Les parquets ont liquidé plus de 497.000 plaintes en 2024    Système électoral : Renforcement de la participation des jeunes à la vie politique    Ministère public : Un déficit d'environ 800 juges à combler    Une ligne à grande vitesse au cœur de la Chine historique    Administration fiscale : le FMI met en avant les réformes et avancées réalisées au Maroc    Info en images. L'aéroport de Casablanca franchit le cap de 11 millions de passagers    OMPIC : 92.232 entreprises créées à fin octobre    Kabylie indépendante : mise au point d'Aksel Bellabbaci après les déclarations d'Abdelilah Benkirane    Vague de Froid à Ifrane et Boulemane: Plus de 1.600 ménages bénéficient des interventions de la Fondation Mohammed V pour la solidarité    Agadir : Le CHU Mohammed VI réussit la première intervention de reconstruction de l'urètre par microchirurgie    Alerte météo: Averses orageuses, chutes de neige et temps froid jusqu'à dimanche    Tehraoui inaugure le CHR de Fquih Ben Salah et 14 centres de santé à Azilal    "Bollywood roadshow de dancing Dj Naz" signé Tendansia : Un grand spectacle 100% bollywood investit le maroc les 28 et 29 janvier    Déclaration conférence De Presse de Walid Regragui    Réforme 2026 du régime fiscal CFC : ce que les salariés doivent savoir    Saïd Amaghdir : "Les OPCVM participatifs font leur entrée officielle dans le droit marocain"    Agence Marchica: 900 millions de DH pour accélérer la mise en œuvre de projets structurants    Déclaration du sélectionneur malien Tom Saintifiet    Selon Regragui, la CAN 2025 sera « la plus difficile à gagner »    De Casablanca à l'Olympia: Comediablanca entame la 1ère étape de sa tournée internationale    Bourse de Casablanca : ouverture en hausse    Colonisation française : une loi algérienne ravive les tensions diplomatiques avec Paris    Israël rejette l'appel de 14 pays à cesser l'expansion des colonies    CAN 2025 : Les favoris prennent déjà position après la première journée    CAN 2025 : Conférence de presse de Regragui ce jeudi    CAN 2025 : Zinedine Zidane à Rabat pour suivre le match de l'Algérie    Prévisions météorologiques pour jeudi 25 décembre 2025    Défense : L'Inde livre les premiers blindés WhAP 8×8 produits à Berrechid pour les FAR    Fortes pluies, chutes de neige et temps froid, de mercredi à samedi, dans plusieurs provinces du Royaume (Bulletin d'alerte)    USA-UE : Washington sanctionne des personnalités européens    Palestine : Poursuites des attaques israéliennes    Essaouira. « Jazz sous l'arganier » revient pour une 9ème édition    Système électoral : vers un renforcement de la représentation des jeunes, des personnes en situation de handicap et des MRE    Coupe d'Afrique des Nations Maroc-2025 : Agenda du mercredi 24 décembre 2025    La CAN 2025 à l'épreuve du marché noir de la billetterie    Températures prévues pour jeudi 25 décembre 2025    La Chambre des conseillers adopte à l'unanimité la loi réorganisant le Conseil national de la presse    La vigilance « grand froid » déclenchée en France    Moroccan judiciary institutions join national portal for access to information    RedOne: Je porte le Maroc dans mon cœur, partout où je vais    Réforme de la profession d'avocat : Ouahbi se heurte à nouveau au refus des barreaux    L'or franchit pour la première fois le seuil des 4.500 dollars l'once    Palestiniens et amérindiens : Comparer, oui, mais pas n'importe comment    Province de Midelt: Un hôpital militaire de campagne à Tounfite au profit des populations affectées par le froid    Revitaliser la culture populaire à travers les trains : la Chine lance une expérience hivernale innovante    Interview avec Dr Guila Clara Kessous : « L'inscription du caftan marocain à l'UNESCO est un moment de justice culturelle »    Cinéma : les projets retenus à l'avance sur recettes (3e session 2025)    Au MACAAL, Abdelkébir Rabi' explore l'infini du geste intérieur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Benotman et Guemriche dans le Dictionnaire des Personnages populaires de la littérature
Publié dans Le Soir Echos le 02 - 06 - 2011

En introduction au foisonnant Dictionnaire des personnages populaires de la littérature des XIXe et XXe siècles par 100 écrivains d'aujourd'hui (Seuil, 2010), les directrices d'ouvrage, Stéfanie Delestré et Hagar Desanti préviennent: « la raison nous a commandé de concentrer notre aire de recherche sur l'Europe occidentale et l'Amérique du Nord ».
Ce parti-pris s'explique certes par la nécessité de concocter un ouvrage maniable par les lecteurs, et ce dictionnaire, dans les limites qu'il respecte, atteint déjà près de 800 pages qui se fréquentent avec allégresse.
