Le Maroc comme creuset de la diversité, telle est l'idée que Marocains Pluriels tente d'ériger en valeur fondatrice d'un projet de société moderne.les FAR, créées le 14 mai, ou la Police nationale, le 16 mai. Comment est née l'association Marocains Pluriels ? L'idée est née il y a un an, de la rencontre de Marocains de l'étranger avec des Marocains qui n'avaient jamais quitté le Royaume. Nous avons découvert que nous nous connaissions peu les uns les autres. Les Marocains d'ici ont une idée biaisée sur les Marocains du monde, et nous-mêmes, qui avons grandi ou étudié à l'étranger, nous avions une impression tronquée sur les Marocains d'ici de notre génération. La discussion s'est ouverte sur la diversité, pour aboutir à l'idée de créer cette association. Nous nous sommes également rendu compte que certaines forces dans le pays veulent fermer les portes et les fenêtres pour cantonner les jeunes marocains à une identité tronquée. Nous sommes des arabo-musulmans mais avec la composante de la berbéritude, l'héritage andalou, l'héritage de l'Europe. Nous voulons montrer que l'identité marocaine est une mais qu'elle est faite plein d'affluents et confluents. Le repli identitaire est suicidaire, quel que soit le pays. Par quels moyens l'association Marocains Pluriels promeut-elle la diversité ? Nous voulons privilégier 2 types d'actions : un espace de dialogue et débat, tout en gardant un ancrage sur le terrain. Notre siège social, « Espace Pluriels » est au cœur d'un quartier populaire de Mohammedia. Nous voulons ainsi marier activités d'envergure et actions de proximité. Nous ne voulons pas nous adresser qu'aux convaincus, il faut aller sur le terrain. En octobre, nous allons organiser un débat à la Bibliothèque Nationale, puis faire le tour des universités. Le projet porté par Marocains Pluriels entend contribuer à l'avancement du pays vers la modernité. Quelle est cette modernité « bien comprise » que vous concevez pour le Maroc ? Nous voulons éviter à tout prix le choc des cultures, et mettre en avant leurs métissagedes cultures. La modernité ne signifie pas dénaturer, mais au contraire, cela s'adapter et préserver ce qui est précieux chez nous, tout en s'enrichissant de ce qui vient d'ailleurs. Il n'y a pas de raison d'avoir peur. La nature de notre population fait que la mixité existe déjà, avec 5 millions de Marocains à l'étranger. Lorsqu'ils reviennent chaque été, ils sont vecteurs de pluralité et diversité. Plutôt que de les regarder d'un œil critique, nous pouvons saisir cette chance. Le Maroc n'est jamais aussi fort que lorsqu'il s'ouvre sur les autres. Le Marocain par essence est ouvert sur l'autre, par son hospitalité, sa capacité à apprendre les autres. Essayons d'être des enfants de l'addition, et non pas de la soustraction ou de la division. Une composante forte de l'association réside dans le dialogue des religions. Quelle est la position de Marocains Pluriels par rapport à la laïcité ? Nous ne sommes pas une association laïque ou qui prône la laïcité. Nous sommes pour les libertés individuelles et pour l'épanouissement de l'individu dans le respect du cadre légal du pays. La laïcité est très spécifique à la France. Au Maroc, elle n‘a pas la même signification. Nous sommes musulmans, avec une composante juive, qui a tout à fait sa place dans notre société. Nous sommes un pays musulman mais il faut respecter ce qui fait le fondement de notre identité culture, dans le cadre légal des libertés individuelles. Respecter l'autre et s'ouvrir à l'autre ne signifie pas devenir laïc. Nous voulons respecter chacun dans ce qu'il est. Quels sont les points de blocage dans la société marocaine qui empêche le dialogue et l'ouverture ? Le système éducatif est à revoir. Si les éducateurs, au sens large, n'ont pas la volonté ou la possibilité de transmettre les valeurs d'ouverture, de respect et de partage à leurs enfants, ceux-ci sont tronqués dans leur identité et dans leur ouverture sur le monde. L'éducation était faite pour que l'enfant vole de ses propres ailes, c'est là que le nœud gordien se trouve. Il y a également un manque de lieux pour permettre l'ouverture, comme des bibliothèques ou des centres culturels. Puis, il y a le discours d'une certaine force, qui rejette tout ce qui n'est pas « nous » ou « notre culture ». Notre association est une voix. Ce que nous faisons ne peut pas plaire à tout le monde, mais c'est un choix. Pour conclure, quelle serait la définition d'un Marocain Pluriel ? Le Marocain Pluriel est celui dont l'ouverture d'esprit fait qu'il donne une image valorisante de l'addition, c'est un enfant de la confluence. Il est ouvert sur l'autre tout en étant sûr de ce qu'il est. C'est comme être une forme de buvard qui absorbe ce qui vient à lui et le regorge. C'est écouter, apprendre, entendre, voir, apprécier et s'enrichir. Où qu'il aille, quelles que soient les rencontres, le Marocain Pluriel a une oreille réceptive, il ne rejette pas mais s'enrichit, existe avec l'autre.