Le temps d'une respiration dans la fureur de la métropole casablancaise, la Karosa ambulante de Mustapha Chafik dessine dans sa spirale circulaire, en mouvement son interprétation de l'art au fil de Nouzha Fennia. Comment est née l'idée de ce projet ? Cette idée fait partie d'un ensemble qui se déroule comme une spirale, dont le cercle est un élément très présent et représentatif. De prime abord, il s'agit d' un travail sur le temps et sur l'espace : un petit cercle se dessine sur un bout de papier. Cela peut être la trace de ma tasse de café, lors d'une pause dans une grande ville «machine» comme Casablanca. Ensuite, des séries de peintures circulaires sont réalisées sous les titres : «les horloges biologiques, les mandalas, les boucles, les vortex, les points, les circumambulances …» Ces dernières sont réalisées à l'aide d'un dispositif qui maintient la toile en rotation pendant que j'y interviens à coups de brosses et de couleurs. Pourquoi avez-vous choisi de travailler avec ces matériaux ? Quand j'ai été sollicité par Géraldine Paoli pour participer à Nouzha Fennia, j'ai imaginé une forme d'intervention vie, sentie pour se prêter à l'espace urbain et public. La machine à peindre est aussi une façon de remettre en question notre façon de concevoir l'œuvre d'art qui risque parfois d'être prise aux pièges par le diktat de l'offre et la demande. J'ai pensé à une déambulation en hommage aux vendeurs ambulants à Casablanca, puis à un dispositif de rotation qui est la machine à barbe à papa, qui m'a mené à la machine à peindre, qui est une façon d'interpeller les passants et de les faire participer au jeu, consistant à réaliser des peintures circulaires, le tourbillon devient lui-même son propre remède en se transformant en mandalas qui apaise puisqu'on est dans une ville qui n'arrête pas de tourner. Que souhaitez-vous transmettre à travers cette démarche ? Un partage plus qu'une transmission, un acte généreux, ludique et pédagogique car les peintures réalisées seront données aux gens qui passent et qui participent. Ils peuvent s'amuser en réalisant eux-mêmes des peintures avec cette machine, et finalement ça leur offre l'occasion d'assister, de participer et de dialoguer sur un acte de création dans un domaine souvent méconnu par le grand public, celui de la peinture et des arts plastiques. La machine à peindre est aussi une façon de remettre en question notre façon de concevoir l'œuvre d'art qui risque parfois d'être prise aux pièges par le diktat de l'offre et la demande, ou par la fascination de l'outil et de la technique. Qu'en retenez-vous ? Une intervention dans la ville doit être bien réfléchie car elle est très particulière, et souvent éphémère. On assiste parfois à des réalisations d'œuvres d'art dans l'espace public, qui sont détruites ou salies, on dit que les gens ne sont pas éduqués ou cultivés, en réalité ces interventions sont comme une greffe d'organe rejetée par le corps : le public les rejette car elles ne l'impliquent pas ou ne répondent pas à ses attentes, et l'ignorent. Souvent, c'est une peinture murale agrandie ou une sculpture monumentale, ce genre d'œuvres d'art ne se prête pas parfaitement à la rue, ou du moins pas n'importe quelle peinture ou sculpture car elles sont destinées à un lieu de silence et de contemplation qui est le Musée et la galerie. La peinture est de surcroît, unique et destinée à la collection, de l'ordre du privé et du personnel même pour l'artiste dans son atelier . La plupart des expériences précédentes dans la ville de Casablanca consistaient à reproduire à grande échelle, le même travail réalisé par les peintres/sculpteurs, dans leurs ateliers, sans réflexion par rapport au contexte ou à l'espace. Que vous inspire votre participation à Nouzha Fennia ? J'ai déjà participé l'année dernière à Nouzha Fennia avec une installation à Arsat Zerktouni avec la troupe Touareg et l'association Madar dans l'ancienne médina, ce fut une expérience enrichissante. J'étais impressionné par la sympathie et la réceptivité des habitants, ça permet de partager et de faire des rencontres avec et entre les passants qui ne faisaient que se croiser. Ces réalisations permettent de vivre la ville autrement pour l'artiste et pour le public, c'est une vraie aventure esthétique. Villa des Arts de Casablanca. Entrée libre Jeudi 14 juillet à 20h. Aucun article en relation !