefs de tribus ont pensé que ces armes devaient servir à assurer leur protection. Plus tard, des barbus sont arrivés à bord de pick-up et de voitures sans plaques d'immatriculation avec des fusils et des lances roquettes ; là, les meneurs pacifistes de cette manifestation ont compris qu'ils avaient perdu le contrôle et qu'ils avaient été piégés. Des vies humaines parmi les policiers et des réservistes de l'armée ont été sacrifiées. Ils étaient dans leur caserne au centre-ville. Pour plus de détail, lire: Syria caught in crossfire of extremists Et Islamists battle Syrian regime. (www.The SundayTimes 26.06.2011, Hala Jaber). Quant aux vies perdues, elles sont nombreuses, mais là aussi les chiffres diffèrent d'une source à un autre. Les chaînes satellitaires ont pris la fâcheuse habitude de ne pas souligner le nombre de policiers et de soldats tombés lors des attaques des personnes armées contre eux. Il aura fallu attendre un reportage de Cnn et de The Sunday Times pour admettre que le nombre de morts à déplorer parmi les services de l'ordre est impressionnant. Selon la CNN du 27 Juin, le nombre des vies perdues varie de 630 selon Madame Cha'aban à 1100 selon les autres. Quant au service de l'ordre, 400 morts sont à déplorer aussi et plus de 1100 blessés. Mais le nombre de policiers et de soldats tués a atteint maintenant les 500. 2. La crise syrienne et le monde ! a. La Russie et la Chine : Niet c'est Niet ! En deux mots, la Chine et la Russie sont déterminées à faire barrage à toute résolution de l'ONU, en raison des relations stratégiques anciennes avec la Syrie, exprimant leur satisfaction de l'ensemble des lois décrétées qui devront aboutir à une ouverture plus large et une participation plus équitable dans la société et la politique. A plusieurs reprises, des hauts responsables russes ont déclaré que la Russie soutient le pays dans sa démarche. Les responsables chinois sont en phase avec les positions russes. Les deux pays sont irrités par les pays de l'OTAN en raison de dépassement du mandat de l'ONU pour la Lybie. b. Les Etats UNIS : Ambigüité des positions ! Le 24 Avril, c'est-à-dire 40 jours après le démarrage de la sédition, les intentions étatsuniennes ont été insolemment dévoilés par la conseillère au Pentagone, Michèle FLOURNOY. Elle était tellement assurée de la réussite prochaine de la sédition menée contre la Syrie, qu'elle avait publiquement déclaré que : La Syrie retrouverait tout son calme, le jour où elle romprait avec l'Iran et le Hezbollah, et signerait un traité de paix avec Israël ! (Lire la lettre du Prêtre Elie ZAHLAOUI). Autrement dit, la rue est à la disposition de Washington, si la Syrie exécute ces consignes, TOUT ira bien pour le gouvernement, Si NON…. On ne peut plus être plus claire. L'administration OBAMA a tranché : Réforme et volontarisme dans la continuité. Bien que les relations entre les Etats-Unis et la Syrie soient historiquement du genre [Je t'aime – moi non plus]. L'administration étatsunienne de Barak Obama a apparemment opté pour « la réforme et le volontarisme dans la continuité ». Il n'est pas interdit de penser que la tension repérée entre le Président Obama et son homologue le Président Sarkozy à cause de la Lybie a aussi contribué à cette prise de position. [www.lemonde.fr /Rendez-vous raté à Tripoli. , Dernièrement, Madame Clinton a avoué que personne à l'étranger peut influer sur la situation en Syrie (16 Juillet en Turquie). L'Europe, via la France et l'Angleterre, a tenté l'obtention d'une résolution pour condamner le gouvernement syrien, mais sans succès. La Turquie : Inimitié dans l'adversité ! Après des années de tension entre la Syrie et la Turquie, les deux pays ont fini par trouver un terrain d'entente qui a abouti à la signature d'un Mémorandum de coopération stratégique dans tous les domaines. La suppression du visa des ressortissants des deux pays a été l'un des moteurs forts de cette ouverture et symbole de confiance et de respect mutuel. L'échange commercial a atteint plusieurs milliards