On y retrouve la Esmeralda de Victor Hugo et le Robinson Crusoé de Defoe, le Martin Eden de Jack London, dont Driss Chraïbi avait composé une adaptation radiophonique pour France-Culture, la Folcoche de Vipère au poing, le fameux roman d'Hervé Bazin, le grand Meaulnes d'Alain-Fournier et le James Bond d'Ian Fleming, mais aussi Emma Bovary dont Gustave Flaubert disait : « c'est moi », la Lolita de Vladimir Nabokov et le commissaire Maigret de Simenon.
Tous ces personnages et une foule d'autres sont réenchantés sous la plume d'écrivains d'aujourd'hui. L'une de mes joies de lecteur du Dictionnaire des personnages populaires de la littérature des XIXe et XXe siècles, aura été d'y retrouver un auteur singulier et attachant, Abdel Hafed Benotman en portraitiste de Spartacus, celui-là même qu'Arthur Koestler présentait ainsi : « Spartacus descendait d'une famille de pâtres nomades : il était né dans une petite bourgade d'où il tirait son nom. Il était sans éducation première, mais possédait au plus haut point le don d'absorber toutes les leçons, d'en contrôler la valeur et de les transformer immédiatement en actes ».
Benotman l'évoque avec un grand lyrisme, lui que l'éditeur présente comme « écrivain français longtemps sans-papiers » et dont je vous disais il y a plusieurs mois le charme puissant qu'il avait su donner à son roman Eboueur sur échafaud (Rivages,2009). Benotman interroge le « crime» de Spartacus et l'énonce ainsi : « Avoir métamorphosé la cruauté des armes, pour le plaisir sanglant des puissants, en fraternité des armes pour la liberté et la dignité des plus pauvres ».
Ne reculant devant rien, comme à son habitude, car Benotman est un réfractaire-né, il émet une audacieuse hypothèse : « Jésus-Christ lui-même, soixante et onze ans plus tard, a peut-être calqué son amour du genre humain sur le respect que Spartacus avait pour l'autre… On peut rêver et le croire. Spartacus, un Christ avant l'heure ? »
Un autre écrivain dont je vous ai déjà vanté le talent, le lexicologue Salah Guemriche, auteur du quasi-fameux Dictionnaire des mots français d'origine arabe (Seuil, 2007) s'est penché, lui, sur la figure de Meursault dans L'Etranger d'Albert Camus. Son analyse débouche sur une proposition audacieuse à partir du fait qu'« un grand lecteur, Edward Saïd, refusa, lui, de voir dans L'Etranger, une parabole de la condition humaine. Pour l'intellectuel américano-palestinien, qui replace le roman dans son contexte (l'Algérie coloniale), Meursault est le type de « personnage sans histoire», évoluant « dans un cadre qui (…) paraît fortuit, sans rapport avec les graves problèmes qu'il pose ». Autant dire que Meursault serait lui-même un personnage fortuit ? Fortuit, parce que absurde ? « Le soleil tue les questions », en effet. Et la mer serait là pour les noyer… Mer, soleil ; mère sol. Oui : et si tout Meursault, demande Guemriche, était dans Albert Camus, comme un « extrait » d'auteur ? Littéralement : toutes les lettres de Meursault sont contenues dans Albert Camus ».
Que cette hypothèse ne nous éloigne pas pour autant de Tartarin de Tarascon qu'Alphonse Daudet dépeignit tenant d'une main un livre tandis que, « de l'autre il brandissait une énorme pipe à couvercle de fer ». Jean-Pierre Jody le définit dans une impitoyable entrée comme « un gros couillon boursouflé de cette bêtise joviale et naïve, tantôt attendrissante, tantôt redoutable, qui laisse le regard en suspens entre la compassion et la moquerie. De ces consciences tranchées, aux certitudes définitives, dont on ne peut jamais savoir si elles vont produire le meilleur ou le pire ».
Une sorte de mélancolie, malgré les sourires, les émois et les trophées, nimbe ce Dictionnaire… aux vastes ressources car, ainsi que l'explique l'écrivain et psychanalyste Michel Schneider : « les mythes et leurs héros sont immortels, mais les romans et leurs personnages non. Humbert et Lolita mourront. Chacun de ce qu'il avait voulu fuir : elle la maternité, synonyme de devenir adulte, lui une maladie du cœur, l'autre nom d'une peine d'amour ».
Les derniers mots du roman ? « Ma Lolita. » Le cercle se referme. Mais sur quoi ? Sur qui ? Sur le temps. La vie qui a passé si vite et a effacé les êtres dont ne reste que le nom. Car, souvenons-nous que Tartarin, dont le nom vient du bavardage hâbleur (en arabe) est celui, Jody nous le rappelle, qui n'a jamais quitté sa ville, et « ira, à reculons et poussé par aiguillon de la vanité, traquer une proie digne de lui : le lion d'Algérie. Pour n'y tuer qu'une vieille bête aveugle et apprivoisée ». A vous d'apprivoiser ce Dictionnaire bien vivant et passionnant.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.