Le Maroc reprend espoir. Mais l'a-t-il jamais perdu ? Aujourd'hui, les indicateurs du HCP incitent à l'optimisme. La reprise se confirme. Même si l'année agricole affichera une baisse par rapport à la compagne précédente, elle reste dans la moyenne des cinq dernières années. Les exportations repartent à la hausse et il y a de bons espoirs pour deux secteurs clés : le tourisme et les transferts des RME. Cependant, tout n'est pas parfait. Les investissements étrangers auraient accusé un recul de 52%. Ajoutons à cela que le tourisme compte encore essentiellement sur les ressortissants européens. Ils étaient, selon le ministère du Tourisme, plus de 1,7 million à visiter notre pays pendant le 1e trimestre 2010. Nos RME sont en grande majorité installés dans la zone euro. Aussi est-il normal que nous scrutions avec beaucoup d'intérêt ce qui se passe de l'autre côté de la Méditerranée et les nouvelles qui en proviennent ne sont pas toujours bonnes. Crise de l'économie À peine sommes-nous sortis d'une crise financière, à peine avons-nous oublié le tragi-comique épisode de la grippe A, et alors que nous ne sommes pas encore remis des effets du volcan islandais, voilà que la crise grecque prend des proportions importantes et menace d'entraîner l'Europe et le monde dans une autre tourmente. Cette série de crises montre bien que celles-ci font désormais partie de la réalité des économies modernes. Le prix Nobel de l'économie, Joseph Stiglitz, évoque dans son livre le triomphe de la cupidité le mal principal des économies modernes. Elles sont trop cupides et peu morales. L'image forte du livre reste ce parallélisme que l'auteur instaure entre la fin du communisme, symbolisé par la chute du mur de Berlin, et la fin d'un capitalisme à la Reagan, symbolisé par les crises financières successives. Le triomphe de la cupidité et la confiance aveugle dans un marché libre obsédé par le court terme et la déréglementation totale, sont pour lui les principales raisons des dérives actuelles. Les solutions apportées, aussi spectaculaires soient-elles comme les dernières mesures pour sauver la Grèce, ne seraient en réalité que des mesures palliatives qui permettent à un système malade d'être relancé. Un monde sans éclat Quand on y réfléchit un peu, cette crise est d'abord une crise éthique. La crise financière peut se résumer dans la volonté des banquiers à réaliser des bénéfices sans se soucier de la solvabilité de leurs clients. La crise grecque est la conséquence d'un mensonge sur l'état réel des comptes d'un pays. La Grèce a menti, elle a trafiqué ses comptes, elle s'est comportée comme un vulgaire escroc. Ce n'est pas une image reluisante que nous donne l'économie moderne ces derniers temps. Le libéralisme est désormais associé à un modèle fragile, générateur de crises. Les politiques se sont nourris des performances à court terme politiquement rentables mais au prix de déficits budgétaires et d'endettements toujours plus grands. Les entreprises ont perdu de leur éclat d'entreprises triomphantes, toujours plus grandes, plus performantes et plus conquérantes. Elles sont devenues des sortes d'antihéros voraces et immorales. Enron, General Motors, Total et aujourd'hui BP, sont médiatisées par les dégâts qu'elles ont causés. D'autres entreprises ont défrayé la chronique par des licenciements massifs, suite à des délocalisations leur permettant de gagner plus. D'autres encore se sont illustrées par le stress et le désarroi où elles ont mis leurs employés acculés au suicide comme chez France Télécom. L'entreprise comme modèle Pourtant, ce modèle en crise est celui qu'on voudrait copier. L'Etat doit être géré comme une entreprise, les administrations doivent se conformer au modèle et l'éducation s'en inspirer. On sublime les faiblesses en les ramenant à des accidents de parcours. Si notre système éducatif est si peu performant, c'est parce qu'il s'éloigne du modèle «entrepreneurial» rentable et efficace. Tout ce que notre université ne sait pas faire, l'entreprise le ferait bien. Le conditionnel se justifie dans la mesure où l'image de cette entreprise modèle reste plus fictive que réelle. Notre enseignement est non rentable parce qu'il produit des compétences «invendables», parce qu'il coûte trop cher. L'université est sommée de se conformer au modèle économique de l'entreprise et celle-ci lui donne même des leçons d'efficacité dans la formation. L'entreprise devenue «apprenante» dispense une formation utile dont l'objectif est sans complexe la recherche de plus de rendement et non nécessairement de plus d'épanouissement des personnes formées. Pourtant, l'entreprise elle aussi, dans un monde où les repères sont mouvants, cherche à adoucir une image négative d'une machine qui broie dans sa marche triomphante tout ce qui se trouve sur son chemin. Une marche qui se traduit par une lutte acharnée contre les concurrents où l'espionnage, les licenciements, les délocalisations, sont considérés comme des moyens légitimes. L'entreprise est condamnée à être plus réactive, plus flexible, ce qui se traduit par plus d'instabilité et la perte de valeurs permanentes. D'ailleurs, toutes les évolutions récentes montrent que les entreprises cherchent à se donner un visage plus «humain». Le respect de l'environnement, le développement durable, la responsabilité sociale, la morale, l'éthique sont des qualificatifs que les entreprises n'hésitent plus à mettre en avant, même si ces principes se mettent aussi au service de la rentabilité. Au moment où les questionnements sur le modèle économique sont plus lancinants, où l'entreprise est en crise de valeurs, un modèle théorique se donne comme exemple pour les universités. Ce modèle économique est à la recherche d'une valeur fondamentale que l'enseignement est souvent appelé à délaisser: l'éthique qui, sans être économiquement rentable, reste notre fond humain non négociable.