de Dollars et afin de rendre fluide le mouvement des gens et des marchandises le nombre de points de passage entre les deux pays a été multiplié par sept (de 1 à7). Les sociétés turques ont trouvé un terrain vierge et à l'abri de la concurrence, et ont pullulé comme les champignons dans chaque coin de rues, alors que les industriels syriens ont trouvé en Turquie une nouvelle vitrine sur le monde. En bref, c'est bénéfique pour les deux peuples. A l'époque, l'opposition syrienne, qui reçoit actuellement le soutien de Monsieur Erdogan, a critiqué cet accord. La Surprise ! De ce point de vue, l'attitude de la Turquie envers la crise syrienne a été la plus surprenante. Les déclarations quasi quotidiennes de Rajab Tayyeb Erdogan, Premier Ministre Turc, ont agacé le gouvernement syrien. La tension a atteint un point culminant lors des réunions des opposants syriens dans la ville d'Anatalia à quelques kilomètres de la frontière. La présence du Secrétaire général des « Frères Musulmans » dans la réunion des opposants d'une part, et les moyens de communication mis à sa disposition, a provoqué l'indignation des partisans du gouvernement syrien. Monsieur Erdogan a ouvertement souhaité l'arrivée des « Frères Musulmans » au pouvoir en Syrie et il a essayé à maintes fois d'arranger des rencontres entre ce «parti confessionnel» et des représentants de l'état à Damas dans l'espoir de le légaliser et le faire sortir de la clandestinité, mais sans succès. Ce qui échappe à Monsieur Erdogan, volontairement ou non, c'est que son arrivée au pouvoir a été rendue possible grâce à l'article 2 de la constitution où la laïcité est inscrite noir sur blanc : « La République de Turquie est un Etat de droit démocratique, laïque….. ». De ce fait, la laïcité est un espace de liberté pour tous les partis. Le parti de l'AKP a bien profité de cet espace. Les turcs se sont beaucoup battus pour obtenir cette liberté. Il est aussi vrai que « Les Frères Musulmans » sont les mieux organisés au sein de l'opposition intérieure. A la fin des années 70 et au début de celles de 80, ils ont affronté le pouvoir militairement faisant périr beaucoup de vies. Ils sont responsables de la mort des centaines des citoyens ordinaires ayant la même confession que la leur mais leur seule erreur est d'appartenir à une autre branche de l'Islam. Alors que l'Islam interdit strictement de tuer une âme sans raison, les Frères Musulmans n'ont pas hésité à assassiner et sans discernement, des petits travailleurs, des Professeurs des facultés, des juges, des médecins et ils ont couronné leur barbarie par le massacre des cadets de l'Académie Militaire de l'Artillerie à Alep, faisant plusieurs dizaines de morts et des blessés graves. Monsieur Erdogan, en souhaitant le retour de ce parti au sein de la vie politique, non seulement s'immisce dans les affaires internes de son voisin, mais ignore ou fait semblant d'ignorer que la Syrie est une société multiconfessionnelle et multi ethnique. L'arbre ne peut pas cacher la forêt ! Il faut souligner que le parti des Frères Musulmans n'accepte dans ses rangs que des personnes appartenant à leur branche de l'Islam alors que la société comprend d'autres musulmans. Dans l'Islam il y a 73 familles ou branches, ce qui est considéré comme un signe d'ouverture, de tolérance et de richesse philosophique. L'idéologie de ce parti, consiste à instaurer une « Kalifa Islamique» qui refuse la séparation Religion – Etat. Ce sont le quatrième et le cinquième article de leur dogme. Toute personne qui n'adhère pas à cette séparation est considérée comme athée, laïque ou appartenant à une association maçonnique. Des tentatives ont eu lieu pour redorer et soigner l'image des Frères Musulmans afin de les faire accepter par les Américains comme cela a été dévoilé par le câble diplomatique 06BEIRUT2735 de 24 Août 2006. Mais est-ce que l'arbre peut cacher la forêt ? Maintenant, Si le gouvernement syrien accorde le retour aux « Frères Musulmans » pour fonder un parti et intégrer la vie politique comme