La rentrée scolaire approche annonçant la fin de la récréation pour tout un peuple assommé par la canicule ramadanesque. Depuis quelques semaines, notre économie semble tourner au ralenti et cette morosité est ressentie par l'ensemble des opérateurs tous secteurs confondus : du coiffeur au cafetier, du taximan au promoteur immobilier en passant par les commerçants. Même les banquiers se plaignent et leur activité se résumerait, nous dit-on, à monter des dossiers de rééchelonnement et de consolidation de crédits au lieu d'ouvrir de nouvelles lignes. Pour le gouvernement, l'économie marocaine se porte bien grâce à la bonne tenue de la consommation des ménages et à une politique publique appropriée. Le PIB continue de progresser à un rythme annuel de 4%. Les crédits à la consommation ont augmenté de 16% à fin juin 2010 par rapport à la même période en 2009. La campagne agricole 2009-2010 est bonne et la prochaine s'annonce sous les meilleurs hospices. Le taux de chômage se maintient et la bourse reprend des couleurs après une année 2009 morose. Nos responsables expliquent dans les couloirs que la morosité ressentie, si elle est avérée, serait due à un ralentissement classique observé pendant les périodes de vacances et le mois de Ramadan. Si la campagne agricole est relativement bonne, les récoltes céréalières affichent un recul de 25% par rapport à l'année précédente ; même repli constaté pour les primeurs, le sucre ou le lait. Le nombre de transactions immobilières est en chute de 15% en 2010. En comparant juillet 2010 par rapport à juillet 2009, les recettes fiscales liées à l'Impôt sur les Sociétés (IS) diminuent de 22% alors que l'évolution attendue par la loi de Finances était de – 9%. Ces chiffres laissent clairement entrevoir que le ralentissement de l'activité économique est sérieux. Les déclarations, répétées et mal inspirées, du gouvernement qui annonce la rigueur laissent entrevoir un ralentissement de l'appui étatique à une économie qui donne des signes d'essoufflement à cause de 3 facteurs. Primo, l'environnement international est défavorable pour le Maroc car ses partenaires économiques traditionnels sont en crise profonde et il y a une très forte tension sur les produits de base que nous importons notamment en ce qui concerne l'alimentation et l'énergie. Secundo, le tissus social du pays est immature gangréné par un analphabétisme encore important, une corruption non maîtrisée et une culture du savoir-être complètement ignorée. Tertio, la manne financière soutenant les projets est encore trop faible ; le Maroc étant l'un des derniers pays à respecter les critères de Maastricht qui ne le concernent pas. Le Maroc doit diversifier ses échanges économiques traditionnellement tournés vers la vieille Europe et plus particulièrement vers la France et l'Espagne. Des stratégies claires doivent être déployées pour développer une intégration socio-économique avec les puissances émergentes des pays BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) qui affichent une santé économique de fer; le défi stratégique majeur étant de spécialiser notre économie pour accompagner le développement des BRIC au lieu de tenter, vainement, de concurrencer ces mêmes pays pour servir des marchés occidentaux en perte de vitesse. Notre tissu social doit être mobilisé pour, et dans l'ordre, étouffer les nids grossiers de corruption, éradiquer durablement l'analphabétisme et construire un système socio-éducatif apte à promouvoir la responsabilité, l'initiative et la communication. La dynamique d'une nation se construit aussi autour de causes qui la transcendent et à travers des messages d'espoir dépassant ses frontières. Le Développement durable peut devenir la cause mondiale du Maroc fédérant des énergies nationales et internationales autour de ce défi planétaire. En ce qui concerne la manne financière, le Maroc a encore de larges marges de manœuvres. L'Etat peut encore s'endetter à hauteur de 15% de PIB supplémentaires pour accompagner son développement tout en respectant les fameux critères de Maastricht. Cette dette n'étant mobilisable qu'une seule fois, il conviendrait de la mettre au service d'une stratégie d'investissement bien étudiée au lieu de laisser timidement filer le déficit budgétaire. L'inflation peut doubler voire tripler sans impacter nos fondamentaux et les économistes de la Banque du Maroc ne doivent pas hésiter à utiliser tous les instruments à leur disposition pour piloter notre économie au lieu de se fier à un panier de devises figé et à une orthodoxie financière dogmatique aliénant tout volontarisme stratégique et encore moins tactique. Notre pays est en crise malgré le déni de réalité affiché par les pouvoirs publics. Cette situation de crise exige une redéfinition de notre projet de société afin de lui donner une dimension nouvelle avec un positionnement mondial et un modèle de développement cohérent. Cette nouvelle dimension consolidera les acquis de la dernière décennie et inscrirait la plupart de nos plans stratégiques en son sein mais comme disait Keynes : «La difficulté n'est pas de comprendre les idées nouvelles, mais d'échapper aux idées anciennes».