Ovni de la scène cinématographique française, Rabah Ameur-Zaïmèche a évoqué, au fil de ses films, la réalité franco-maghrébine. Après avoir filmé la vie après la double peine, le retour au pays natal, la complexité des rapports entre patron et salarié au sujet de la pratique du culte, il laisse déjà une œuvre sociétale à coups de trois films. Filmé à l'état brut en caméra à l'épaule, ce qui confère à l'image de « Wesh Wesh » un grain filmique proche du documentaire et signe la patte artistique sauvage, instinctive de Rabah Ameur-Zaïmèche, cet ouvrage s'attarde sur le constat de Kamel, qui découvre son quartier après son absence. U n premier film évoque souvent une réalité inspirée de l'histoire d'un cinéaste où de ce qu'il s'est attaché à observer autour de son environnement. De là à affirmer qu'une œuvre dit indéniablement les questionnements et le constat d'une société d'après son auteur, certainement. C'est ce que peut révéler le cinéma du réalisateur franco-algérien Rabah Ameur-Zaïmèche. Pur autodidacte, son premier opus « Wesh Wesh, qu'est-ce qui se passe ?», réalisé en 2002, souffle un nouveau genre sur la scène cinématographique de l'Hexagone. Il produit, réalise et interprète le rôle principal du film. « Wesh Wesh » sort en salles le 30 avril, à quelques semaines du mois de mai et du triomphe électoral de Front national en cette période. Il met en scène Kamel, de retour de prison après avoir purgé ce qu'on appelle la double-peine : une double peine de prison. Qui a également fait l'objet d'un titre intitulé « Double peine », interprété par le groupe Zebda. « Je suis celui qu'on a puni deux fois. Ici et puis là-bas. On m'accuse d'être de toutes les combines. Quatre épouses et combien de concubines. Je sais bien que ce n'est pas là le moindre défaut. Et qui prend l'ascenseur pour l'échafaud, hein ? Je fais la confidence à ces tordus… ». Kamel n'a ni épouse ni concubines mais sa famille, modeste, simple, est heureuse de sa libération. Il renoue avec la vie de son quartier, à Montfermeil, réputé dangereux et situé en Seine-Saint-Denis. Il tente de se réinsérer dans le monde du travail. Filmé à l'état brut en caméra à l'épaule, ce qui confère à l'image de « Wesh Wesh » un grain filmique proche du documentaire et signe la patte artistique sauvage, instinctive de Rabah Ameur-Zaïmèche, cet ouvrage s'attarde sur le constat de Kamel, qui découvre son quartier après son absence. Témoin de la fracture sociale, il assiste à la tension, palpable, à la jeune génération aux prises avec l'ennui et le manque de perspectives, condamnée à une autre forme de peine… exclue de la capitale et du boom économique. Il faut attendre l'année 2006 pour retrouver Kamel dans le second long-métrage de Ameur-Zaïmèche. A peine sorti de prison, il est expulsé en Algérie, purgeant ainsi sa double peine. C'est une Algérie à peine remise de la décennie noire que révèle la caméra du cinéaste. Kamel retourne sur les traces de son enfance. Les relations hommes-femmes sont bridées, et la seule femme que Kamel rencontre sur sa terre natale est Louisa (Meriem Serbah). Après une violente dispute avec son mari, qui l'abandonne sur le bord de la route en emportant leur fils, elle passera par un internement en hôpital psychiatrique. Lieu de refuge de nombre de femmes en détresse à cette époque, la jeune Parisienne réalise son rêve : chanter, pour ces femmes. On en retient une réplique chargée de lucidité de la part d'une femme réellement internée et incarnant son propre rôle : « Les vrais fous sont dehors, pas ici ! ». Belle leçon de vérité, jusqu'à son dernier film, « Dernier maquis », réalisé en 2008. L'œuvre, présentée à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, clôt la trilogie. Elle met en scène Mao, patron d'une entreprise de palettes qui va désigner sans concertation l'imam destiné à s'occuper d'un espace de prière, suite à la demande de ses employés. Le regard de Ameur-Zaïmèche est plongé entre contemplation et respiration, réflexion aboutie et libre. Loin de prendre position, entre les rapports de force qui éclatent à travers ce patron manipulateur et égoïste, Rabah Ameur -Zaïmèche signe là son grand œuvre, un cinéma vérité au diapason avec la vie sociétale : « C'est un peu notre dernier espoir, notre dernier maquis », conclut-il.