Abdelhay Laraki signe son nouveau film, Les ailes de l'amour. En salle depuis le 27 avril dernier, il suscite déjà un vif engouement. Le cinéaste revient sur les temps forts de cet opus. Entretien inspiré. Par mon premier souvenir, qui était un film de François Truffaut, Les 400 coups. J'avais onze ans et j'ai tenté d'aller le voir à l'entracte alors que mon professeur de la mission culturelle de Meknès, me l'avait interdit. Le lendemain, j'ai fait l'école buissonnière pour la première fois car je voulais absolument voir ce film, qui traite de la révolte d'un jeune garçon envers la société, auquel je me suis naturellement identifié. J'allais à la rencontre de deux interdits : voir ce film qui m'était interdit et sécher les cours. Les années passant, j'ai fait une école de cinéma, l'Ecole Vaugirard, puis un troisième cycle axé sur le documentaire et le cinéma direct à Paris I. Pour en revenir au film de Truffaut, j'ai réalisé en 1992 un moyen-métrage de 50 minutes, intitulé Les 401 coups, lui rendant ainsi hommage. Je préfère le titre arabe, «Ginah l'hawa», qui renvoie à l'amour et à la passion, mais il a fallu trouver un titre en français, moins fort que celui en arabe. A l'issue du film Parfum de mer en 2005, étant sujet à des insomnies, une amie m'a donné le roman de Mohamed Nedali. Je l'ai achevé en trois heures, ne parvenant pas à m'en défaire. Il s'est ensuite gravé dans ma mémoire et ne m'a plus quitté. Six mois après la sortie de Parfum de mer, j'ai, pour la première fois, eu envie d'adapter Morceau de choix en long-métrage. C'était l'histoire de quelqu'un d'autre et cette histoire devenait une part de moi-même, l'histoire de Thami devenait mon histoire. J'ai contacté l'éditrice, une grande dame de l'édition, afin de lui faire part de mon projet d'adaptation. Elle a d'emblée accepté que j'acquière les droits d'auteur. Et j'ai enfin rencontré l'auteur, Mohamed Nedali. Je me suis rendu à Tahanaout où il vivait. Il a tenu à m'inviter chez lui, où j'ai vécu pendant une semaine aux côtés de sa famille et j'avais l'impression d'être en présence d'un vieil ami. L'histoire de Thami était un peu la sienne. Nous étions dans un dialogue et un absolu libre-échange. En majeure partie. J'ai également fait appel à une scénariste française, Violaine Bailé, car le scénario impliquait un point de vue féminin, sans détours ni tabou, complémentaire à mon regard. Je trouvais l'écriture trop masculine. Elle connaît bien le Maroc, pour y avoir vécu et travaillé. Nous avons réécrit pendant six mois et sommes revenus sur le rapport à l'amour et au désir de Thami. Dans le roman, Zineb est répudiée par son mari, ce qui cinématographiquement ne révèle rien. A l'écran, il fallait qu'on sente qu'elle pouvait mourir pour Thami et inversement. Dès l'écriture du scénario, Omar Lotfi est apparu à mon esprit. Mais il me fallait trouver une comédienne qui incarnerait Zineb. Ce couple devait dégager une parfaite symbiose. Je tenais à ce que ce couple se libère par et grâce à l'amour. C'est une révolution par l'amour. On ne soupçonne jamais que l'adultère concerne l'homme. Alors que Hafzia Herzi devait être Zineb, son agent m'a appelé pour me demander de retarder le début du tournage d'un mois car elle devait achever un autre film. Je ne pouvais pas accepter, j'ai refusé et je n'ai pas regretté mais j'étais déprimé, je n'avais plus d'actrice. Finalement, j'ai découvert Ouidad Elma, qui a un rapport extraordinaire à la lumière. Et qui avait vécu un rapport avec son père similaire à son personnage.