tel, il sera contraint, au nom de l'égalité et de la démocratie, d'accorder la même chose aux autres composantes de la société. Ainsi, on aura des partis pour les différentes branches de l'Islam : Sunnite, Alaouite, Ismaélite, Chiite, Druze, Mourchidite…… et sans oublier bien entendu les Kurdes. Et puisque on y est, il faut penser aux différentes branches des chrétiens aussi : Syriaque catholique et Syriaque orthodoxe, Grecque catholique et Grecque orthodoxe; Armènienne catholique et Armènienne orthodoxe ; Maronite, Chaldanite, Latin et Protestant. C'est ni plus ni moins la libanisation ou l'irakisation dont les deux peuplent souffrent suffisamment. Ce n'est pas sur cette base que l'on peut vivre la démocratie ou faire vivre la démocratie. Fort heureusement, le législateur syrien de la nouvelle « loi autorisant la formation des partis politiques » a su balayer cette question, dans l'article 2 qui stipule : « Les partis politiques se forment sur la base de la citoyenneté, il est strictement interdit de former un parti politique sur une base : religieuse, confessionnelle, sectaire, ethnique, linguistique, tribale, discriminatoire ou en contradiction avec les Droits de l'homme. » Une visite du ministre des affaires étrangères turc est prévue bientôt à Damas afin de dissiper les nuages ayant brouillé les relations entre les deux voisins. Les points d'intérêts communs sont trop nombreux et le pragmatisme finira par triompher 3. Les moyens d'en sortir Une République Laïque et Démocratique Le paysage politique syrien : La Majorité : Elle est composée de plusieurs partis politiques laïcs, le Baas, le Parti Communiste, l'Union Socialiste Arabe, les Unionistes Arabes, le Nationaliste Syrien Socialiste. Cette majorité (mais pas les partis) aurait disparu sous sa forme actuelle si l'article 8 de la constitution était aboli et il y a une forte chance pour qu'il soit abrogé. L'opposition : Elle est diverse et elle commence à se restructurer, on peut distinguer : 1. L'opposition électronique et le réseau de Facebook qui ont déclenché le mouvement via les réseaux sociaux dont le responsable est un Wahhabite. Cette opposition fonctionne selon le slogan : « Pas assez » et « Trop tard ». Au début, elle appelait seulement pour la liberté et la suppression de la loi Martiale. A peine la loi a-t-elle été abrogée, qu'elle disait c'est « trop tard ». Et ainsi de suite avec les autres lois. Aujourd'hui, elle dit qu'elle ne peut pas discuter avec le régime (car…c'est trop tard). 2. L'opposition à l'étranger. Des personnes dispersées en Europe et aux Etats Unis. Elle tente à se restructurer. 3. L'opposition intérieure : Un ensemble d'intellectuels, d'écrivains, d'artistes et d' Indépendants. C'est avec cette branche que l'Ambassadeur américain est entré en contact. La première réunion de ces opposants, historique, a eu lieu le 27 Juin dernier dans un Hôtel Damascène comprenant plus de 200 personnalités. Ils viennent d'établir leur groupe de travail (04.07.2011) comme ils ont annoncé leur feuille de route appelant de tout leur vœu à une vie démocratique. Cette réunion a été saluée immédiatement par l'administration du Président OBAMA comme par la France. Ce rassemblement regroupe 14 partis et 4 entités et des dizaines des personnalités indépendantes dont les plus en vue (Michel KILO, Fayez SARA et Arèfe DALILA). Parmi les partis ayant assisté à la réunion on cite : Le parti Social Arabe, le Travailliste Communiste, Le Travailliste Révolutionnaire Arabe, Le Rassemblement de la Gauche Marxiste, Le Courant Islamique Démocratique, Un représentant de la Chambre de l'Industrie à Damas. Coordinateur Général : Hassan Abdel Azim ; Vice coordinateur : Bourhan GHALIOUN (Directeur de Centre des Etudes de l'Orient Moderne à l'Université de la Sorbonne à Paris). Un autre groupe, des centristes (200 personnes) a été créé (03.07) et porte le nom « L'initiative nationale pour l'avenir de la Syrie ». Ce groupe comprend beaucoup de personnalités indépendantes dont la plus médiatisée, le Professeur à la faculté des études islamiques, le réformiste en matière de religion Mohamed HABASH. Les centristes participeront à l'appel du 10 Juillet. Le 10 Juillet un débat national a eu lieu afin de discuter l'avenir de la nouvelle république. Des invitations ont été lancées à plus de 180 personnalités de l'opposition, des Indépendants. Pendant ce temps, plusieurs lois ont été décrétées et publiées sur le site du Conseil des Ministres (www.youropinion.gov.sy): 1. L'abrogation de la Loi Martiale. (Mis en œuvre) 2. Loi autorisant les manifestations. (Mis en œuvre). 