Sa présence en 2010, trois ans après la présentation au public meknassi de «Azur et Asmar», est telle un cadeau pour les dix années du festival international du cinéma d'animation. À ville généreuse telle que Meknès, homme généreux. Plus qu'un simple invité d'honneur, Michel Ocelot y a présenté en avant-première mondiale son dernier chef d'œuvre «Dragons et princesse». Au sein de l'Institut français de Meknès, le réalisateur enchaîne tables rondes, projections et réunions. Arrêt sur images et explications qui ont animé le master-class que le réalisateur a engagé. Leçon de parcours Ocelot est un réalisateur français qui s'illustre dans le cinéma d'animation. Il a vécu son enfance en Guinée, son adolescence à Angers, et vit maintenant à Paris. Âgé de 67 ans, Ocelot continue de nous faire rêver par son art consommé du cinéma d'animation. Invité d'honneur pour les dix ans du FICAM, il a fait de sa leçon de cinéma une séance de confessions, de partage et d'exhibitions de ses personnages sur maquette initiale devant un parterre composé d'étudiants installés aux premiers rangs, de journalistes et d'un public curieux de voir l'artiste décoder les mystères de ses films. Très attaché à essayer de faire les choses le plus simplement possible, Michel Ocelot ne cessera de le répéter au fil des projections de séquences des films qu'il a eu à réaliser ces dernières années. «Faire toujours des choses compliquées n'est pas vraiment une bonne idée», affirme-t-il dans son exposé. Sachant qu'un court ou un moyen métrage requiert un travail d'écriture de 6 mois à une année et une durée de montage du projet allant jusqu'à 2 ans et demi de labeur acharné, le réalisateur compte a son très riche palmarès une filmographie de neuf courts métrages et de quatre longs. Des Trois inventeurs (1979) à Princes et princesses (2000), passant par La légende du pauvre bossu (1982), le sexagénaire a énuméré sur un ton nostalgique et saccadé les motivations de ses choix de technique, les contraintes financières, les influences et l'évolution des moyens de conception et de postproduction au fil des années. De la technique d'animation Stop-motion, image par image, que cela se fasse sur papier découpé suivant une animation en volume ou en 2D, Michel Ocelot a montré qu'il restait attaché à réaliser les choses comme elles se présentaient à lui. «Il est à la fois révolutionnaire et regrettable de nos jours le travail que l'on sait réaliser grâce aux ordinateurs». Un langage imprégné de la démarche volontariste de l'artiste, qui a eu effet de remède pour les jeunes porteurs de projets mordus d'animation, noyés dans un pays où ce genre reste embryonnaire. Conte des Mille et une nuits Après Kirikou et la sorcière et Kirikou et les bêtes sauvages, Ocelot réalise en 2006 Azur et Asmar. Pour la première fois de sa carrière, il ficèle un long métrage (1h39min) en images de synthèse, inspiré par la cité ismaïlienne. Azur et Asmar est une histoire de tolérance et d'acceptation de la différence de l'autre qui s'anime sur fond de décors meknassis. Des bijoux berbères, une femme marocaine à la tunique traditionnelle et au tatouage vertical sur le menton, la célèbre porte de Bab Mansour et les tréfonds des riads, c'est ce que l'on voit dans les séquences commentées par le réalisateur. Actuellement, le film, qui a réalisé plus d'un million d'entrées au box-office français en 2006, fait son retour au bercail. C'est que «Azur et Asmar» a été projeté samedi, le jour même du master class, sur la place Lahdim en présence du réalisateur et sous l'œil émerveillé d'un public nombreux. Pour confirmer l'humilité de cet artiste sans âge, il revient cette année avec les croquis et dessins originaux d'une vision, la sienne, d'un Orient envoûtant et d'une civilisation islamique très positive au Moyen-Orient, «Cette civilisation qui a éveillé mes facultés créatrices pour faire d'Azur et Asmar les deux frères de lait dans l'Europe médiévale». Ces dessins font l'objet d'une exposition permanente visible jusqu'à la fin du FICAM dans l'enceinte de l'IF Meknès. Animation en Afrique ? L'avenir en images ! En Afrique, ce n'est pas pour tout de suite. L'avenir en images est l'intitulé de ces tables rondes thématiques destinées aux étudiants et aux professionnels marocains ou étrangers, qui sont dispensés par des professionnels internationaux. Vendredi 7 mai, «L'animation, des métiers en mouvement» en était le thème. Comme seule représentante du continent africain et du Maroc était présente Florence Robert, directrice du département graphisme à l'Ecole des arts visuels de Marrakech. Le débat, destiné à vulgariser pour de jeunes étudiants attentifs les nouveaux métiers de l'animation, a vite tourné au monologue restreint aux réalisations des industries émergentes dans l'animation. La directrice de la Poudrière, école d'animation à Annecy, le directeur de Master Paris 1, le directeur des arts décoratifs à Paris, ont chacun vanté les diplômes et diplômés de leurs écoles, exposé le nombre de leur employabilité et développé leur méthode pédagogique. La question du «formatage» des étudiants dans les écoles a été évoquée, à la grande infirmation des directeurs d'établissements. «Le formatage de l'étudiant est bien une réalité qui s'effectue au-delà du cursus universitaire. C'est sur le terrain que les contraintes s'amplifient», s'accordent à dire les uns et les autres. Un dialogue déséquilibré, d'abord par manque d'opinion globale, représentative et incitative, inévitable dans un Maroc où l'industrie du cinéma, tout court, n'existe pas.