3. Loi électorale. (législative et régionale). (Adoptée). 4. Loi autorisant la formation des partis politiques. (Adoptée par le conseil des ministres, hier) 5. Loi autorisant la liberté de la presse. (En cours) La première conférence, 17 Juillet, des laïques syriens : le parti démocratique syrien, l'union des jeunes laïques et le parti syrien national social, a eu lieu dans la ville du Jérmana (banlieue de Damas) sous le thème : La Religion est à Dieu Et Le Pays est pour TOUS UN DERNIER MOT L'expérience humaine a montré que le couple qui réussit le mieux dans les sociétés modernes est indiscutablement : la laïcité – démocratie. Car non seulement il assure l'égalité, la justice sociale, la dignité, la stabilité, et la paix aux citoyens, mais il met aussi l'homme au cœur du projet de la société. Faut-il insister sur un fait qui n'est pas aussi évident pour tous. La laïcité n'est pas en contradiction avec les religions. Il n'y a pas d'opposition irréductible entre la laïcité et l'islam, comme le démontre Ibn Khaldoun à travers l'histoire de l'islam. Selon l'islamologue français Maxime Rodinson, l'Islam est tout à fait « soluble dans la République ». Faut-il rappeler aussi que la laïcité est une façon de concevoir et d'organiser la coexistence des libertés, plus particulièrement des libertés d'opinion, de conscience et de croyance. Donc, la laïcité n'a pas l'ambition d'annuler la croyance et la foi. Elle met à la disposition des sociétés un grand espace de liberté et de tolérance. Si la Première République syrienne remonte à l'Indépendance, la Deuxième République correspond au référendum de 1971 qui a établi une constitution avec une option nette vers la laïcité, la Troisième République aura l'honneur d'être laïque et démocratique. J'ai cherché et j'ai poussé trop loin mes recherches, mais je n'ai pas trouvé un seul peuple, « génétiquement » ou « phénotypiquement », soit anti laïque soit anti démocratique. Et comme disait Pierre de Coubertin : « Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. » Fayez Nahabieh Docteur de l'INA Paris Grignon FRANCE 27.07.2011. ANNEXE 1.Syrie : Lettre ouverte d'un prêtre arabe syrien à Alain Juppé 2. http://www.vigile.net/Un-temoignage-sur-les-evenements « Il n'y a que les Syriens qui connaissent la situation exacte dans le pays » C'est faux, les syriens eux-mêmes incapable de savoir la situation exacte dans leur pays, et c'est là tout l'enjeu. Ils savent peut-être ce qui se passe dans leur rue, quartier, ville, puisqu'ils y ont acccès, mais pas dans l'ensemble du pays. Comme nous, ils regardent soit Al Jazeera, qui ne montre que les manifestations anti-régime soit la télévision syrienne, qui entreprend (et ce depuis longtemps) un véritable lavage de cerveaux (le peuplle aime son président c'est un complot Israelo-Americain, etc…). Un autre moyen d'informations est les rumeurs qui circulent, mais dont on ne peut jamais vérifier l'exactitude. On dit par exemple aux habitants d'Alep que trois femme d'Alep ont été violée et tuée à Lattakié (parce qu'elle étaient d'Alep), pour garder la majorité de la population Alepine du coté du régime. Et le même type de rumeur circule dans le camps opposé (souvent plus justifiée puisqu'on a plus d'images). Donc personne ne sait vraiment, c'est plutot une histoire de conviction. La mienne est que ce régime est pourri de l'intérieur, qu'il commet tous les jours des crimes contre l'humanité, et qu'il est incapable de se réformer.